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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 195

Le mardi 30 avril 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 30 avril 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

Les travaux du Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser l’accès aux photographes aux séances du 30 avril et du 9 mai 2024

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :

Que, le mardi 30 avril 2024 et le jeudi 9 mai 2024, les photographes officiels du Sénat soient autorisés dans la salle du Sénat pour photographier les délibérations avec le moins de perturbation possible.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine mondiale de la vaccination

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, depuis 2000, le taux de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans a diminué de 51 % à l’échelle mondiale, une avancée tout à fait incroyable. La Semaine mondiale de la vaccination se termine aujourd’hui et nous devons reconnaître le rôle que la vaccination a joué dans une telle avancée.

Des maladies qui touchaient autrefois des millions de personnes dans le monde ont été jugulées. Cette année, le Canada célèbre le trentième anniversaire de la certification de l’éradication du poliovirus sauvage endémique sur son territoire. Cette remarquable réussite montre bien à quel point les programmes de vaccination peuvent être efficaces quand ils sont soutenus par les ressources et la volonté politique requises.

Le Canada est depuis longtemps un leader reconnu des efforts pour la démocratisation de l’accès aux vaccins dans le monde. Fort des réussites sur son territoire, le Canada a été le premier pays à contribuer à l’effort mondial d’élimination de la poliomyélite. En tant que partenaire de Gavi, l’Alliance du vaccin, depuis plus de 20 ans, le Canada a joué un rôle essentiel en fournissant les moyens de vacciner plus d’un milliard d’enfants et de sauver la vie de plus de 17 millions de personnes.

Il reste beaucoup à faire. Au pays, la chute des taux de vaccination a provoqué l’éclosion de rougeole en cours à Montréal. La rougeole peut être mortelle et est extrêmement contagieuse, mais c’est une maladie qui peut être prévenue grâce à un vaccin sûr et peu coûteux. Nous devons tous en faire plus pour rappeler aux Canadiens que les vaccins sont sûrs et efficaces et qu’ils sauvent des vies.

Dans le monde, un enfant sur cinq n’a reçu aucune dose de vaccin ou n’est pas complètement vacciné, c’est-à-dire qu’il n’a pas reçu une partie de ses vaccins de routine. Ces enfants risquent de voir leur vie écourtée par des maladies évitables, et beaucoup de ceux qui survivent verront leur vie changée à jamais. Mettre un terme aux décès évitables d’enfants n’est pas seulement un devoir moral, mais aussi un engagement concret dans le cadre des objectifs de développement durable.

Chers collègues, 2024 est l’occasion de poursuivre notre lutte contre la mortalité infantile. Cette année, le premier vaccin contre le paludisme est déployé pour lutter contre une maladie qui tue un enfant chaque minute en Afrique. Un nombre croissant de pays se sont engagés à vacciner des millions de jeunes filles contre le papillomavirus, dans le but d’éradiquer un type de cancer pour la première fois dans l’histoire.

Cette année, réaffirmons notre soutien à la vaccination et veillons à ce que les vaccins atteignent chaque enfant, partout.

Merci.

Des voix : Bravo.

Le traité mondial sur les plastiques

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, le monde est submergé par les plastiques; il suffoque sous le poids de notre négligence. On trouve des plastiques partout, du cercle arctique au placenta humain. La semaine dernière, des représentants de 176 pays étaient à Ottawa pour débattre d’un traité mondial pour résoudre le problème des plastiques. Ils ont été rejoints par 196 lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles et de l’industrie pétrochimique.

Au Canada, plus de quatre millions de tonnes de plastique sont jetées chaque année. La pollution par les plastiques nuit à notre capacité à atteindre les objectifs climatiques, aggrave la perte de la biodiversité, a des répercussions sur la santé humaine et perpétue le racisme environnemental et les inégalités. En effet, l’augmentation des risques de cancer, la contamination de l’eau et les émissions atmosphériques toxiques associées à la production, à l’utilisation et à l’élimination des plastiques touchent de façon disproportionnée les communautés autochtones, noires ou vulnérables.

Pour la Première Nation Aamjiwnaang, les conséquences dévastatrices d’une existence à proximité des usines de production de plastiques se font sentir dans toute la communauté. Située dans la « Chemical Valley », la vallée des produits chimiques, la communauté est exposée à des taux de benzène atmosphérique plus de 100 fois supérieurs à ceux détectés à Toronto ou à Ottawa. Le benzène, un sous-produit dangereux du traitement pétrochimique, est associé à un risque accru de cancer.

Plus de 90 % des déchets plastiques au Canada sont incinérés ou mis en décharge ou se retrouvent dans le milieu naturel. Une décharge de l’autre côté d’une clôture qui délimite le territoire de la Nation des Oneidas et de la Première Nation des Chippewas de la Thames reçoit chaque année 500 000 tonnes de déchets contaminés par des plastiques, qui émettent des gaz toxiques et qui polluent l’air des collectivités environnantes.

Les combustibles fossiles fournissent les matières premières et l’énergie nécessaires à la production de plastique. En tout, 75 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production primaire de plastique sont générées avant et durant les étapes de production des monomères. Les taux de croissance actuels de la production primaire de plastique devraient épuiser notre budget carbone mondial dès 2060. Pour éviter de dépasser la limite de 1,5 degré Celsius, nous devons réduire la production primaire de plastique d’au moins 11,8 % par an, à partir de cette année.

Il est grand temps d’agir, chers collègues.

La Coalition de scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques a clairement tracé la voie du succès : une approche globale couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, de la production à l’élimination, étayée par des objectifs de réduction des plastiques juridiquement contraignants, la divulgation et l’élimination obligatoires des produits chimiques dangereux, un engagement inébranlable en faveur de la santé humaine et de la justice environnementale et l’obtention d’un soutien financier suffisant pour atteindre les objectifs du traité.

Nous devons agir rapidement, résolument et fermement, car le sort de notre planète est en jeu.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue l’honorable Wilfred P. Moore.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de la jonquille

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe.

Aujourd’hui est la dernière journée d’avril, qui est aussi connu comme le Mois de la jonquille dans le monde de la recherche sur le cancer. Chaque printemps, la Société canadienne du cancer appelle la population à se rallier autour de la jonquille pour exprimer son soutien et aider les personnes atteintes du cancer à vivre une vie plus longue et plus active.

La jonquille est la première à fleurir au printemps et, pour les personnes atteintes du cancer, elle est un symbole d’espoir. J’ai vu des jonquilles alors que je marchais pour me rendre ici aujourd’hui.

Pendant ce mois, les bénévoles amassent des fonds essentiels et invitent les gens à exprimer leur soutien en portant une épinglette en forme de jonquille pour soutenir la lutte contre le cancer. Je suis heureuse de voir que de nombreux collègues portent leur épinglette ici.

(1410)

Les fonds collectés pendant le Mois de la jonquille permettent de soutenir des recherches prometteuses sur tous les types de cancer, d’offrir un système de soutien aux personnes atteintes d’un cancer et à leurs aidants naturels et de financer la promotion de politiques publiques saines visant à prévenir le cancer et à mieux soutenir les personnes atteintes de la maladie.

Bien que nous sachions que le cancer touche tout le monde, je sais qu’il ne touche pas tout le monde de la même manière. Il existe de profondes disparités en matière de risque de cancer, de soins et de coûts, qui peuvent avoir des conséquences sur le traitement, les résultats et l’ensemble de l’expérience d’une personne. C’est ce que certains appellent « l’expérience globale du cancer ». Ces disparités s’appliquent tout particulièrement aux personnes d’origine africaine, qui sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic à des stades avancés de la maladie et qui ont moins de chances d’obtenir des résultats positifs. La détection précoce est essentielle, tout comme la promotion de la santé et la sensibilisation.

Aujourd’hui, nous partageons le chagrin des familles qui souffrent de la perte d’un être cher à cause du cancer. Aujourd’hui, nous nous arrêtons également pour rendre hommage aux survivants du cancer, et plus particulièrement à tous ceux qui s’investissent dans le bénévolat pour aider les autres.

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour remercier la Société canadienne du cancer et ses bénévoles pour les efforts inlassables qu’ils déploient afin de sensibiliser la population canadienne au cancer et à ses conséquences sur les personnes, les familles, les communautés et, bien entendu, nous tous ici présents. Je tiens à remercier tout particulièrement le sénateur Cardozo de nous avoir tous invités à participer et d’avoir invité des représentants de la Société canadienne du cancer ici aujourd’hui.

Merci. Asante.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Stuart Edmonds, vice-président principal, Mission, recherche, défense de l’intérêt public et surveillance à la Société canadienne du cancer, de membres de la Société canadienne du cancer et de Julie Booker, Maria Dagenais‑Muñoz et Jonathan Calof, survivants du cancer. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Cardozo.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Donald Abelson et Kelly Worton, de l’Université McMaster. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Dean.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès de Jean-Pierre Ferland

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, c’est avec une certaine tristesse que je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage à M. Jean-Pierre Ferland, brillant et sensible Québécois, auteur-compositeur et interprète, décédé le samedi 27 avril 2024.

Dans une communauté, il y a différentes catégories de personnes. Il y a les grands et il y a les autres. Parmi les autres, il y a les plus grands que les grands; on les appelle les géants. Ainsi, c’est un géant de la chanson qui nous quitte. Depuis l’annonce de son décès, les témoignages sentis et empreints d’affection pour l’homme troubadour résonnent aux quatre coins du Québec et au-delà de nos frontières.

Jean-Pierre Ferland a profondément marqué le Québec et toute la Francophonie par ses paroles chaleureuses, amoureuses et engagées et par sa musique moderne, envoûtante et berçante. Dire de Jean‑Pierre Ferland qu’il était un géant est un euphémisme. Il fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Il faut toute une vie pour écrire, chanter et produire plus de 30 albums aussi populaires les uns que les autres, notamment son fameux album Jaune, lancé en 1970, qui a marqué un tournant dans sa carrière, emboîtant le pas à la Révolution tranquille. Cet album ouvrait les volets de notre demeure québécoise pour y faire entrer un vent d’optimisme et de possibles. Jean-Pierre Ferland a enfourché comme pas un cette époque effervescente et a su, tel un orfèvre des mots, faire briller les passions, les rêves et les émotions de tout un peuple.

Aux côtés des Charlebois, Léveillée, Leclerc, Forestier, Deschamps, Reno, Vigneault, Castel, Renée Claude et de beaucoup d’autres complices de la chanson, Jean-Pierre Ferland a fait vibrer de belle manière l’âme des Québécois. Il a transformé l’amour en œuvre d’art, a porté avec bienveillance les blessures de cœur et a magnifié, un peu cabotin, les rêves d’enfance.

La qualité de ses textes, sa voix chaude, son sourire immense, ses yeux coquins et sa générosité débonnaire ont fait de lui un enfant chéri des Québécoises et des Québécois ainsi que des francophones, qui pleurent aujourd’hui le départ d’un membre de la famille.

Une chance qu’on l’a, qu’on l’a eu et, j’en suis persuadé, qu’on l’aura pour l’éternité, tapi dans notre mémoire et dans nos cœurs.

Un peu plus haut, un peu plus loin, après être devenu un homme, Boule de gomme s’est transformé en ange harmonique et polira pour toujours nos vies, nos rêves et nos amours, comme Jean-Pierre l’a fait avec passion pendant plus de 60 ans.

Veille sur nous, petit roi! Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Marc et Nina LePage. Ils sont les invités des honorables sénateurs Deacon (Nouvelle-Écosse), Boehm, Boyer, Galvez, Gignac, Harder et Wallin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Dagenais.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de la sergente Maureen Breau

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, plusieurs d’entre vous reçoivent cette semaine la visite de représentants des associations de policières et policiers du Canada qui sont à Ottawa dans le cadre de leur visite annuelle aux parlementaires, afin de leur rappeler certains enjeux sur lesquels nous avons le pouvoir d’intervenir.

J’ai accueilli ce matin à mon bureau le président et le conseil de direction de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, qui sont parmi nous cet après-midi.

Nous avons discuté des enjeux de sécurité auxquels nos forces policières sont confrontées, principalement celui de la santé mentale qui, à mon avis, est le fléau de l’heure auquel il faut s’attaquer pour protéger non seulement nos agents de la paix, mais toutes nos communautés, qui sont de plus en plus menacées par des gens au comportement imprévisible, dangereux et parfois meurtrier.

Vous comprendrez que je suis particulièrement sensible à ces problèmes et aux revendications de l’association, puisque je l’ai moi-même présidée pendant plusieurs années.

J’attendais particulièrement la journée d’aujourd’hui pour rendre hommage dans cette Chambre à la sergente Maureen Breau, de la Sûreté du Québec, qui a été assassinée le 27 mars 2023 dans la municipalité de Louiseville, au Québec.

Cette policière de 20 ans d’expérience et mère de deux enfants a été froidement assassinée lors d’une simple opération policière visant à appréhender un individu qui n’aurait jamais dû être remis en liberté à cause de son état connu de dangerosité.

Le meurtre de Maureen Breau a déclenché plusieurs enquêtes : une de la police elle-même, une du Bureau des enquêtes indépendantes, parce que les policiers ont abattu le meurtrier lors de cette intervention, une de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail, parce qu’une personne est morte en faisant son travail et, enfin, une enquête du coroner.

Cela en fait des enquêtes, en raison du fait que notre système présente des lacunes évidentes et dangereuses, qui sont connues des autorités politiques, carcérales et médicales, lesquelles ont malheureusement privilégié, au fil des ans, la remise en liberté d’individus dont l’état de santé mentale présentait des risques élevés pour ceux qui les entourent.

La coroner Géhane Kamel a entendu 67 témoins sur la mort de la policière Maureen Breau et publiera son rapport l’automne prochain. Parmi ces témoins, il y a eu plusieurs policiers, mais aussi les parents du meurtrier, qui ont réclamé sans succès l’incarcération de leur fils dangereux.

(1420)

Ses observations préliminaires durant l’enquête nous portent à croire qu’elle fera des recommandations costaudes pour améliorer les conditions de travail de nos policières et policiers, mais aussi pour responsabiliser davantage le système de soins de santé quand des patients posent des risques évidents pour la société. Souhaitons seulement que ce rapport attendu de la coroner ne se retrouve pas sur les tablettes comme bien d’autres, parce que nos politiciens veulent plutôt privilégier la désincarcération, la désinstitutionnalisation et la déshospitalisation. La sécurité des citoyens doit passer avant tout. Tout délai pour agir concrètement est inacceptable à mes yeux. En peu de mots, j’en ai assez d’entendre qu’on le savait, mais qu’on ne pouvait rien faire.

En terminant, j’ai encore une fois une pensée pour les deux enfants de la policière Maureen Breau et pour son conjoint qui est, lui aussi, policier à la Sûreté du Québec. Souhaitons que la mort tragique de la sergente Breau puisse donner lieu à des changements positifs.

Le décès de Dan Philip

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, le lundi 1er avril, l’ancien président de la Ligue des Noirs du Québec, M. Dan Philip, nous a quittés. Ses funérailles se sont tenues le lundi 22 avril dernier à Montréal.

Dan Philip était une figure marquante de la lutte pour les droits de la personne et la justice au pays. Originaire de Sainte-Lucie, dans les Caraïbes, il s’installa à Montréal au début des années 1970. Peu après son arrivée au Québec, il rejoignit la Ligue des Noirs et fut son président de 1980 à 2020.

Ses 40 ans de service l’ont notamment fait connaître pour sa lutte contre le racisme et la discrimination à l’endroit des Noirs dans les secteurs de l’emploi et du logement. Il fut grandement impliqué dans la lutte contre le racisme menée par les chauffeurs de taxi haïtiens dans les années 1970 et 1980. Quand je suis arrivée au Québec en 1976, ses actions m’ont fait réaliser que l’enjeu du racisme existait aussi au Canada. M. Philip fut activement impliqué dans la lutte contre la brutalité policière. Le consul de la Jamaïque, George Grant, déclarait le jour de ses funérailles qu’il incarnait le mouvement Black Lives Matter bien avant que celui-ci ne devienne un slogan.

Parmi les nombreuses reconnaissances qu’il a obtenues pour son engagement, Dan Philip a reçu la médaille de la citoyenneté de l’Assemblée nationale en 2019 et le prix Rosa Parks de la Commission des droits de la personne en 2000. Dan Philip a su être et est resté un allié, non seulement pour les communautés noires, mais aussi pour les autres communautés marginalisées. Il s’est exprimé haut et fort contre l’antisémitisme et l’islamophobie.

Enfin, je le remercie d’avoir contribué à l’essor des jeunes leaders de nos communautés afrodescendantes. Son apprentissage du français pour devenir bilingue fut vraiment remarquable. J’adresse mes condoléances à sa famille, ses amis et ses camarades de la Ligue des Noirs.

Reposez en paix, monsieur Philip.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du groupe International Students Overcoming War (ISOW). Ils sont les invités des honorables sénateurs Deacon (Ontario) et Boehm.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Le commissaire à l’environnement et au développement durable—Dépôt des rapports du printemps 2024

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada (printemps 2024), conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17, par. 7(5).

[Traduction]

Le patrimoine canadien

Les résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations unies—Dépôt du rapport national

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport national soumis en application des résolutions 5/1 et 16/21 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies — Canada.

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 30 juin 2024, un rapport intérimaire sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, si le Sénat ne siège pas à ce moment‑là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’emploi et le développement social

L’usine de fabrication de batteries pour véhicules électriques

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau dit aux Canadiens que donner 50 milliards de dollars issus de leurs impôts à des entreprises permettrait de créer des emplois.

Les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont récemment écrit au premier ministre Trudeau au sujet du recours massif à des travailleurs de remplacement étrangers à l’usine de batteries de Stellantis, à Windsor. L’organisation affirme que la situation s’est aggravée après une réunion entre le premier ministre et les dirigeants de l’entreprise en mars, lorsque cette dernière a pris de l’assurance et a augmenté le nombre de travailleurs étrangers sur le site.

Ce premier ministre incompétent n’en vaut pas le coût. À quel point l’accord négocié par le gouvernement Trudeau était-il mauvais? Allez-vous publier les contrats pour que nous puissions les consulter?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Les contrats conclus par le gouvernement sont souvent soumis à plusieurs limitations commerciales bien comprises en ce qui concerne la divulgation. Cela permet au gouvernement et aux fournisseurs d’agir au mieux des intérêts du projet visé par le contrat. Ainsi, je n’ai pas été informé que le gouvernement allait divulguer des détails à ce stade-ci.

Le sénateur Plett : Voilà une façon assez verbeuse de dire « non », monsieur le leader.

Lorsque, en novembre, je vous ai posé une question au sujet des emplois à l’usine de Windsor, vous avez répondu qu’il n’y avait rien à dire sur le sujet. Si c’est le cas, pourquoi les Syndicats des métiers de la construction du Canada ont-ils écrit au premier ministre au sujet de certains emplois qui vont à des travailleurs de remplacement? Pourquoi des députés libéraux ont-ils fait de l’obstruction au comité l’automne dernier? Pourquoi ont-ils voté hier, avec leurs partenaires néo-démocrates, pour empêcher la divulgation des contrats? Pourquoi gardez-vous les contrats secrets si vous êtes fiers de l’entente qui a été négociée?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas suffisamment de temps pour répondre aux sept questions que vous avez réussi à poser. Le fait demeure : l’actuel gouvernement travaille avec ses homologues provinciaux et le secteur privé, ici et à l’étranger, à offrir des débouchés aux Canadiens et à favoriser la croissance de l’économie. Il continuera de le faire, pour le bien des Canadiens.

La santé

La décriminalisation de la drogue

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, vendredi dernier, le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique a admis que l’expérience de décriminalisation de la drogue qu’il a entreprise avec le gouvernement Trudeau est une terrible erreur. Il a demandé que soit modifiée de toute urgence l’exemption qui permet la consommation de drogues dures dans des lieux publics tels que les hôpitaux, les plages et les parcs. Il est scandaleux de voir qu’au lieu d’accéder à cette demande rapidement afin de sauver des vies, les membres du Cabinet Trudeau choisissent de défendre leur politique radicale désastreuse.

Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau met-il autant de temps à agir? Agira-t-il dès aujourd’hui?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Comme le savent tous les sénateurs, le gouvernement de la Colombie-Britannique avait demandé au gouvernement de pouvoir mener un projet pilote de trois ans axé sur la décriminalisation de la drogue dans la province. Le projet n’a qu’un an. Comme l’a annoncé la ministre Saks, le gouvernement étudie la demande de la Colombie-Britannique, tout comme il étudie, soit dit en passant, la demande de la Ville de Toronto pour un projet pilote similaire. Le gouvernement étudie ces demandes. Il prend très au sérieux son partenariat avec les provinces en ce qui concerne l’administration de la justice et des questions de santé, car il s’agit bien d’une question de santé.

(1430)

Le programme demandé par la Colombie-Britannique permet de sauver des vies. Les ajustements à ce programme que le gouvernement ​​britanno-colombien a demandé au gouvernement fédéral d’envisager sont en cours d’examen.

La sénatrice Martin : Pourtant, on trouve de la drogue dans les hôpitaux, monsieur le leader, et les infirmières et le personnel hospitalier sont en danger. Il y a des trafiquants de drogue. L’approvisionnement n’est pas sécuritaire; cela n’existe pas. Cela fait quatre jours. On aurait dû accepter la demande du premier ministre Eby sans délai. Le gouvernement Trudeau s’accroche à une expérience mortelle et infructueuse qui a ruiné des milliers de vies dans toute ma province.

Est-il plus important pour le gouvernement Trudeau de s’en tenir à cette politique infructueuse que d’admettre qu’il s’est trompé?

Le sénateur Gold : Si j’ai bien compris, le gouvernement de la Colombie-Britannique n’a pas demandé qu’on mette fin au projet, mais qu’on procède simplement à des ajustements afin que les drogues ne puissent pas être consommées sur la place publique. Même si vous avez le droit de le faire dans l’opposition, décrire ce problème de santé foncièrement grave en des termes aussi tranchés et incorrects est trompeur pour les personnes qui ont des problèmes de toxicomanie et pour les gouvernements qui tentent de le traiter.

Les finances

Le budget de 2024

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, les Canadiens cherchent à obtenir des précisions au sujet de l’intention du gouvernement d’augmenter le taux annuel d’inclusion des gains en capital supérieurs à 250 000 $, le faisant passer de la moitié aux deux tiers.

La ministre Freeland a déclaré que seulement 0,13 % des Canadiens ayant un revenu annuel moyen de 1,4 million de dollars devront payer une plus grande part sur leurs gains en capital. Toutefois, certains disent que jusqu’à 20 % des Canadiens pourraient être touchés et que la politique pourrait s’appliquer à de nombreux professionnels, comme les médecins et les investisseurs immobiliers qui ont des fiducies ou des entreprises constituées en société.

Pouvez-vous nous remettre les pendules à l’heure? Combien de personnes seront touchées? Sur quelles données cette décision s’appuie-t-elle? De nombreuses personnes sont extrêmement préoccupées par le fait que cette décision pourrait nuire aux investissements au Canada.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Monsieur le sénateur, selon l’information fournie par le gouvernement, 28,5 millions de Canadiens ne devraient pas avoir de gains en capital l’an prochain, et 3 millions de Canadiens devraient générer des gains en capital inférieurs au seuil annuel de 250 000 $. Cela signifie qu’il n’y aurait aucune hausse de l’impôt payé sur les gains en capital de 99,87 % des Canadiens. Le gouvernement a calculé qu’environ 12 % des grandes sociétés du Canada seront assujetties à un taux d’inclusion plus élevé sur leurs gains en capital. Parallèlement, l’augmentation du taux d’exclusion des gains en capital ne devrait pas nuire à la concurrence des entreprises du Canada.

Les grandes sociétés dans la plupart des autres pays, y compris les États-Unis, paient l’impôt applicable sur le revenu des sociétés pour 100 % de leurs gains en capital. Avec un taux d’inclusion aux deux tiers, la fiscalité des entreprises demeure concurrentielle au Canada.

Le sénateur Loffreda : Merci, sénateur Gold. J’aurais une courte question complémentaire au sujet de la consultation. J’ai discuté avec de nombreux particuliers et entrepreneurs qui ont été pris de court par cette annonce. Pouvez-vous nous parler du processus de consultation utilisé par le gouvernement? Qui a été consulté? Qu’avez-vous entendu? Quelle autre politique génératrice de recettes a été envisagée, le cas échéant, comme solution de rechange à cette hausse de l’impôt sur les gains en capital?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Toutes les mesures ont sans aucun doute été envisagées en prévision du budget. Je ne dispose toutefois d’aucun renseignement sur le processus de consultation ayant mené à cette mesure budgétaire en particulier.

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Brent Cotter : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

En juin 2023, le projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, a été adopté par les deux Chambres du Parlement de façon quasi unanime. La ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap de l’époque, dans ses observations publiques et au Parlement, a déclaré que le projet de loi allait entraîner un changement générationnel en sortant de la pauvreté les Canadiens handicapés en âge de travailler.

Notre premier ministre a dit la même chose. Le parrain du projet de loi C-22, dans cette enceinte et dans des discours publics — y compris il n’y a pas si longtemps alors qu’il était accompagné de sa fille handicapée devant un auditoire d’environ 500 personnes —, a célébré cette réalisation générationnelle.

Ma question est la suivante : quelle personne saine d’esprit, au sein de notre gouvernement, a pensé qu’une prestation offerte à compter de juillet 2025, d’un montant maximum de 200 $ par mois pendant 6 ans, assortie de critères stricts déterminés par l’Agence du revenu du Canada, permettrait d’opérer un changement générationnel et de sortir les personnes handicapées de la pauvreté?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, des efforts que vous avez déployés dans ce dossier et, en fait, de votre parrainage dans cette enceinte.

Comme je l’ai dit, la déception de tant de membres de la communauté des personnes handicapées et d’autres groupes à l’égard de l’annonce faite dans ce budget est compréhensible et partagée par le gouvernement. Comme tous les programmes progressistes que le gouvernement a mis en œuvre et cherche à mettre en œuvre, ce programme a été conçu pour être amélioré et élargi; le gouvernement l’a indiqué dans le budget. De toute évidence, le report de la mise en œuvre de ce programme est regrettable, mais il a été jugé nécessaire pour que le budget demeure responsable sur le plan financier.

Ce n’est pas une bonne réponse. C’est la vérité, mais je sais cependant qu’elle déplaira à plusieurs. Voilà les circonstances.

Le sénateur Cotter : Je pense que nous sommes tous d’accord sur la dernière partie de votre intervention, sénateur Gold.

Le projet de loi C-22 a été adopté il y a près d’un an, alors pouvez-vous confirmer que, pendant cette période, la ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes en situation de handicap a au moins rencontré personnellement les ministres provinciaux et obtenu leur engagement à ne pas récupérer les prestations provinciales?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je crois comprendre que la ministre collabore effectivement avec ses homologues provinciaux et territoriaux et qu’elle leur demande d’exclure les paiements de la prestation canadienne pour les personnes handicapées du calcul du revenu de celles-ci en lien avec les mesures de soutien provinciales ou territoriales qu’elles reçoivent.

Les finances

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada

L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, la fraude bancaire est un problème persistant et croissant au Canada. De plus en plus d’incidents frauduleux qui sont liés à de fausses pièces d’identité, à des arnaques par courrier électronique, à des fraudes immobilières et à d’autres crimes de plus en plus faciles à prévenir surviennent dans nos institutions financières, et c’est préoccupant. Les criminels internationaux en prennent bonne note, ce qui expose les consommateurs canadiens vulnérables à un risque encore plus grand de perdre leurs économies durement gagnées.

Nous avons vu le gouvernement commencer à prendre des mesures en créant un registre de la propriété effective et en donnant aux institutions financières la capacité à échanger des renseignements dans le cadre de la lutte contre les crimes financiers.

Étant donné qu’elle a pour mandat de « protéger les droits et intérêts des consommateurs de produits [...] financiers », comment l’Agence de la consommation en matière financière du Canada s’attaque-t-elle à la hausse inquiétante de la fraude bancaire? Si la lutte contre cette fraude ne relève pas de son mandat, quelles autres mesures législatives pouvons-nous attendre du gouvernement? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada fournit des informations aux consommateurs sur leurs droits et responsabilités en matière de produits et services bancaires et supervise le régime fédéral de protection des consommateurs, y compris le respect par les banques de la procédure de traitement des plaintes.

L’Agence de la consommation en matière financière du Canada attend des institutions financières qu’elles enquêtent sur les circonstances qui ont conduit à une transaction non autorisée afin de déterminer si elles étaient indépendantes de la volonté de la personne concernée et qu’elles prennent en compte tous les facteurs pertinents avant de déclarer la personne responsable ou non.

D’après mon expérience personnelle de la semaine dernière, je peux attester que ma banque, au moins, agit de manière responsable à cet égard.

Le sénateur C. Deacon : Beaucoup de gens ont communiqué avec moi récemment à ce sujet et je peux vous affirmer que ce n’est pas le cas. Donc, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada n’est pas responsable et l’ombudsman des services bancaires et d’investissement, qui dit représenter les consommateurs, leur fait signer un accord de confidentialité avant d’enquêter sur un incident. Si une banque suit sa politique interne, l’ombudsman n’intervient pas au nom du consommateur, même lorsqu’il est prouvé que la politique de la banque est inefficace et qu’elle cause un préjudice aux consommateurs. Le gouvernement comprend-il que nos institutions financières ne sont pas à la hauteur des criminels?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada est toujours attentif à ce qui pourrait devoir être fait dans l’avenir. Comme je l’ai dit, il a mis en place des mesures pour s’assurer, du mieux qu’il peut, que les Canadiens sont traités correctement par leurs banques. Cela inclut la désignation d’un organisme sans but lucratif indépendant et transparent — l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement — en tant qu’organisme externe unique de traitement des plaintes pour le secteur bancaire canadien. Le gouvernement continuera d’explorer d’autres mesures au besoin.

(1440)

Les relations Couronne-Autochtones

Les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

L’honorable Brian Francis : Sénateur Gold, en décembre dernier, plus de 40 personnes et groupes ont signé une lettre s’opposant à une demande judiciaire de la GRC de détruire 14 000 pièces à conviction liées à Robert Pickton, qui a été associé au meurtre ou à la disparition de plus de 50 femmes, dont la majorité sont Autochtones et dont les cas n’ont pas été résolus. De nombreuses familles qui attendent encore de recevoir des réponses et d’obtenir justice veulent que ces éléments de preuve soient conservés.

Le gouvernement fédéral a-t-il mis fin à la décision de détruire les éléments de preuve se rapportant à Pickton, et des réformes législatives seront-elles introduites pour améliorer la gestion des preuves concernant les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre autochtones qui ont été assassinées ou portées disparues?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Il est clair qu’il reste du travail à faire en ce qui concerne les femmes et les enfants autochtones assassinés ou portés disparus. Je n’ai pas connaissance d’un projet de loi futur sur ce sujet, mais je ne manquerai pas d’en parler au ministre à la première occasion.

Le sénateur Francis : Merci, sénateur Gold. À l’approche de la Journée de la robe rouge, qui sera soulignée le 5 mai, j’espère que les familles recevront une réponse à ces questions. Dans la même lettre, les familles demandent aussi à la GRC d’affecter en priorité des ressources à l’enquête sur les cas non résolus liés à Robert Pickton pour garantir que tous les recours légaux sont envisagés afin de traduire en justice tout autre responsable ou de donner suite à tout aspect non examiné de l’affaire. Pouvez-vous nous dire si la GRC a répondu à cette demande et, dans l’affirmative, quelle a été sa réponse?

Le sénateur Gold : Malheureusement, je ne suis pas en mesure de m’avancer sur ce que la GRC pourrait... Je dirai que cette question devrait être posée à la GRC, ce qui est le cas. Encore une fois, c’est un autre point que j’ajouterai à ma liste de questions pour le ministre.

[Français]

Les finances

Le budget de 2024

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Hier, Le Journal de Montréal rapportait que 25 % des ménages québécois sont incapables de vivre dignement. Ce nombre a bondi depuis un an à cause de la « Justinflation ». Dans mon quartier natal de Parc-Extension, les gens sont forcés de vivre à 15 dans un appartement. Il y a des émeutes devant la banque alimentaire. Voilà le résultat des politiques de Justin Trudeau. Il a doublé la dette du pays, alors que Montréal s’appauvrit, que le Québec s’appauvrit et que le Canada s’appauvrit.

Quand votre gouvernement va-t-il reconnaître ses erreurs, mettre à la poubelle le budget Freeland et déposer un nouveau budget qui permettra au Canada de retrouver la prospérité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Selon mes informations, le gouvernement n’a aucune intention de mettre à la poubelle le budget Freeland. Au contraire; le gouvernement attend avec intérêt le débat qui vient de commencer à l’autre endroit et l’étude qui aura lieu dans cette Chambre.

Le temps ne me permet pas de répondre à toutes les allégations — ce sont des allégations que l’on entend dans votre question — qui ne sont pas fondées sur des faits. Cela dit, j’attends avec intérêt, comme nous tous, l’arrivée du projet de loi qui permettra de mettre en œuvre le budget afin que le Sénat l’étudie en profondeur.

Le sénateur Housakos : C’est un fait que les lignes devant les banques alimentaires au Canada sont à un seuil historique, sénateur Gold. C’est maintenant officiel : chaque dollar de TPS sert à payer l’intérêt sur la dette du Canada. Chaque dollar de TPS va aux banquiers de Londres et de New York qui remercient Justin Trudeau de sa générosité. Quel est le plan du gouvernement alors que la dette va continuer d’augmenter? Va-t-il hausser la TPS?

Le sénateur Gold : Le budget examiné par le Parlement représente un exercice responsable pour faire en sorte qu’on garde le cap, conformément aux projections de l’Énoncé économique de l’automne 2023 et, en même temps, que l’on donne du soutien aux individus et aux entreprises pour que notre économie puisse continuer à se développer et à grandir.

La sécurité publique

Les demandes d’accès à l’information

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, le mois dernier, après plus de deux ans d’attente, Justice Canada a enfin répondu à ma demande d’accès à l’information. Dans une autre de mes demandes, Innovation, Sciences et Développement économique Canada m’a indiqué qu’il faudrait 650 jours pour m’envoyer les documents requis, mais je me trouve chanceux. Si j’avais présenté une demande d’accès à l’information à l’Agence des services frontaliers du Canada, les fonctionnaires l’auraient probablement perdue. En effet, selon un reportage de Radio-Canada, cette agence a perdu « [...] 12 000 demandes d’accès, et potentiellement des milliers d’autres documents en lien avec ces demandes [...] ».

Comment votre gouvernement peut-il échouer aussi chroniquement et lamentablement à répondre aux demandes dans le délai normal et raisonnable de 30 jours qui est prévu dans la Loi sur l’accès à l’information?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Il est vrai que les délais dans plusieurs ministères ne sont pas acceptables, et cela fait quelques années que le gouvernement met la main à la pâte pour que les choses s’améliorent. De plus, il s’agit du premier gouvernement depuis plus de 30 ans qui effectue des réformes à la Loi sur l’accès à l’information, et le gouvernement va continuer d’essayer de faire mieux, mais c’est vrai. C’est peut-être un cliché, mais les clichés sont des clichés, car ils contiennent une part de vérité; il y a beaucoup plus à faire et le gouvernement va continuer d’essayer de faire mieux.

Le sénateur Carignan : Il semble que la perte de ces demandes s’explique par des travaux effectués sur 40 des centaines de serveurs de l’Agence des services frontaliers du Canada. Sur ces 40 serveurs, il y avait les 12 000 demandes qui ont disparu.

Pouvez-vous nous dire quelles autres données ont été perdues dans ces 40 serveurs de l’Agence des services frontaliers du Canada, par souci de transparence?

Le sénateur Gold : En fait, je n’ai pas l’information que vous cherchez, et je ne sais pas si elle est disponible.

[Traduction]

Le bureau du représentant du gouvernement

Le Règlement du Sénat du Canada

L’honorable Jim Quinn : Sénateur Gold, ma question porte sur la motion no 165. La semaine dernière, dans une entrevue que vous avez accordée au Hill Times, vous avez indiqué que votre bureau n’a pas fixé d’échéancier et que rien dans la motion n’impose des paramètres à la durée du débat. Vous avez dit : « Le débat a à peine commencé [...] nous nous attendons à avoir un débat en bonne et due forme au Sénat. »

Étant donné que vous avez donné toutes ces indications dans le cadre de l’entrevue, êtes-vous disposé à entendre des amendements de sénateurs qui souhaitent améliorer les modifications proposées au Règlement?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur Quinn. Il appartient à chaque sénateur de décider de sa façon de participer au débat. Je suis convaincu que le Sénat étudiera, comme il le fait toujours, tout ce qui est proposé. J’espère que le Sénat considérera la motion que j’ai présentée comme une première étape permettant d’agir rapidement et de façon concrète et pragmatique pour que tous les groupes soient traités de façon juste et équitable, et c’est une mesure qui se fait attendre depuis longtemps.

Le sénateur Quinn : La semaine dernière, sénateur Gold, nous avons parlé de la modification du délai pour obtenir une réponse, qui passerait de 45 à 60 jours. Étant donné que ces règles relèvent du Sénat et que vous préconisez une solution permettant à tous d’atteindre leur but, ne serait-il pas raisonnable de s’attendre à ce que nous puissions ensuite proposer des amendements? Pourquoi, aussi tôt dans le processus, indiquez-vous d’avance votre intention de recourir à la fixation d’un délai?

Le sénateur Gold : Le gouvernement du Canada a entrepris la tâche importante de réformer la manière dont les sénateurs sont nommés afin de diversifier davantage la composition de cette assemblée et d’accorder plus d’indépendance au Sénat par rapport au Cabinet du premier ministre.

(1450)

Deuxièmement, nous avons agi de manière responsable et avons déployé des efforts pour terminer le travail que la Chambre haute a accompli sur la Loi sur le Parlement du Canada. Le gouvernement est prêt à faire tout ce qui est en son pouvoir pour qu’il n’y ait plus d’obstruction à cette importante initiative.

Le Bureau du Conseil privé

Le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes (Sénat)

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, je ne sais pas comment vous arrivez à répondre aux questions comme vous le faites, sans broncher. C’est extraordinaire. Vous possédez un véritable don.

Monsieur le leader, le 13 décembre 2022, j’ai fait inscrire une question au Feuilleton du Sénat concernant votre ancien secrétaire parlementaire, le député Mark Gerretsen. On demandait des renseignements élémentaires, comme le nombre de fois où il vous a rencontré et le nombre de fois où il a rencontré d’autres sénateurs. Dans une réponse récente, on nous dit :

Le secrétaire parlementaire [...] a rencontré régulièrement le représentant du gouvernement au Sénat et d’autres sénateurs pour discuter de mesures législatives et des affaires des deux Chambres.

C’est tout. Monsieur le leader, j’ai attendu 15 mois pour cette réponse, et je ne considère pas cela comme une réponse. Justin Trudeau avait promis aux Canadiens un gouvernement « ouvert par défaut ». Neuf longues années plus tard, le gouvernement Trudeau se moque tout simplement des Canadiens et du Sénat — n’est-ce pas, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Non, ce n’est vraiment pas le cas. Alors que vous avez le droit de poser toutes les questions que vous voulez, monsieur le sénateur, celle-là donne l’impression que vous êtes à court d’idées.

Tout d’abord, avec tout le respect que je vous dois, M. Gerretsen n’est pas mon secrétaire parlementaire. Il était secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes. Il faut utiliser les termes justes.

Ensuite, il est tout à fait approprié que je le rencontre. Si je vous répondais qu’il est secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes mais que je ne le rencontre jamais, vous trouveriez que c’est irresponsable, sans vouloir l’admettre. Évidemment que nous nous rencontrons et que nous discutons. Cela fait partie de mon travail et du sien. Je ne vois pas vraiment ce qu’on pourrait dire d’autre en réponse à votre question.

Le sénateur Plett : J’attends depuis 15 mois, monsieur le leader, et je n’ai toujours pas la réponse.

Monsieur le leader, cette supposée réponse à des questions simples concernant votre ancien secrétaire parlementaire ne prouve-t-elle pas que l’argument du gouvernement est erroné? Modifier le Règlement du Sénat ne changerait rien à ce que la commissaire à l’information a qualifié de « culture du secret » au sein du gouvernement Trudeau. Nous parlons de modifier le Règlement du Sénat, mais les Canadiens ne devraient-ils pas plutôt changer de gouvernement?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Je n’ai pas de secrétaire parlementaire. Je ne suis pas ministre. Je n’ai pas de chauffeur. Je suis simplement un sénateur. Les Canadiens prendront leur décision aux prochaines élections. D’ici là, je continuerai de représenter le gouvernement au Sénat, conformément à la tâche qui m’a été confiée.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les étudiants étrangers

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, il y a quelques jours, le ministre de l’Immigration a annoncé une réduction du nombre d’heures de travail des étudiants étrangers pendant leur séjour au Canada. Je crois que cela passe d’un maximum de 40 heures par semaine à un maximum de 25 heures par semaine. Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement derrière cette décision et ce que l’on compte en obtenir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question, sénateur. Vous vous souviendrez peut-être que, pendant la pandémie, le gouvernement avait levé ce qui était alors un plafond de 20 heures pour les étudiants étrangers afin qu’ils puissent aider à lutter contre la pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs et subvenir à leurs besoins pendant cette période de grande incertitude économique. C’était la bonne décision à prendre à l’époque.

Compte tenu des situations que nous connaissons tous, le gouvernement a revu ce chiffre à la fois pour être juste à l’égard des étudiants étrangers et pour qu’ils puissent être traités équitablement, logés et intégrés adéquatement par les villes, les provinces et même les établissements où ils étudient.

Le sénateur Cardozo : Le gouvernement a également examiné le nombre d’étudiants étrangers qui viennent ici et il a évalué combien d’entre eux peuvent fréquenter les universités et les collèges publics par rapport à ceux qui peuvent fréquenter les collèges privés.

Pouvez-vous nous donner de l’information à ce sujet et nous dire si une entente fédérale-provinciale est requise pour y arriver avant que les chiffres puissent être modifiés?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Si je comprends bien, le gouvernement adopte un cadre institutionnel reconnu visant à mieux cerner les établissements qui offrent de véritables possibilités d’éducation aux étudiants, et non ceux qui servent uniquement de façade pour faciliter l’entrée au Canada et qui n’offrent aucun avantage sur le plan éducatif. Ce programme est mis au point en collaboration avec les provinces et les territoires et il est déjà en cours.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

L’agriculture et l’agroalimentaire—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris l’Agence canadienne du pari mutuel), la Commission canadienne des grains, le Conseil des produits agricoles du Canada, la Commission canadienne du lait et Financement agricole Canada.

L’Agence de promotion économique du Canada atlantique—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agence de promotion économique du Canada atlantique.

L’Agence canadienne de développement économique du Nord—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agence canadienne de développement économique du Nord.

L’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Développement économique Canada pour les régions du Québec.

Le revenu national—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agence du revenu du Canada.

Les pêches, les océans et la Garde côtière canadienne—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Pêches et Océans Canada, y compris la Garde côtière canadienne, et l’Office de commercialisation du poisson d’eau douce.

Les services aux Autochtones—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Services aux Autochtones Canada, y compris Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

La défense nationale—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Défense nationale, le Comité externe d’examen des griefs militaires, la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, l’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes et le Centre de la sécurité des télécommunications.

L’environnement et le changement climatique—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Environnement et Changement climatique Canada, Agence d’évaluation d’impact du Canada et Parcs Canada.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et les langues officielles—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Emploi et Développement social Canada et le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

L’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario.

L’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario.

Les finances—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Ministère des Finances Canada, la Banque du Canada, la Société d’assurance-dépôts du Canada, la Corporation de développement des investissements du Canada, l’Office d’investissement du Régime de pension du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières et la Monnaie royale canadienne.

Les affaires étrangères—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Affaires mondiales Canada, Investir au Canada, Exportation développement Canada, la Corporation commerciale canadienne et le Centre de recherches pour le développement international.

La santé—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés.

Les relations Couronne-Autochtones—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord Canada.

Le logement, l’infrastructure et les collectivités—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Infrastructure Canada, la Banque de l’infrastructure du Canada, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les Ponts Jacques Cartier Champlain Inc. et l’Autorité du pont Windsor-Détroit.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

L’innovation, les sciences et l’industrie—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Innovation, Sciences et Développement économique Canada, la Commission du droit d’auteur du Canada, l’Agence spatiale canadienne, le Conseil national de recherches Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Statistique Canada, le Conseil canadien des normes, Destination Canada et la Banque de développement du Canada.

La justice et le procureur général—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Ministère de la Justice, la Commission canadienne des droits de la personne et le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs.

L’énergie et les ressources naturelles—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Ressources naturelles Canada, la Régie de l’énergie du Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’Administration du pipe-line du Nord et Énergie atomique du Canada limitée.

L’Agence de développement économique du Canada pour le Pacifique—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Développement économique Canada pour le Pacifique.

Le patrimoine canadien—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Patrimoine canadien, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Bibliothèque et Archives Canada, la Commission des champs de bataille nationaux, l’Office national du film du Canada, le Conseil des arts du Canada, Ingenium – Musées des sciences et de l’innovation du Canada, CBC/Radio-Canada, le Musée canadien pour les droits de la personne, le Musée canadien de l’histoire, le Musée canadien de l’immigration du Quai 21, le Musée canadien de la nature, le Centre national des arts, le Musée des beaux-arts du Canada, Téléfilm Canada, la Fondation canadienne des relations raciales, l’Institut canadien de conservation et le Réseau canadien d’information sur le patrimoine.

Le Bureau du Conseil privé—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Bureau du Conseil privé.

La justice et le procureur général—Le Service des poursuites pénales—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Service des poursuites pénales du Canada.

L’Agence du développement économique du Canada pour les Prairies—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Développement économique Canada pour les Prairies.

La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Sécurité publique Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité, le Service correctionnel du Canada, la Commission des libérations conditionnelles du Canada et la Gendarmerie royale du Canada.

Les services publics et l’approvisionnement—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Services publics et Approvisionnement Canada, la Société immobilière du Canada, la Société canadienne des postes, Construction de Défense Canada, la Commission de la capitale nationale et Services partagés Canada.

Le Conseil du Trésor—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, l’École de la fonction publique du Canada et l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public.

Les transports—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Transports Canada, l’Office des transports du Canada, l’Administration de pilotage de l’Atlantique, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, la Société des ponts fédéraux Limitée, l’Administration de pilotage des Grands Lacs, l’Administration de pilotage des Laurentides, Marine Atlantique Inc., l’Administration de pilotage du Pacifique et VIA Rail Canada.

Le Bureau du Conseil privé—La Commission de la fonction publique et le Bureau de la sécurité des transports—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Commission de la fonction publique du Canada et le Bureau de la sécurité des transports du Canada.

La sécurité publique, les institutions démocratiques et les affaires intergouvernementales—Le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes.

Les anciens combattants—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Anciens Combattants Canada et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

Les femmes et l’égalité des genres—Huawei

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 50, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant Huawei — Ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.


(1500)

[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Message des Communes

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes un message informant le Sénat qu’elle a adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, sans y apporter d’autres amendements.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-50, suivie de la troisième lecture du projet de loi S-16, suivie de l’étude de la motion no 165, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi canadienne sur les emplois durables

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Hassan Yussuff propose que le projet de loi C-50, Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-50, la Loi canadienne sur les emplois durables. C’est une mesure législative qui me passionne.

Pourquoi? Parce que ce projet de loi concerne fondamentalement les travailleurs : il protège leurs droits et leurs intérêts, il soutient leur famille et il permet à leurs collectivités de se développer.

Chers collègues, nous ne pouvons plus nier ni éviter les menaces que représentent les changements climatiques pour notre environnement, notre société et notre économie. Nous le constatons tout autour de nous, qu’il s’agisse de l’augmentation des températures, des inondations, des feux ou des sécheresses. Aucune partie de notre pays n’est à l’abri, et aucune partie de notre société ni de notre économie ne peut y échapper. Les changements climatiques entraînent des changements économiques. C’est indéniable. Cela se produit dans tous les pays — petits ou grands, capitalistes ou communistes, dirigés par des régimes autoritaires ou démocratiques — du monde entier.

Le changement peut être bénéfique ou dévastateur. Cela dépend en grande partie de notre capacité à reconnaître le changement à venir et à nous y préparer.

Chers collègues, la question qui se pose à vous au moment de soutenir ce projet de loi est de savoir si vous voulez admettre ces changements. Si c’est le cas, voulez-vous préparer notre économie et nos travailleurs à ces changements?

Fatih Birol, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, a déclaré :

La transition vers l’énergie propre est en cours dans le monde entier et elle est inévitable. La question n’est pas de savoir si elle aura lieu, mais à quelle vitesse.

Sénateurs, le projet de loi C-50 établit le cadre pour que nous puissions aider les travailleurs et leurs collectivités à faire face aux effets des changements climatiques sur une économie et un marché du travail qui seront inévitablement touchés.

Presque tous les pays du monde se sont engagés à respecter l’Accord de Paris et l’objectif de lutter contre les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Cela concerne des secteurs comme l’énergie, les transports, les bâtiments, l’industrie manufacturière et bien plus encore.

Au Canada et aux quatre coins du monde, ces progrès sont dus au fait que les entreprises améliorent leur efficacité énergétique et adoptent des solutions à faible émission de carbone, tout en fournissant les mêmes produits dont les gens ont besoin jour après jour.

L’engagement mondial pris il y a neuf ans à Paris n’est pas une simple déclaration politique. Il a envoyé un signal aux marchés financiers et, oui, aux marchés du travail du monde entier.

Le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie indique clairement que des billions de dollars d’investissements à l’échelle internationale sont en train d’être transférés des actifs incompatibles avec un avenir durable et carboneutre, comme les centrales au charbon, vers des actifs qui le sont.

La Banque Royale du Canada a récemment prévu que d’ici la fin de la décennie, le Canada pourrait créer 400 000 emplois dans le domaine des énergies propres en ce qui a trait à la carboneutralité.

Au Canada, nous en sommes déjà témoins. Prenons l’exemple de l’industrie automobile, où nous avons vu des investissements de plusieurs milliards de dollars dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques et des batteries, de la part d’entreprises telles que Ford, Volkswagen, Umicore, Michelin, Northvolt, Stellantis et, tout récemment, Honda, à Alliston, Ontario. Cela crée des emplois pour les travailleurs de la construction et de l’automobile de Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, à Bécancour, au Québec, de St. Thomas à Windsor, en Ontario, et au-delà.

Prenons l’exemple de l’industrie de l’hydrogène. L’hydrogène est une source de carburant sans carbone, incroyablement dense en énergie, qui peut être fabriquée de diverses manières pour remplacer le diésel et d’autres carburants à fortes émissions.

Des entreprises comme Air Products, EverWind et World Energy créent de nouvelles usines et stations tout au long de la chaîne d’approvisionnement, depuis la production et le transport jusqu’à l’utilisation finale de l’hydrogène. Cela signifie de bons emplois pour les travailleurs de Stephenville, au Cap-Breton, de la région de Niagara et d’Edmonton, pour n’en citer que quelques-uns.

Prenons l’exemple du secteur de la construction. Alors que nous assistons à un boum de la construction de logements, nous constatons également une augmentation de l’innovation dans le domaine de l’habitat modulaire, de l’utilisation de matériaux de construction canadiens à faible émission de carbone, tels que le bois massif ou l’acier fabriqué à l’aide de fours électriques à arc.

Toutes ces innovations sont synonymes de bons emplois dans les secteurs des métiers de la construction au Canada, pour les électriciens et les autres corps de métier, dans toutes les régions du pays.

Les innovations dans les domaines de l’agriculture et des biocarburants, de l’industrie nucléaire, du transport de l’électricité et des énergies renouvelables ont également créé une forte demande pour l’une des ressources les plus importantes de notre pays : la main-d’œuvre canadienne qualifiée.

Pour que le Canada atteigne tout son potentiel et devienne un chef de file mondial dans bon nombre de ces secteurs, nous devons être en mesure de répondre à la demande de travailleurs canadiens, tout en donnant à ces mêmes travailleurs les outils dont ils ont besoin pour réussir.

C’est exactement ce que la Loi canadienne sur les emplois durables vise à mettre en place.

Chers collègues, j’aimerais maintenant passer en revue les principaux éléments du projet de loi qui peuvent aider les travailleurs et parler de certaines améliorations qui ont été apportées au projet de loi à l’autre endroit.

Honorables sénateurs, la Loi canadienne sur les emplois durables est le fruit de plusieurs années de vastes consultations et de la collaboration entre plusieurs ministères.

Elle a été façonnée, en partie, par les travaux du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes, que j’ai coprésidé en 2018. Elle est appuyée par les syndicats canadiens, l’industrie, les chefs de file en matière d’environnement et des experts de secteurs comme la formation de la main-d’œuvre.

Je vais maintenant passer brièvement en revue les cinq éléments principaux du projet de loi et leurs objectifs, puis je soulignerai certaines des améliorations qui ont été apportées au projet de loi au cours du processus législatif à l’autre endroit.

Ce projet de loi comporte cinq éléments clés et vise à créer un cadre pour aider les travailleurs à accéder à des emplois plus durables.

(1510)

Le projet de loi comprend des principes directeurs, une structure de gouvernance et des exigences en matière de transparence et de reddition de comptes.

Premièrement, le projet de loi établit des principes directeurs, notamment le dialogue social, le travail décent, les approches inclusives et la promotion du renforcement des efforts mondiaux.

Deuxièmement, si le projet de loi est adopté, le gouvernement créera un conseil du partenariat pour des emplois durables composé de représentants des syndicats, de l’industrie, des communautés autochtones et des organisations environnementales ainsi d’autres experts. Le conseil mènera des consultations publiques sérieuses et fréquentes auprès des Canadiens et utilisera les commentaires reçus, en combinaison avec son expertise, pour conseiller le gouvernement sur les stratégies et les mesures visant à encourager la création d’emplois plus durables tout en développant une économie carboneutre.

Troisièmement, le projet de loi désigne les ministres responsables de la mise en œuvre de la loi et des plans d’action quinquennaux requis.

Quatrièmement, le projet de loi prévoit la création d’un secrétariat pour des emplois durables chargé de faciliter et de coordonner les mesures prises par le gouvernement fédéral.

Enfin, le cinquième élément exige l’élaboration de plans d’action actualisés tous les cinq ans.

Ces plans rendront compte des progrès réalisés par le gouvernement dans le cadre de ses engagements antérieurs et seront conçus pour aider les collectivités et les travailleurs à saisir les possibilités offertes par la transition vers une économie axée sur l’énergie propre.

Il s’agit là des éléments fondamentaux du projet de loi, qui sont essentiels pour que les travailleurs aient leur mot à dire et que la politique en matière de main-d’œuvre soit conforme à la politique climatique du Canada.

Je voudrais maintenant parler de la teneur du processus d’amendement qui s’est déroulé à la Chambre des communes. En étroite collaboration avec les travailleurs, les dirigeants syndicaux, les organisations environnementales et d’autres intervenants à l’autre endroit, le gouvernement a renforcé le projet de loi et a proposé des amendements supplémentaires afin d’accroître la reddition de comptes et la transparence, et d’apporter plus de certitudes.

Par exemple, la composition du conseil du partenariat, qui reflète l’approche tripartite décrite dans le Plan pour des emplois durables, permet maintenant d’atteindre un équilibre entre les représentants des partenaires autochtones, des syndicats et de l’industrie tout en tenant compte des divers points de vue des autres intervenants. Il est important de respecter le principe essentiel du dialogue social tout en veillant à inclure les travailleurs à la table de négociations afin qu’ils puissent discuter de leur propre avenir.

Ce projet de loi est également lié à la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui exigera que les plans d’action en matière d’emploi durable présentent et prennent en considération des détails sur les mesures visant à mettre en œuvre le Plan de réduction des émissions pour 2030. Cela permet de mieux tenir compte du point de vue des travailleurs dans le cadre des efforts visant à lutter contre les changements climatiques, à développer l’économie à faibles émissions de carbone du Canada et à permettre aux collectivités de toutes les régions du pays d’en tirer profit.

Le projet de loi reconnaît également le rôle important que jouent les provinces, les territoires et les autres ordres de gouvernement dans la promotion des possibilités d’emploi durable.

Bien que ce projet de loi ne concerne que des domaines de compétence fédérale, les provinces, les territoires et les autres pouvoirs publics doivent être consultés en ce qui a trait aux fonctions du conseil du partenariat et aux plans d’action à élaborer tous les cinq ans.

La collaboration à l’échelle du gouvernement et avec les territoires et les provinces est un facteur important dans la collecte d’analyses et d’informations et dans la création de nouveaux débouchés économiques pour les travailleurs.

Il s’agit également d’une facette important du secrétariat pour l’emploi durable. Dans le but de créer un ensemble cohérent de politiques reflétant une approche pangouvernementale en matière d’emploi durable, le secrétariat collaborera avec chaque ministère dans son domaine d’expertise respectif afin de soutenir la conception des mesures du plan d’action et de coordonner leur mise en œuvre entre les différents ministères. Le secrétariat joue également un rôle dans la mobilisation externe, car il sert de point de contact pour les employeurs et les travailleurs.

Sénateurs, la loi sur les emplois durables a été renforcée au cours de l’examen approfondi de près d’un an qu’a mené l’autre endroit afin de produire un projet de loi soutenu par l’industrie, les travailleurs, les chefs de file en matière d’environnement, les organisations syndicales et bien plus encore.

Au bout du compte, c’est la nécessité de soutenir les travailleurs et le large consensus au sein de la société canadienne en faveur de la loi sur les emplois durables qui m’ont poussé à parrainer le projet de loi. Comme beaucoup le savent, la création d’emplois durables et l’aide aux collectivités et aux travailleurs dans toutes les régions en cette période de changement mondial sont des dossiers que je connais bien et qui me passionnent.

En 2018, j’ai coprésidé le Groupe de travail sur une transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes. Ce groupe de travail avait pour mandat de discuter avec les travailleurs et les communautés dans les provinces et les territoires directement touchées par l’élimination progressive des centrales électriques au charbon. Nous avons rencontré des travailleurs du charbon, des collectivités dépendantes du charbon et des fonctionnaires de l’Alberta, de la Saskatchewan, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Ces discussions ont permis de présenter des conseils éclairés au ministre de l’Environnement et du Changement climatique sur la façon de soutenir les travailleurs et leurs collectivités. Le rapport final du groupe de travail a reçu l’appui unanime de tous les participants à cette initiative.

Une grande partie de ces conseils se reflète dans la Loi sur les emplois durables, notamment par l’intégration de principes dans la planification et les processus législatifs afin que le gouvernement prenne des mesures continues pour soutenir les travailleurs.

Coprésider le groupe de travail a été une expérience vraiment mémorable au service de mon pays. À l’époque, j’étais aussi président du Congrès du travail du Canada et je représentais plus de 3 millions de travailleurs.

Lorsque nous nous sommes entendus pour appuyer l’élimination progressive des centrales électriques au charbon, aucun des syndicats représentant les travailleurs dans ces secteurs ne s’est dissocié de cette décision, car ils en reconnaissaient fondamentalement les bienfaits pour l’environnement, la lutte contre les changements climatiques et la santé humaine. Toutefois, ils ont aussi conscients que certains de ces emplois sont les mieux rémunérés que ces travailleurs pourraient avoir. Dans bien des cas, ces derniers gagnaient entre 60 000 $ et 100 000 $ par année.

Malgré cette réalité, les syndicats ont appuyé l’élimination progressive des centrales électriques au charbon au Canada parce qu’ils savent que, s’ils veulent que leur famille et leurs enfants aient un avenir, il faut reconnaître les dommages que nous causons à l’environnement et au climat et le fait que nous détruisons en même temps la santé des gens. Était-ce facile? Non. Était-ce difficile? Sans aucun doute. Toutefois, les conversations que nous avons eues et les efforts que nous avons déployés pour que nous puissions y parvenir en tant que pays qui travaille en collaboration ont été plus importants que tout ce que nous pouvions faire d’autre. Nous étions conscients que nous ne pouvions pas faire l’autruche en refusant de reconnaître la réalité et les changements qui se produisent autour de nous.

Il est à noter que le Canada fait partie des pays comme l’Allemagne, l’Afrique du Sud, la Pologne et beaucoup d’autres qui ont aussi créé des groupes de travail chargés de s’entretenir directement avec les travailleurs et leurs dirigeants locaux sur la façon dont ils peuvent éliminer progressivement le charbon. Ils s’inspirent en grande partie de ce que nous avons fait.

Ces conversations nous ont permis de discuter sérieusement des moyens d’aider les gens à tirer parti de leurs compétences et de déterminer les mesures que le gouvernement doit prendre pour répondre aux besoins de la main-d’œuvre et construire des collectivités durables.

Je sais par expérience que rien ne remplace ce type de discussions parce que, pour élaborer une bonne politique publique, le gouvernement doit dialoguer de façon sincère avec les travailleurs qui seront touchés par ses décisions.

Il n’est pas exagéré de dire que ces assemblées citoyennes comptent parmi les expériences les plus significatives que j’ai vécues dans ma vie, que ce soit en Alberta pour parler aux communautés et aux travailleurs du secteur du charbon qui allaient perdre leur emploi et qui voulaient savoir ce qui le remplacerait, ou à Estevan, en Saskatchewan, pour discuter sur place avec les travailleurs de ce que ces changements signifieraient pour eux et de ce que nous pourrions faire pour les aider, ou encore en Nouvelle‑Écosse. J’ai parcouru cette magnifique province pour écouter les travailleurs. Nous sommes allés au Cap-Breton, pour rencontrer les gens du secteur du charbon afin qu’ils nous expliquent directement ce qui allait se passer dans ces communautés. Cela n’a pas été facile, mais nous avions compris que, fondamentalement, notre rôle et notre responsabilité étaient de parler aux Canadiens de l’avenir que nous voulions construire ensemble.

Je savais que, si nous n’allions pas sur place, si nous ne prenions pas le temps d’écouter, nous n’allions pas apprendre comment faire mieux les choses et soutenir concrètement les travailleurs canadiens et leur collectivité, parce que, pour établir de bonnes politiques, il faut d’abord savoir écouter.

Je suis heureux de constater que, dans tout le processus d’élaboration de la Loi canadienne sur les emplois durables et du plan intérimaire, le gouvernement a discuté régulièrement avec les Canadiens. Le gouvernement a obtenu l’apport des provinces et des territoires du Canada, ainsi que l’avis et les recommandations des travailleurs et des représentants syndicaux, des groupes historiquement marginalisés, des peuples autochtones, des défenseurs de la société civile, des experts de l’industrie et des organismes environnementaux.

Pendant le processus de consultation, de nombreuses rencontres en personne ont été tenues par les fonctionnaires, qui ont également tenu des consultations par d’autres moyens. L’objectif était de savoir ce que la population pense de certains éléments qui se retrouveraient dans le projet de loi, notamment des mesures possibles décrites par le gouvernement dans le document de travail au sujet d’une approche axée sur les personnes.

(1520)

Le gouvernement a également pris en considération plus de 75 mémoires détaillés à l’égard de ce projet de loi et des emplois durables en général, soumis par des dizaines d’organismes canadiens. Il a examiné quelque 30 000 courriels provenant de partout au Canada aux fins de l’élaboration de ce projet de loi et du Plan provisoire pour des emplois durables, qui a été publié en février 2023 et dont j’invite les honorables sénateurs à prendre connaissance.

Je suis également conscient que, au cours de son étude à l’autre endroit, ce projet de loi a fait l’objet de consultations importantes auprès des députés ministériels et des caucus des autres partis.

Comme je l’ai déjà mentionné, de nombreuses personnes et parties intéressées appuient ce projet de loi. L’Union internationale des opérateurs-ingénieurs a déclaré :

La Loi canadienne sur les emplois durables nous rapproche d’un avenir où les intérêts des travailleurs de l’énergie seront au cœur d’une économie sobre en carbone.

Soit dit en passant, ces mêmes travailleurs viennent d’achever, grâce à leurs compétences et à leur travail, l’aménagement d’un pipeline qui procure maintenant à l’Alberta un deuxième moyen d’acheminer son énergie vers les marchés de la région pacifique.

Le président du Business Council of Alberta a déclaré :

La loi sur les emplois durables représente une excellente occasion pour le Canada de façonner son avenir et de créer des emplois en fournissant les ressources dont la planète a besoin, y compris l’énergie, la nourriture et les minerais.

La présidente du Congrès du travail du Canada a déclaré :

Les travailleurs ont besoin que les choses bougent maintenant. C’est très urgent. Nous devons nous assurer que cette mesure législative est adoptée afin que toutes les parties — syndicats, entreprises et gouvernement — puissent s’asseoir à une table […]

Une organisation dirigée par des jeunes, Re-Generation, a dit qu’elle est en faveur du plan et du projet de loi pour la raison suivante :

Cette loi contribuera à créer des emplois verts pour tous ceux qui en veulent un. Elle établira un conseil du partenariat pour permettre aux travailleurs et aux collectivités de participer directement à la transition, en plus d’allouer des fonds essentiels à la formation et au développement des compétences liées aux secteurs verts.

Le président de la Fédération du travail de l’Alberta a dit :

Le projet de loi C‑50 vise à créer un cadre de discussion sur la diversification de notre économie afin que nous soyons prêts à faire la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone. C’est une bonne mesure pour les travailleurs, les entrepreneurs et le pays.

Le vice-président de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité a affirmé que « grâce à ce projet de loi, le gouvernement montre qu’il est déterminé à protéger les emplois bien rémunérés et hautement qualifiés […] »

Le directeur général de l’Institut Pembina a dit ce qui suit :

L’adoption de la loi sur les emplois durables et l’établissement du Conseil du partenariat pour des emplois durables transmettra haut et fort le message suivant : le Canada est un excellent terrain d’investissement où la main-d’œuvre est incomparable et prête à accomplir la tâche.

Entretemps, le responsable des Syndicats des métiers de la construction du Canada a déclaré que son organisme accueille favorablement le projet de loi C‑50, qui :

[...] vise à assurer la transition du Canada vers une économie [à zéro émission nette], et qui présente des [éléments] essentiels, notamment la création d’un Conseil du partenariat pour des emplois durables, chargé d’assurer une consultation significative pendant la transition.

Je pourrais citer de nombreuses autres voix, chers collègues, qui ont clairement exprimé leur soutien envers cette mesure législative essentielle et renforcée.

Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure en disant ceci : la Loi canadienne sur les emplois durables offre au gouvernement une occasion décisive de soutenir la création d’un point d’ancrage fondamental pour une politique sur les emplois durables. Elle montre aux Canadiens que nous embarquons tous dans cette aventure à long terme, aussi longtemps qu’il le faudra.

Si elle est adoptée, la Loi canadienne sur les emplois durables garantira que la main-d’œuvre canadienne continuera à être au cœur de ce travail extrêmement important et que les travailleurs auront voix au chapitre.

Je vous exhorte à réfléchir aux nombreux points importants contenus dans la mesure législative et aux nombreux amendements qui ont été présentés par le gouvernement et d’autres députés, en étroite collaboration avec les parties prenantes qui ont vraiment à cœur de garantir que les travailleurs canadiens en sortiront gagnants.

Chers collègues, le projet de loi accorde une place aux travailleurs pour leur permettre de participer aux prises de décisions qui toucheront leur gagne-pain, leur famille et leur collectivité.

Il est maintenant temps pour nous d’étudier et d’adopter le projet de loi C‑50. J’espère sincèrement que tous les sénateurs appuieront ce projet de loi afin que les travailleurs canadiens y gagnent. J’ai hâte de travailler avec vous à l’adoption de ce projet de loi. Merci beaucoup.

Je suis prêt à répondre aux questions.

L’honorable Clément Gignac : Sénateur Yussuff, je vous remercie pour votre implication et pour la séance d’information que vous avez organisée avec des fonctionnaires. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Ne vous y trompez pas, je pense que nous sommes presque tous conscients des conséquences qu’ont les changements climatiques et de la nécessité d’accélérer le passage à une économie plus verte.

Cela dit, je m’inquiète du manque de collaboration ou de coopération de la part de provinces comme l’Alberta et le Québec, qui ont indiqué qu’elles ne souhaitaient pas collaborer. Les provinces sont plus proches des besoins des employeurs et des employés que le gouvernement fédéral.

Vous avez dit que ce projet de loi avait reçu le soutien de travailleurs, de dirigeants syndicaux, de représentants de l’industrie et d’organisations environnementales, mais qu’il n’y a pas eu d’engagement de la part des provinces.

Ma question est la suivante : en l’absence d’un engagement provincial, pourriez-vous m’assurer qu’il ne s’agira pas d’un autre exemple de tracasseries administratives de la part du gouvernement fédéral avec la création d’un nouveau secrétariat ou d’un nouveau conseil?

Le sénateur Yussuff : Tout d’abord, permettez-moi de remercier mon collègue de sa question. Je le remercie aussi d’avoir participé à la séance d’information qui a été offerte.

Comme vous le savez, les provinces ont leurs propres compétences et elles les gardent jalousement. Je n’ai pas besoin de vous donner d’exemples à ce sujet. Je peux vous assurer que, pour que la Loi canadienne sur les emplois durables soit couronnée de succès, il faudra que les provinces participent au processus. Les travailleurs de toutes les provinces seront concernés par cette mesure législative en raison du passage à une économie à faibles émissions de carbone et, de surcroît, les mesures nécessaires devront être concertées.

Comme vous le savez, le gouvernement fédéral transfère actuellement d’importantes sommes d’argent aux provinces pour qu’elles offrent de la formation continue. Une partie du travail à long terme consistera à déterminer comment les provinces peuvent aider les travailleurs à se recycler et à mettre à jour leurs compétences lorsqu’ils passeront de certains emplois à de nouveaux emplois qui seront créés dans les provinces concernées.

En fin de compte, il faudra que les provinces touchées par le passage à une économie à faibles émissions de carbone et le gouvernement fédéral se concertent pour éviter les doubles emplois et pour plutôt garantir que les ressources allouées serviront à soutenir les travailleurs, les collectivités et une industrie qui souhaite se transformer pour assurer sa viabilité dans un avenir proche.

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff : Oui.

La sénatrice Audette : On parle de régions ressources et on dit que la plupart des premiers peuples sont encore en région. Lorsque je lis votre projet de loi, on parle de peuples autochtones, mais pourriez-vous me rassurer sur le fait qu’on a discuté de ce sujet avec les détenteurs de droits des peuples autochtones?

Il y a trop de fraudes au Canada. On peut se proclamer membre d’une Première Nation, alors que pour moi, c’est de la fraude. Je serai très vigilante pour m’assurer que l’on consulte les peuples autochtones. J’aimerais vous entendre là-dessus, quand on parle de corps dirigeant.

Chaque fois que l’on crée quelque chose au Canada, on le fait surtout en anglais. Il y a des Premières Nations au Québec qui parlent le français comme deuxième langue. Pouvez-vous nous assurer que la grande communauté francophone et les peuples autochtones qui ont le français comme deuxième langue feront partie du conseil dont vous parlez dans le projet de loi?

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de poser cette question très importante.

Lorsque j’étais coprésident du groupe de travail sur l’élimination progressive du charbon, nous sommes allés partout au pays. Nous avons rencontré non seulement des travailleurs, mais aussi des dirigeants des Premières Nations, qui sont venus aux séances de consultation pour parler des conséquences de ce changement, en particulier dans les collectivités qui dépendent de l’exploitation du charbon, que leurs activités soient axées sur l’extraction minière ou sur les centrales au charbon. Ils nous ont assurément présenté leur point de vue. Je pense qu’ils ont continué de le transmettre au gouvernement pendant l’élaboration du projet de loi.

Comme je l’ai dit au début de mon intervention d’aujourd’hui, il est inscrit dans le projet de loi que les communautés des Premières Nations auront une place à la table. Elles feront partie de ce que prévoit le projet de loi. On leur a attribué un certain nombre de sièges pour garantir qu’il y aura une conversation globale, plutôt que des conversations individuelles entre les intervenants.

Selon nous, si nous voulons bâtir une communauté durable, celle-ci doit inclure l’ensemble du pays, y compris les communautés des Premières Nations.

(1530)

J’accepte votre observation au sujet de l’importance de veiller à ce que la voix des communautés francophones soit incluse dans ce processus. J’espère que nous transmettrons clairement ce message pendant le débat. Je suis sûr que le gouvernement y sera sensible quand il se penchera sur le processus de nomination, et qu’il tiendra compte de la diversité linguistique quand il établira le secrétariat qui guidera la mise en œuvre du projet de loi.

L’honorable David Richards : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff : Oui.

Le sénateur Richards : Il s’agit du débat à l’étape de la deuxième lecture, j’espère donc que le projet de loi sera renvoyé à un comité.

Un grand battage médiatique a entouré l’expérience liée au lithium qui aura lieu ici au Canada. De nombreux experts affirment que nous allons de mal en pis, car le lithium gaspille des tonnes d’eau et nuit à l’environnement, et qu’il est essentiel de réduire les impacts de son extraction, faute de quoi nous ne ferons que tourner en rond.

Au cours des derniers mois, on a fait valoir que ce projet est non seulement une vache à lait, mais aussi un exemple de la position environnementalement judicieuse que le Canada doit adopter. De nombreux scientifiques affirment que ce n’est pas vrai du tout. Je me demande si vous pouvez vous prononcer à ce sujet.

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre question très importante. Je ne suis pas un expert sur les déchets environnementaux ou sur les défis que nous devrons relever pendant le développement de la capacité de production de lithium au Canada, mais je peux affirmer sans l’ombre d’un doute qu’au bout du compte, une grande partie du monde mise sur le lithium pour entretenir notre volonté de continuer à utiliser nos véhicules.

J’ai travaillé dans l’industrie automobile, et je l’ai vue subir de nombreux changements. Je pense qu’il est inévitable qu’elle en subisse un autre. Nous avons la capacité de faire passer l’industrie automobile du combustible à l’électricité, qui est la voie de l’avenir, d’une manière qui protège l’environnement. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faudra veiller à ne pas nuire davantage à l’environnement alors qu’on développe cette nouvelle industrie pour relever les défis de l’avenir.

J’espère que le Canada et les nombreux autres pays qui développent actuellement une nouvelle industrie automobile tireront beaucoup de leçons et que nous pourrons partager ce que nous avons appris pour ne pas compromettre le futur de la planète et ne pas nuire à l’environnement à l’avenir.

[Français]

L’honorable Amina Gerba : J’aimerais commencer par vous féliciter pour votre activité au Sénat, parce que je crois que vous êtes l’un des plus actifs de notre cohorte, parmi les sénateurs qui ont été assermentés le 22 novembre, et que vous en êtes maintenant à je ne sais combien de projets de loi parrainés dans cette Chambre. Félicitations. Ma question concerne les entreprises qui prennent certaines dispositions ou qui ont des méthodes de travail propres : y a-t-il des mesures incitatives spécifiques pour ces entreprises qui investissent beaucoup, notamment sur le plan industriel, pour rendre leur machinerie moins polluante?

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Merci. C’est une question très importante. Je ne suis pas sûr d’être le sénateur le plus actif dans cette enceinte. La perception et la réalité sont deux choses distinctes. Je sais cependant que je ne reste pas les bras croisés.

Je suis heureux de pouvoir participer de façon générale aux discussions sur des mesures législatives. Cela me tient beaucoup à cœur. Comme j’ai passé ma vie à défendre les travailleurs, je n’hésiterai pas à intervenir dans tous les dossiers qui les concernent. Je suis honoré de pouvoir le faire. Je crois qu’il est juste de dire que l’industrie canadienne en général subit des transformations majeures. Je vais parler de deux exemples que je connais bien.

L’industrie sidérurgique du pays a été très productive. Elle génère de nombreux emplois de qualité et elle demeure un secteur important de l’économie. À l’heure où je vous parle, l’industrie sidérurgique est en train de vivre un changement remarquable. Auparavant, le charbon était un élément important de la fabrication de l’acier. Notre méthode de fabrication de l’acier est de plus en plus adoptée, et je pense que c’est une bonne chose. Nous aurons toujours besoin d’acier au pays, mais l’industrie aura besoin d’aide pour réussir.

Comme vous le savez, pendant la période de renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA — aujourd’hui appelé Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM —, nos amis américains ont imposé des droits de douane à notre pays, ce qui a transformé en partie l’industrie sidérurgique. Le gouvernement a utilisé une partie de l’argent ici. De même, je pense que de nombreuses industries connaîtront des changements similaires, car elles sont tenues de réduire leurs émissions tout demeurant viables et rentables. Je pense que le gouvernement fédéral travaille avec l’industrie — à l’instar des provinces et des territoires — pour qu’elle puisse relever les défis de l’avenir.

Je sais une chose : si les travailleurs n’ont pas la possibilité de renouveler et d’améliorer leurs compétences, notre pays ne connaîtra pas le succès qu’il a connu dans le passé. J’en suis convaincu. L’industrie du charbon a assuré la richesse de notre pays. Ce n’est pas par accident. Rappelons-nous comment ce pays s’est développé. Les mineurs extrayaient le charbon, le transportaient dans les collectivités et s’en servaient pour chauffer leur maison. Le charbon sert toujours à chauffer les maisons dans certaines parties de l’île du Cap-Breton. À mesure que nous changerons et que nous apprendrons des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés, nous n’aurons plus besoin de ces mineurs pour extraire du charbon. Que pourront-ils faire? Ils possèdent des compétences incroyables. Comment pouvons-nous assurer leur transition vers un avenir qui leur donnera l’occasion d’occuper un bon emploi, d’élever une famille et de bâtir des collectivités fortes?

Je n’ai pas toutes les réponses à ces questions, mais je crois que ce projet de loi représente une partie de cet avenir.

L’honorable David M. Wells : Merci, sénateur Yussuf. Acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Yussuff : Oui.

Le sénateur Wells : Ma question porte sur le coût du programme, au sujet duquel je vous interrogerai, et sur les coûts de la transition équitable, au sujet de laquelle je vous interrogerai également. Vous vous rappellerez que, quand Randy Boissonnault était ministre associé des Finances, il a déclaré que la transition équitable du secteur pétrolier à d’autres ressources que le pétrole coûterait 125 milliards de dollars par année. Quand je siégeais au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, des fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada sont venus témoigner, et j’ai posé la même question : combien coûtera le projet visant à éliminer l’industrie pétrolière et à soutenir des sources d’énergie de remplacement? Le ministre a répondu 4 billions de dollars.

Il nous a rassurés en révisant sa réponse quelques jours plus tard : il n’en coûterait que 2 billions de dollars. Avec les programmes que le gouvernement libéral met en place au titre du projet de loi C-50, le projet de loi à l’étude, ainsi que les conseils et toutes les autres choses qui seront établis à long terme, quel sera le coût supplémentaire de ces programmes fédéraux?

Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de la question. Permettez-moi de commencer par les hypothèses qui ont été faites au sujet du projet de loi. Ce projet de loi ne vise pas à éliminer le secteur pétrolier et gazier. Il vise à reconnaître que, en réalité, le secteur pétrolier et gazier produit beaucoup de carbone, dont une partie doit être captée. D’ailleurs, les entreprises de ce secteur ont déjà commencé à réduire leur empreinte. Nous utiliserons encore le pétrole et le gaz pour un certain temps, mais, parallèlement, les travailleurs de ce secteur sont touchés et des milliers d’entre eux ont déjà perdu leur emploi. La réalité, c’est que nous devons aider ces travailleurs. Il y a un coût. Les travailleurs, leur famille et leur collectivité paient déjà ce coût.

Plus tôt, j’ai mentionné que, quand je me suis rendu dans ces collectivités pour parler de l’élimination progressive du charbon, j’ai constaté que beaucoup de ces travailleurs étaient anxieux et ambivalents au sujet de leur avenir. Le projet de loi reconnaît que nous devons en tenir compte.

Je vais vous donner un exemple. Dans le comté de Leduc, en Alberta, un millier d’emplois ont été éliminés en raison de l’élimination progressive des centrales électriques au charbon. Ce fut un énorme défi pour cette région. Sa population a déterminé qu’elle pouvait agir ou se plaindre. Grâce à ses efforts, le comté de Leduc a créé 2 000 nouveaux emplois depuis l’élimination progressive des mines de charbon et des centrales alimentées au charbon, car elle a reconnu sa capacité de bâtir un avenir différent.

(1540)

Il y a un coût, sénateur Wells. Je ne connais pas le coût de cette mesure. Le gouvernement n’a pas indiqué le coût de la mise en place du projet de loi C-50, mais nous avons déjà des programmes pour aider les travailleurs à se recycler, à acquérir de nouvelles compétences et à s’adapter à de nouvelles réalités.

Ce projet de loi vise à faire en sorte que les ressources actuellement utilisées par le gouvernement fédéral et les provinces continuent d’être offertes aux travailleurs qui seront touchés par les pertes d’emploi. Bien sûr, des changements se produiront dans leur secteur, mais j’espère qu’au bout du compte, ce sera de manière à maintenir la durabilité et, en même temps, à donner à ces travailleurs l’espoir de faire partie de l’avenir plutôt que de leur dire simplement : « Eh bien, si vous perdez votre emploi, tant pis; nous ne pouvons rien y faire. »

L’intention n’est pas de se débarrasser du secteur pétrolier et gazier en le fermant simplement, mais de reconnaître qu’il est en train de changer. Pendant que vous et moi en discutons au Sénat, des changements sont en train de se produire dans ce secteur. Il réduit ses émissions. Il continue d’apporter des changements, et ces changements ont également des répercussions sur les travailleurs de nos collectivités.

Le sénateur Wells : J’ai une autre question, en espérant que vous accepterez d’y répondre.

Je représente Terre-Neuve-et-Labrador. Le pétrole et le gaz sont une source de revenus importante pour cette province ainsi que pour ses familles et ses collectivités. Vous n’êtes peut-être pas sans savoir que l’empreinte carbone du secteur pétrolier et gazier extracôtier de Terre-Neuve-et-Labrador est l’une des plus faibles au monde. Nul besoin d’extraire le pétrole des sables bitumineux. Il sort sous une forme qui n’a pas toujours besoin d’être raffinée. Il est directement acheminé vers les marchés. Contrairement au pétrole provenant d’ailleurs dans le monde, il ne nécessite aucune transformation.

Évidemment, il ne coûte pas cher. Son coût est presque aussi faible que le pétrole produit en Arabie saoudite. Alors que le pétrole produit en Alberta ou en Saskatchewan coûte de 65 $ à 70 $ le baril, le pétrole de Terre-Neuve-et-Labrador coûte 15 $ le baril à produire, parce qu’aucune séparation n’est requise.

L’idée de recycler les travailleurs touche une corde très sensible chez les Terre-Neuviens et les Labradoriens, car des milliers d’entre eux ont vécu cela à la suite de la chute de l’industrie jadis prospère de la pêche au poisson de fond à Terre-Neuve-et-Labrador au début des années 1990. Le moratoire a fait perdre leur emploi à des milliers de gens — tant les pêcheurs que les travailleurs dans les usines —, et on leur a offert un recyclage professionnel dans toutes sortes de domaines et de profession qui ne sont nullement pertinents dans les régions rurales de Terre-Neuve.

Cela touchera certes une corde sensible chez les Terre-Neuviens-et-Labradoriens d’apprendre qu’une industrie florissante — l’industrie pétrolière et gazière de leur province — disparaîtra progressivement, non en raison de causes naturelles, mais à cause de l’activité humaine ou de décisions gouvernementales.

En tant que représentant des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, que suggérez-vous que je leur dise quand je leur annoncerai que le gouvernement propose un programme visant à faire disparaître progressivement une industrie responsable, en pleine maturité, bien gérée et bien réglementée, et qu’il mettra en place des programmes de recyclage fondés sur le projet de loi C-50, la mesure législative dont vous ferez la promotion et pour laquelle je serai le porte-parole officiel? Que dois-je dire aux Terre‑Neuviens-et-Labradoriens là-dessus?

Le sénateur Yussuff : Vous pourriez leur dire ce que je dirais à ces travailleurs, que j’ai déjà représentés. Je continue à dialoguer avec eux.

Le gouvernement ne propose pas d’élimination progressive. En fait, il n’y a même pas un an, le gouvernement fédéral a approuvé le champ pétrolifère Bay du Nord parce qu’on reconnaît l’importance de ce projet pour les émissions de carbone. Il a été approuvé en raison de sa faible empreinte carbone au départ.

Le gouvernement ne propose pas d’éliminer progressivement cette industrie, mais, au fil du temps, alors que le monde continuera de s’éloigner du développement des produits pétroliers, nous devons également trouver le moyen de bâtir des communautés dynamiques qui créent des emplois intéressants pour les travailleuses et les travailleurs canadiens.

Attendons-nous que cela se produise pour ensuite leur dire qu’il ne se passera rien ou leur assurons-nous qu’il est vrai que nous passerons par un processus, mais que le monde est en train de changer? Il évolue dans une direction différente. Nous participerons à cette évolution.

Par ailleurs, nous n’avons pas à faire peur aux gens. Il faut pouvoir dire aux gens que, le moment venu, on aura planifié les choses de façon à assurer un avenir meilleur aux travailleurs en créant de nouvelles industries. Ces nouvelles industries entraîneront leur lot de problèmes, mais, au bout du compte, j’espère que les leaders du Sénat et les représentants élus de l’autre endroit sauront parler aux travailleurs au lieu d’alimenter la peur. Nous pouvons parler de la possibilité d’unir nos efforts au sein du pays afin de bâtir un avenir encore meilleur dans une société où les travailleurs pourront tous avoir un bon emploi et une bonne qualité de vie tout en demeurant dans leur collectivité.

Je ne suis pas naïf et je ne me fais pas d’illusions. J’ai été témoin des effets désastreux que doivent subir les travailleurs lorsque leurs collectivités sont frappées par des pertes d’emplois et qu’il n’y a pas de plan pour les aider à composer avec la suite des choses. Je sais d’expérience que les travailleurs veulent pouvoir se recycler. Je sais qu’ils veulent pouvoir acquérir de nouvelles compétences. Ils veulent aussi qu’on investisse dans leur collectivité afin d’avoir la certitude qu’ils n’auront pas à déménager ailleurs.

Sénateur Wells, j’espère que vous vous joindrez à moi pour reconnaître que Terre-Neuve-et-Labrador a un rôle important à jouer dans notre pays. La province participe à l’industrie pétrolière actuellement, mais elle peut aussi prendre part aux nouvelles industries qui vont évoluer et se développer.

Le gouvernement allemand vient d’entrer en communication avec votre province pour discuter de la manière dont il peut produire de l’hydrogène. Il s’agit d’une toute nouvelle industrie qui n’existait pas. Elle fait partie de l’avenir. J’espère que, lorsque ces emplois seront créés, il y aura des gens qui diront : « C’est quelque chose de bien et c’est bon pour l’avenir de Terre-Neuve-et-Labrador et c’est bon pour le pays et pour le reste du monde. »

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Le sénateur Yussuff accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff : Oui.

La sénatrice Bellemare : Elle est très courte.

J’ai lu attentivement le projet de loi, parce que je m’apprête à faire un commentaire à son sujet. Étant donné que vous avez peut-être réponse à tout, on dit, par rapport au conseil, qu’il est composé de 13 membres nommés par le gouverneur en conseil, à titre amovible, mais à temps partiel.

Est-ce que je comprends bien que les 13 membres du conseil seront rémunérés, et quel sera l’ordre de grandeur?

[Traduction]

Le sénateur Yussuff : Le gouvernement n’a pas encore publié les taux de rémunération à venir, mais un certain nombre de ces personnes quitteront leur emploi à temps plein. Un bon nombre d’entre elles occuperont, je l’espère, des postes où elles représenteront les travailleurs, l’industrie ou d’autres secteurs de l’économie. J’espère que, lorsqu’elles participeront au conseil, elles seront indemnisées pour le temps qu’elles y consacreront ou qu’elles y seront associées. Elles ne seront pas employées à plein temps, mais à un moment donné, le gouvernement devra les indemniser.

Comme vous le savez, la législation prévoit que ces personnes parcourront le pays pour écouter les Canadiens et les impliquer en même temps. J’espère qu’il y aura une certaine reconnaissance des coûts que cela implique, et j’espère que, quels que soient les coûts, on fera preuve de transparence parce que le ministère devra publier et communiquer le plan d’action et la manière dont ce dernier sera financé à l’avenir.

Son Honneur la Présidente : Il reste très peu de temps, et une autre personne souhaite poser une question. Demandez-vous plus de temps, sénateur Yussuff?

Le sénateur Yussuff : Je prie le Sénat de m’accorder encore cinq minutes.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non », j’en suis désolée.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Chers collègues, je précise que je prononce ce discours à partir des territoires ancestraux non cédés du peuple algonquin anishinabe.

Je souhaite aujourd’hui me prononcer en faveur du projet de loi C-50 à l’étape de la deuxième lecture. Le titre abrégé du projet de loi est la Loi canadienne sur les emplois durables.

Je n’ai aucune réserve sur les principes de ce projet de loi, et je crois qu’il s’agit d’un projet de loi majeur et qu’on doit assurer une transition sur le marché du travail. Toutefois, j’ai plusieurs questions sur certains détails, et ne dit-on pas d’ailleurs que « le diable est dans les détails »? Je me le suis fait dire bien souvent.

Le projet de loi C-50 propose essentiellement l’adoption d’un plan d’action pour des emplois durables. Il propose également la création du Conseil du partenariat pour des emplois durables et du Secrétariat pour des emplois durables, qui visent à appuyer la mise en œuvre de la loi.

Si le projet de loi est adopté, le Conseil du partenariat pour des emplois durables sera composé de 13 membres. Il aura pour fonction de conseiller le ministre responsable de l’application de la loi ainsi que des ministres responsables. Les portefeuilles de l’ensemble des ministres de même que leur nombre total ne sont pas précisés par la loi, et on ne sait pas de quels ministres il s’agit. Leur désignation se fera plus tard par le gouvernement. Pour sa part, le ministre responsable doit établir un plan d’action d’ici le 31 décembre 2025 au plus tard et doit présenter un nouveau plan au moins tous les cinq ans. Ces plans seront déposés dans les deux Chambres du Parlement.

Le projet de loi C-50 détaille de manière très spécifique le contenu du plan d’action pour des emplois durables. Il s’agit d’un plan en faveur de la transition verte qui met l’accent sur le marché du travail face aux changements climatiques.

(1550)

Il va sans dire que je partage l’avis de la Chambre de commerce du Canada et du Congrès du travail du Canada, qui appuient l’adoption d’un plan de transition pour le marché du travail. On ne peut pas s’inscrire contre ce principe.

La question est plutôt de savoir si le projet de loi C-50 permettra de développer et de mettre en œuvre un tel plan dans des délais raisonnables et avec des résultats observables au chapitre des emplois durables.

Rappelons aussi — parce que je vais y revenir — que le régime d’assurance-emploi demeure, au Canada et dans chacune des administrations, la principale source de financement des interventions publiques sur le marché du travail. Il est essentiel d’en tenir compte dans le cadre de gouvernance du plan d’action pour des emplois durables. Ce sont essentiellement les propos que je livrerai dans mon discours : le lien entre le projet de loi C-50 et l’assurance-emploi.

D’abord, qu’est-ce qu’un plan d’action pour assurer une transition verte sur le marché du travail? Un plan d’action pour une transition verte sur le marché du travail découle avant tout d’un plan de lutte aux changements climatiques qui dépend directement des cibles et des stratégies identifiées dans ce dernier. Il doit donc tenir compte des échéanciers et des cibles de réduction des gaz à effet de serre et des moyens identifiés pour les atteindre.

Au Canada, c’est la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, adoptée en 2020, qui fournit le cadre pour l’établissement des cibles et des moyens et le Plan de réduction des émissions pour 2030, produit en 2022, qui fournit la feuille de route pour les actualiser. C’est le ministre de l’Environnement et du Changement climatique qui rend des comptes au Parlement sur la réduction des émissions.

Les principales composantes de ce plan reposent notamment sur la tarification du carbone, le plafond pour le secteur pétrolier et gazier, la norme sur l’électricité propre, la norme sur les combustibles propres et les réductions d’émissions associées à l’utilisation des terres.

Ce plan ambitieux est un plan de société qui implique tous les acteurs provinciaux et territoriaux. La mise en œuvre de tous ces efforts en vue de réduire les gaz à effet de serre crée nécessairement des impacts sur le marché du travail — d’où le projet de loi sur les emplois durables, qui vise à faciliter la transition sur le marché du travail des personnes affectées.

Or, les études sur les impacts de la transition verte sur le marché du travail soulignent que le succès des plans repose étroitement sur la capacité de la main-d’œuvre à les réaliser. Les organisations syndicales comme le Congrès du travail du Canada et les entreprises réunies au sein de la Chambre de commerce du Canada sont enthousiastes par rapport aux objectifs du projet de loi C-50. Ils sont aussi conscients que le succès de l’opération repose sur la disponibilité d’une main-d’œuvre dont les compétences sont adéquates.

Dans un récent rapport intitulé Building Canada’s Net-Zero Workforce, on peut lire ceci — et je cite un extrait du rapport de la Chambre de commerce :

[Traduction]

Une étude récente passant en revue 48 pays a révélé que seul un travailleur sur huit possède les compétences nécessaires à une économie carboneutre. Cette étude a également conclu qu’il existe une demande croissante de travailleurs ayant des compétences carboneutralité, et que cette demande n’est pas satisfaite par la main-d’œuvre actuelle.

[Français]

C’est dans le but de relever les défis liés à une main-d’œuvre qui n’a pas les compétences adéquates que la Chambre de commerce dit également ce qui suit, et c’est un point important :

[Traduction]

L’exploitation des relations existantes entre le gouvernement et les syndicats et les chefs d’entreprise des secteurs de l’énergie et des ressources naturelles sera essentielle pour la requalification et la formation de la main-d’œuvre dans ces secteurs. Cela est d’autant plus important que ces secteurs sont susceptibles de connaître des problèmes de main-d’œuvre plus aigus étant donné qu’ils devront moderniser leurs opérations pour répondre aux exigences en matière de faibles émissions de carbone et que de nouvelles industries émergent dans le cadre d’une économie carboneutre.

Si les syndicats ont un rôle important à jouer dans la représentation des intérêts des travailleurs et la défense d’emplois décents, ils ont également un rôle unique à jouer dans le renforcement des capacités au moyen de formations accessibles et de l’amélioration des compétences. Des efforts sont déjà en cours au sein des syndicats pour évaluer la portée et l’exécution des programmes de formation pour une variété d’apprentissages, et pour intégrer les compétences et les connaissances en carboneutralité dans les parcours professionnels.

[Français]

Peut-être doit-on vous remercier, sénateur Yussuff, parce que vous êtes peut-être un peu à l’origine de ces initiatives syndicales.

La transition verte va créer de nouveaux emplois, mais elle transformera également les emplois existants. Il ne faut pas ignorer cette réalité. Les compétences vertes seront de plus en plus nécessaires dans un grand nombre de professions, comme l’a souligné le Centre d’études et de recherches sur les qualifications européen, le Céreq, qui parle de l’écologisation progressive des professions, soit l’intégration des préoccupations environnementales dans toutes les activités liées au travail, tous secteurs confondus.

Il faut dire que les défis posés par les changements climatiques s’additionnent aux défis causés par les avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle, ainsi qu’aux aspects démographiques, comme le vieillissement et l’intégration des immigrants.

Tous ces changements feront que certains emplois disparaîtront et que de nouveaux emplois seront créés, alors que les tâches seront largement affectées.

Chose certaine, les gains pour les Canadiens, sur le plan du niveau de vie, seront proportionnels au succès de la transition verte et aux efforts d’adaptation.

Cette transition aux multiples facettes exigera d’importants investissements dans l’adaptation de la main-d’œuvre, le relèvement des compétences, le recyclage et le soutien du revenu des travailleurs et des travailleuses sur le marché du travail. C’est là qu’il faut se féliciter de l’entrée en jeu du Plan pour des emplois durables de Ressources naturelles Canada. Lancé avant tout pour faire face aux défis dans le secteur des ressources naturelles, le Plan pour des emplois durables développera des moyens et des initiatives qui seront sans doute favorables pour d’autres secteurs de l’économie, car l’ensemble de l’économie canadienne est affectée par tous ces changements qui s’accélèrent, qu’ils soient climatiques, technologiques ou démographiques.

Je fais un petit aparté, parce que, malgré tous ces changements, la bonne nouvelle, c’est que les Canadiens sont très conscients des défis à relever et qu’ils veulent améliorer leurs compétences. L’amélioration des compétences est à la base du succès de la transition. J’ai déjà parlé d’un sondage effectué par Nanos en décembre 2023 auprès de 1 069 Canadiens, que j’ai commandé avec mon bureau. Ce sondage faisait un peu le même questionnement que j’avais fait avant la pandémie et il donne un aperçu des perceptions canadiennes concernant les impacts anticipés des changements climatiques et technologiques sur le marché du travail et les besoins en formation qui permettrons d’y faire face.

Ce sondage, que nous dit-il? Il dit que 20 % des répondants qui ont un emploi — on peut donc dire 20 % des Canadiens à l’emploi — estiment qu’il est probable ou plutôt probable que tous ces changements menacent leur emploi. Une proportion encore plus forte, soit 37 %, croit que les changements climatiques et les technologies affecteront leurs tâches de travail et exigeront une formation supplémentaire. Ce sont des chiffres astronomiques qui sont mis en évidence, car ce dernier chiffre de 37 % représente pas moins de 8 millions de Canadiens.

Ces perceptions des Canadiens concordent avec les résultats d’études effectuées par des organismes internationaux, dont l’OCDE. Les jeunes Canadiens sont particulièrement conscients des défis. En effet, 42 % des 18 à 34 ans estiment que les changements technologiques et climatiques affecteront leurs tâches de travail.

Pour remédier à cela, les Canadiens sont prêts à se former. Ils sont 9,6 millions qui disent vouloir améliorer leurs compétences, notamment dans le secteur numérique et les compétences professionnelles.

Cela étant dit, l’assurance-emploi — je reviens à l’assurance-emploi et au projet de loi C-50 — continuera de jouer un rôle primordial pour relever le défi du développement de la main-d’œuvre pour le Canada et les provinces. On sait tous que l’assurance-emploi est financée exclusivement à partir des cotisations des employeurs et des employés au régime. Ce régime soutient le revenu pendant la transition en cas de perte d’emploi, mais il est aussi la principale source de financement de la formation pour la transition vers un autre emploi, dans le cadre des ententes avec les provinces.

Le régime finance les comités sectoriels et les initiatives de partenariats de toutes sortes. En somme, le régime de l’assurance-emploi est l’épine dorsale de l’intervention publique sur le marché du travail canadien.

(1600)

Dans les documents que j’ai consultés sur le financement de toutes les mesures qui seront adoptées au moyen du plan d’action pour des emplois durables, l’assurance-emploi est identifiée comme étant l’une des principales sources de financement.

L’assurance-emploi n’est pas dans le périmètre comptable des ressources naturelles du Canada ni dans celui d’Environnement et Changement climatique Canada. Nous nous posons une question importante par rapport au mode de fonctionnement de ce conseil et du partenariat.

Le plan pour des emplois durables compte largement sur l’assurance-emploi. Or, selon l’application du principe « pas d’imposition sans représentation », les représentants des entreprises et de la main-d’œuvre doivent être associés au plan pour les emplois durables, et ils le seront.

Cependant, ce qui m’inquiète, c’est bien évidemment d’associer directement à la prise de décisions les acteurs du marché du travail par l’entremise de représentants des associations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatifs. Ces personnes doivent être nommées à ce titre, et non pas à titre individuel ou personnel. Or, dans le projet de loi, on ne fait pas la distinction. Être syndiqué est suffisant pour être nommé au conseil.

Je le répète : la nomination des membres du Conseil du partenariat pour des emplois durables doit se faire sur la base des associations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, et non pas à titre individuel ou personnel. C’est là une lacune du projet de loi. En outre, comme le plan d’action reposera sur l’utilisation de l’assurance-emploi, les commissaires des travailleurs et des employeurs de l’assurance-emploi doivent aussi siéger au conseil, compte tenu de l’importance du régime dans le financement des transitions sur le marché du travail.

Les principales associations de travailleurs et d’employeurs au Canada ont affirmé vouloir relever les défis que posent les transitions climatiques, technologiques et démographiques. Ils l’ont fait à l’occasion du forum sur l’emploi et la compétence que nous avons tenu. Le sénateur Yussuff et la sénatrice Ross y étaient. Cette affirmation était bien claire.

En résumé, un plan d’action pour la transition climatique est indispensable, notamment en ce qui a trait au marché du travail. À cet effet, les représentants des travailleurs et des entreprises des plus importantes associations ainsi que les commissaires de l’assurance-emploi doivent impérativement y être associés.

J’espère que le comité qui étudiera ce projet de loi s’interrogera sur ces questions ainsi que sur la mise en œuvre de ce plan dans les plus brefs délais. En effet, ultimement, les changements climatiques sont en cours et on ne peut trop tarder à entreprendre les transitions nécessaires.

Je vous invite à adopter rapidement ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture pour le renvoyer en comité. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Il y a deux sénateurs qui veulent poser des questions. Est-ce que vous aimeriez avoir plus de temps, parce que votre temps de parole est écoulé?

La sénatrice Bellemare : Oui.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

L’honorable Rodger Cuzner : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Absolument.

Le sénateur Cuzner : Nous savons que le changement exerce une pression sur la main-d’œuvre. L’invention des clôtures a enlevé leur travail à bien des bergers. Le développement des technologies marines et des aides à la navigation a rendu plus rares les postes de gardien de phare.

J’avais été très impressionné par la venue du sénateur Yussuff et du Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes dans ma région au Cap-Breton. Le sénateur MacDonald et la sénatrice Cordy pourraient vous en parler, mais, à une certaine époque, au Cap‑Breton, le charbon était roi. Il y avait 6 000 mineurs. Je sais qu’ils auraient aimé avoir accès à un tel programme.

Je sais que vous avez travaillé dans le secteur syndical. Je crois qu’il est essentiel d’adopter une approche tripartite pour l’élaboration des politiques et des programmes. Madame la sénatrice, avez-vous l’assurance que ce type d’approche a été employé pour l’élaboration du projet de loi à l’étude et qu’on a respecté les principes de l’approche tripartite?

La sénatrice Bellemare : Je vous remercie de cette question importante, sénateur. J’y répondrai après l’étude du comité. D’après ce que je sais des meilleures pratiques tripartites, celle-ci est quelque peu différente, en particulier sur un point — et c’est celui que je souligne —, à savoir que les employeurs et les travailleurs ne proviennent pas nécessairement des associations les plus représentatives. Avec le tripartisme dans la société, il faut que les plus grandes associations soient les plus représentatives. Il ne peut y avoir de nominations individuelles. Il est important que les institutions participent. Ce projet de loi ne respecte pas cette caractéristique.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénatrice Bellemare, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Absolument.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais reprendre un peu les propos de mon collègue. Vous êtes du Québec; vous avez organisé toutes sortes de forums sur les questions de la main-d’œuvre et vous y avez participé. Comment croyez-vous qu’un organisme où il manque une table de concertation et où le Québec et l’Alberta sont absents peut fonctionner, étant donné l’importance des provinces dans les questions liées à la main-d’œuvre?

La sénatrice Bellemare : Je dois dire que, dans ce cas d’organisation de la main-d’œuvre, il y a une façon indirecte de prévoir une participation des provinces. C’est toujours par l’intermédiaire des associations patronales et des organisations syndicales. C’est par ce corridor que le tam-tam descend et remonte. C’est par l’intermédiaire des associations les plus représentatives, que ce soit les chambres de commerce en lien avec la Chambre de commerce du Québec et de l’Alberta, ou le Congrès du travail du Canada en lien avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et avec les fédérations des travailleurs de l’Ontario et de l’Alberta, que les liens et les connexions peuvent se faire.

Je ne suis pas certaine de la manière d’associer les provinces à ce stade, mais dans les études que j’ai faites, pour ce qui est de l’assurance-emploi, il est très clair dans mon esprit que le conseil doit être composé surtout de représentants des acteurs du marché du travail qui peuvent discuter avec les provinces. Les associations patronales et syndicales, je le répète, ce sont des créneaux et des liens. Heureusement, dans ces secteurs, ces associations ne changent pas nécessairement leur discours tout le temps. La logique du marché du travail chez les syndicats et les entreprises est convergente et ne change pas à cause de la couleur des idéologies, parce que l’objectif est de créer de bons emplois. C’est pour cette raison que c’est un corridor et que c’est un très bon lien avec les provinces.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la reconnaissance de la Nation haïda

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Greenwood, appuyée par l’honorable sénatrice Busson, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-16. Ce projet de loi n’est pas une simple formalité législative pour la nation haïda, mais un engagement profond envers les principes de justice, de reconnaissance et d’autonomie gouvernementale. Il marque un tournant décisif dans l’approche de notre pays en matière de droits autochtones et crée un précédent pour des initiatives semblables à l’échelle nationale.

La présentation du projet de loi S-16 s’inscrit dans le cadre d’un effort global de réparation des injustices passées subies par la nation haïda et d’autres peuples autochtones. Le projet de loi découle de l’Entente de reconnaissance de Nang K̲’uula Nang K̲’úulaas et fait partie intégrante du plus vaste cadre de réconciliation « Changing Tide », sur lequel travaillent depuis de nombreuses années les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada, de même que la nation haïda.

(1610)

Ces cadres ont été conçus non seulement pour reconnaître la souveraineté et la gouvernance traditionnelle du peuple haïda, mais aussi pour intégrer ces éléments dans le tissu juridique de la société canadienne.

Je voudrais parler brièvement de trois aspects de ce que nous faisons cette semaine.

Je vais d’abord parler du cadre juridique et des dispositions détaillées du projet de loi S-16. Il s’agit principalement des pouvoirs de gouvernance et du statut juridique selon le projet de loi S-16, qui prévoit, à l’article 4, que « la Nation haïda exerce ses pouvoirs exécutifs », conformément à sa constitution, « par l’intermédiaire du Conseil de la Nation haïda ». C’est la partie du projet de loi qui porte sur la reconnaissance.

Actuellement, le statut juridique du Conseil de la nation haïda tient à son enregistrement en vertu de la Societies Act de la Colombie-Britannique, ainsi que sur son inscription auprès de la Société protectrice des animaux de la Colombie-Britannique et, je présume, des Chevaliers de Colomb, et ainsi de suite. On pourrait parler d’une façon inhabituelle de reconnaître légalement un gouvernement si elle n’était pas aussi insultante.

Cette initiative législative est essentielle parce qu’elle corrige ces oublis historiques et reconnaît officiellement les droits de gouvernance inhérents que détient la nation haïda. La reconnaissance de ces droits dans la loi canadienne se fait attendre depuis longtemps et est essentielle à une véritable réconciliation, puisqu’elle crée une relation fondée sur le respect, la souveraineté et l’égalité.

Plus précisément, cette disposition garantit que la gouvernance du conseil est conforme au cadre constitutionnel de la nation haïda qui est déjà en place. Ce cadre constitue une base juridique solide pour ses activités. S’appuyant sur ce fondement, l’article 5 reconnaît le Conseil de la Nation haïda comme une entité assimilable à une personne physique, et non comme un simple détenteur de droits et de pouvoirs délégués, en quelque sorte, par un autre gouvernement. Cette reconnaissance est essentielle, car elle confère au conseil les capacités juridiques nécessaires pour gouverner efficacement. Par exemple, elle lui permet de conclure des marchés, d’acheter des biens, de gérer des actifs et d’engager des poursuites judiciaires en vertu du droit canadien.

Deuxièmement, ce projet de loi établit, grâce à ces accords de reconnaissance, la possibilité de négociations futures en matière de compétence. C’est d’ailleurs l’un des principaux objectifs de la Loi sur la reconnaissance pour les années à venir. L’adoption du projet de loi S-16, la Loi sur la reconnaissance de la Nation haïda, renforcera considérablement la capacité de la nation haïda à négocier dans des secteurs clés qui sont essentiels à la viabilité de sa communauté et de son environnement. Cela se fera par voie de négociation entre le Canada, la Colombie-Britannique et le Conseil de la Nation haïda plutôt que par la voie du contentieux.

Les catégories de négociations potentielles pourraient inclure, en premier lieu, la gestion des ressources naturelles. La nation haïda aura la possibilité d’exercer un plus grand contrôle sur l’extraction et la gestion des ressources naturelles au sein de ses magnifiques territoires. Il pourrait notamment s’agir de négocier les conditions des activités minières, des opérations forestières et de l’exploitation durable des ressources marines, qui sont au cœur du mode de vie traditionnel et de la viabilité économique du peuple haïda.

En étant légalement habilitée à conclure des contrats et des accords, la nation haïda peut veiller à ce que les projets d’exploitation des ressources naturelles soient menés dans le respect de ses propres normes environnementales et de sa culture. Ce qui nous amène au prochain sujet de négociation potentiel : la protection du patrimoine culturel.

Le projet de loi prévoit un cadre permettant à la nation haïda de gérer et de protéger activement son patrimoine culturel. Il peut s’agir de négocier le retour d’artefacts importants sur le plan culturel, de créer des musées ou des centres culturels ou de gérer des sites historiques. Au-delà de la préservation, la nation haïda pourrait développer le tourisme culturel, en créant des programmes éducatifs et des expériences qui font connaître son histoire et sa culture à un vaste public, ce qui lui permettrait de générer des revenus tout en contrôlant la présentation et l’intégrité de son image culturelle.

La sénatrice Busson a décrit ce qu’elle a ressenti lors de sa récente visite à la nation haïda, et elle a expliqué l’importance et la nécessité de préserver la culture haïda.

Il y a aussi le développement économique et l’investissement. Le projet de loi S-16 permet à la nation haïda de lancer des projets de développement économique et d’y participer directement. On peut penser au développement d’entreprises appartenant à des Autochtones, à des partenariats avec des investisseurs externes et à la création de coentreprises qui s’arriment aux objectifs économiques de la nation. La capacité de s’engager directement sur le marché commercial fournit une plateforme pour l’autosuffisance économique et la possibilité de créer des emplois et des débouchés commerciaux au sein de la communauté qui concordent avec les valeurs de la communauté.

L’éducation et les services sociaux constituent un autre volet. La reconnaissance des capacités de gouvernance reconnues permettrait à la nation haïda de négocier sa compétence en matière d’éducation et de services sociaux. C’est une pratique courante dans de nombreux autres accords négociés dans tout le pays. Cela pourrait mener à l’élaboration de systèmes d’éducation qui intègrent la langue, la culture et l’histoire de la nation haïda, et qui adaptent le contenu de l’enseignement pour mieux refléter et servir les besoins de la communauté. De même, dans le domaine des services sociaux, les programmes peuvent être conçus spécifiquement pour répondre aux difficultés et à la situation de la communauté haïda, qu’il s’agisse des soins de santé, du logement et ainsi de suite.

Finalement, je passe à mon troisième sujet et aux implications plus larges pour d’autres Premières Nations. Comme dans le cas du projet de loi que nous avons adopté en juin dernier pour la Première Nation dakota de Whitecap, la mise en œuvre réussie du projet de loi S-16 créera un précédent pour les autres Premières Nations du Canada qui se trouvent dans une situation similaire à celle de la nation haïda et qui cherchent à obtenir une reconnaissance et des pouvoirs de négociation semblables. Cette mesure législative est un exemple de voie claire vers une autonomie accrue et peut servir de modèle à d’autres nations dans leurs négociations avec les gouvernements fédéral et provinciaux.

En conclusion, le projet de loi S-16, Loi sur la reconnaissance de la Nation haïda, représente une étape importante dans l’engagement à l’égard des droits et de la gouvernance de la nation haïda. En approuvant ce projet de loi, nous affirmons notre attachement à un partenariat qui respecte la souveraineté et la dignité du peuple haïda, et nous établissons une norme en matière d’engagement du Canada envers les nations autochtones, et nous favorisons un avenir où règnent l’égalité, le respect et l’intérêt mutuel.

Ce projet de loi n’est pas simplement une résolution, mais une avancée décisive dans un parcours beaucoup plus vaste menant à une réconciliation totale et à un partenariat solide. Le projet de loi fournit un cadre grâce auquel la nation haïda peut exercer un contrôle considérable sur ses ressources naturelles, son patrimoine culturel et son développement économique et social. Il marque une progression essentielle dans la reconnaissance et l’institutionnalisation des droits de gouvernance inhérents de la nation haïda. Ce projet de loi est un pas véritable sur la voie de la réconciliation, et j’exhorte tous les sénateurs à le soutenir. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous reprenons le débat. La sénatrice Coyle a la parole.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine anishinabe pour parler en faveur du projet de loi S-16, Loi concernant la reconnaissance de la Nation haïda et du Conseil de la Nation haïda.

Chers collègues, c’est aujourd’hui le moment de célébrer cette réalisation historique et durement gagnée par la nation haïda, dont la gestation a duré 50 ans. C’est le moment de féliciter le peuple haïda pour son leadership inébranlable et sa persévérance, et c’est le moment pour nous d’apprendre et de comprendre le rôle historique et actuel du gouvernement du Canada — notre gouvernement — dans cette histoire, ce processus, et maintenant ce dénouement positif.

Chers collègues, ce projet de loi concerne le peuple haïda, ses coutumes, ses territoires, sa gouvernance, son bien-être futur, ses relations avec le Canada et, franchement, le bien-être de notre nation.

Chers collègues, la semaine dernière, le Comité des peuples autochtones a entendu Gaagwiis, Jason Alsop, le président élu de la nation haïda, qui s’est exprimé avec passion en faveur du projet de loi S-16. Il était important d’entendre son point de vue. Il a qualifié cette mesure de « [...] projet de loi élaboré conjointement [...] » et a ajouté qu’il s’agissait d’un « [...] élément important de la réconciliation entre la nation haïda et le Canada ». Il nous a dit que les locuteurs de la langue haïda avaient formulé le concept de réconciliation dans leur propre langue — je m’excuse pour ma prononciation —

[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime en haïda.]

(1620)

Chers collègues, cela signifie « des gens qui travaillent ensemble pour redresser la situation ».

Sur quoi travaillons-nous « ensemble » pour « redresser la situation »? Le président Gaagwiis nous a parlé de l’histoire trouble entre le Canada et la nation haïda. Le premier compte rendu écrit de cette histoire remonte à l’époque où la commission royale s’est rendue à Haida Gwaii, en 1913, avec l’intention de parler aux chefs haïdas des réserves et des limites des réserves. La position de la nation haïda était alors identique à sa position actuelle : la nation haïda n’a jamais cédé, capitulé, signé un traité ou été défaite dans une guerre, et tout Haida Gwaii est un territoire haïda. Le président Gaagwiis nous a rappelé ceci :

La loi et la politique canadiennes ont été conçues pour assimiler les peuples autochtones, nous déconnecter de notre culture, de notre histoire, de nos territoires et de nos semblables, et elles ont causé de grands dommages à nos peuples, à nos terres, à nos eaux et à nos territoires au fil des ans. Le Canada avait rendu illégal l’exercice de notre gouvernance et de nos systèmes juridiques traditionnels en interdisant le potlatch.

Le génocide culturel du système des pensionnats a été conçu pour réduire au silence notre langue, bouleverser notre culture et nos valeurs et briser nos structures familiales.

Citant un autre exemple de l’histoire problématique, le président Gaagwiis nous a dit :

Avec les lois de la Couronne et la façon dont les choses sont mises en place [...] [o]n a gagné des milliards de dollars en exploitant les forêts de Haida Gwaii [...]

 — tous les arbres abattus, puis expédiés dans le Sud —

[...] mais il n’y a pourtant aucune infrastructure, aucune piscine et aucun centre récréatif sur place. Il n’y a pas grand-chose à montrer à tous les habitants de Haida Gwaii malgré toutes les ressources qui ont été extraites.

Chers collègues, de nombreux aspects de la relation entre le Canada et les Haïdas doivent être corrigés, mais les deux aspects importants suivants sont fondamentaux pour établir une relation juste, qui est l’objectif ultime du processus de réconciliation : primo, la reconnaissance de la gouvernance et des lois des Haïdas et, secundo — et ce point est essentiel —, la reconnaissance du titre foncier de leur territoire. Le projet de loi S-16 est fondamental pour la réconciliation.

Comme nous l’a dit la sénatrice Margo Greenwood, marraine du projet de loi, dans ses discours aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture, le projet de loi fera deux choses importantes. Premièrement, il affirmera la reconnaissance par le gouvernement du Canada de la nation haïda en tant que titulaire de droits inhérents à la gouvernance et à l’autodétermination. Deuxièmement, il reconnaîtra le Conseil de la nation haïda en tant que gouvernement de la nation haïda.

À quoi ressemble cette gouvernance? Dans son témoignage, le président Gaagwiis a dit à notre comité qu’il y a 50 ans — c’est une longue période d’attente :

En réponse à cette oppression du Canada et de la Couronne dans un acte d’autodétermination, le peuple haïda a formé le conseil de la nation haïda [...] afin d’affirmer notre plein titre de Haïdas à l’égard de tous les territoires haïdas et de respecter notre responsabilité inhérente de s’occuper de Haida Gwaii — la terre et l’eau.

La nation haïda a officiellement ratifié la Constitution de la nation haïda. Cette constitution reconnaît que toutes les personnes d’ascendance haïda sont des citoyens. Elle affirme que le pouvoir de gouvernance de la nation haïda est confié au Conseil de la nation haïda. Elle établit le Conseil des chefs héréditaires. Elle reconnaît que la nation haïda est une société matrilinéaire, que les matriarches héréditaires occupent une place prépondérante et qu’elles jouent un rôle officiel au sein de l’organe directeur par l’intermédiaire de la —

[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime en haïda.]

— table de citoyenneté. Elle définit le rôle des conseils de village, qui doivent remplir les fonctions d’une administration locale et assumer la responsabilité du bien-être des communautés, et elle établit une assemblée législative comme pouvoir législatif. Tous les organes de la nation haïda fonctionnent avec une majorité de 75 %.

Tout cela est en place depuis un certain temps, et le président Gaagwiis a indiqué à notre comité que le projet de loi S-16 n’y changerait rien :

[...] C’est une affaire interne et inhérente à la nation haïda, mais ce projet de loi et les travaux à venir peuvent contribuer à consolider l’environnement dans lequel nous travaillons en appliquant ces lois à l’assise territoriale et, pour être honnête, à la relation entre la nation haïda, le conseil de la nation haïda et le Canada en ce qui concerne les ressources pour soutenir l’évolution continue de notre autonomie gouvernementale [...]

C’est ce dont il est question.

Chers collègues, cette base territoriale, l’archipel Haida Gwaii, que le président Gaagwiis considère comme un élément clé de toute cette équation, est, comme vous le savez, l’un des endroits les plus beaux et les plus remarquables au monde, un endroit que moi-même et beaucoup d’entre vous rêvons de visiter. La sénatrice Greenwood a décrit ces 200 îles, situées à 100 kilomètres à l’ouest de la côte nord de la Colombie-Britannique. L’archipel Haida Gwaii, ce qui signifie « les îles du peuple », est la patrie du peuple haïda. L’histoire raconte que le corbeau a créé les îles de l’archipel Haida Gwaii à partir de l’eau et qu’il a fait sortir les Haïdas de la coquille de mye pour qu’ils le rejoignent sur cette nouvelle terre magnifique.

Ce sont les terres sacrées de l’artiste haïda Bill Reid et les terres qui ont captivé l’artiste Emily Carr. Le président Gaagwiis a déclaré ce qui suit :

Le territoire — un élément fondamental pour nous dans notre mandat et nos responsabilités consiste d’abord et avant tout à s’occuper de la culture, du territoire, de tous les êtres, et tout cela revient à veiller sur nous… C’est parfois peut-être un peu différent des autres façons de voir les choses où c’est plus individualiste ou centré sur les gens.

Chers collègues, rappelez-vous qu’il y a 50 ans, lorsque les Haïdas ont créé le Conseil de la nation haïda, on a chargé cet organisme de faire respecter leur responsabilité inhérente de veiller sur Haida Gwaii, leurs terres et leurs eaux. Je ne peux même pas imaginer la frustration qu’ils ont dû ressentir pendant toutes ces années, sachant qu’ils avaient cette responsabilité à l’égard des terres et des eaux de Haida Gwaii sans être pleinement en mesure de l’exercer.

La nation haïda a travaillé d’arrache-pied aux démarches de réconciliation afin de corriger la situation. Les autres acteurs clés de ces démarches sont les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. Au début du mois, le gouvernement britanno-colombien a signé un pacte avec le Conseil de la nation haïda, acceptant officiellement qu’elle possède un titre autochtone sur l’ensemble des îles de Haida Gwaii, d’une superficie de 1 million d’hectares. Lors de la cérémonie, le président du Conseil de la nation haïda, M. Gaagwiis, a déclaré :

Nous pouvons maintenant nous occuper du long terme et nous préparer pour les défis que nous pourrions avoir à relever dans les années à venir en raison des changements climatiques. Notre gouvernance privilégiera les intérêts des membres de notre communauté, parce qu’ils seront responsables de tout ce qui concerne notre territoire.

Cette entente avec la Colombie-Britannique est cruciale, tout comme le projet de loi S-16, une autre étape importante vers la reconnaissance, la résolution et la réconciliation entières.

Chers collègues, il est important de nous tourner vers les prochaines étapes et, pour le Canada, les prochaines étapes sont d’adopter le projet de loi S-16 et de le renvoyer à l’autre endroit afin qu’il puisse être adopté rapidement. Cette mesure législative de reconnaissance de la gouvernance jette les bases pour la mise en place des prochains éléments essentiels. Au comité, le ministre Anandasangaree a dit :

L’autonomie gouvernementale contribue à l’évolution de notre fédéralisme, en le renforçant de sorte qu’il soit fondé sur l’équité et l’égalité plutôt que sur le paternalisme.

Le prochain élément, le plus important pour les Haïdas, est celui des titres fonciers. Le ministre a reconnu qu’il y avait du retard dans ce dossier, parce qu’il englobe différents enjeux très complexes qu’il faut régler : le système des parcs, les terres du ministère de la Défense nationale et les terres associées à Transports Canada, entre autres. Il sera important que nous suivions de près la question des titres fonciers. Il s’agit de la clé de voûte de la pleine réconciliation et de la justice. Nous ne pouvons donc pas laisser le règlement de cette question traîner en longueur.

Les autres éléments qu’il faut régler concernent la fiscalité — une solution sera bientôt proposée —, les pêches et les systèmes juridiques.

Honorables sénateurs, alors que je m’apprête à clore mon intervention, je me souviens qu’il y a deux semaines, beaucoup d’entre nous ont eu le plaisir et l’honneur de rencontrer l’une de mes héroïnes de toujours, la célèbre primatologue, anthropologue et écologiste Jane Goodall, ici au Sénat. Mme Goodall nous a parlé avec une telle sagesse et une simplicité irrésistible. Elle est connue pour avoir dit : « Ce que vous faites a une incidence, et vous devez décider du genre d’incidence que vous souhaitez avoir. »

Chers collègues, en tant que Chambre haute du Canada, les sénateurs peuvent, collectivement et individuellement, avoir une incidence, et adopter le projet de loi S-16, Loi sur la reconnaissance de la Nation haïda. Son adoption offre justement l’occasion de faire un pas de plus vers la réconciliation et le respect de nos obligations aux termes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. C’est l’occasion de jouer notre rôle dans ce que les Haïdas appellent —

[Note de la rédaction : La sénatrice Coyle s’exprime en haïda.]

 — ou « un effort commun de bonnes personnes en vue de corriger la situation ».

Honorables sénateurs, prenons cette mesure historique pour corriger la situation entre le Canada et le peuple haïda. Wela’lioq, merci.

Des voix : Bravo!

(1630)

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Merci à mes deux collègues de s’exprimer sur un sujet qui est complexe, sur une partie de l’histoire du Canada qui est complexe, mais qui est encore très palpable pour la plupart des peuples autochtones.

Je suis fière d’être moitié Innue et moitié Québécoise. Je le sens au quotidien. Mon fils fait partie du peuple Gitxsan, qui est voisin du peuple haïda. J’ai été accompagnée par une grand-mère spirituelle pendant l’enquête nationale, soit Bernie William Poitras, qui vient de cette grande nation, qui est une douce guerrière issue d’une lignée familiale depuis des millénaires, qui est une matriarche, mais aussi une cheffe héréditaire.

Vous comprendrez que ma position — je vais le faire avec douceur et avec amour — est de nous rappeler collectivement que la réconciliation est un bout de vérité que nous seuls, les peuples autochtones, pouvons détenir. Par la tradition orale, nous la partageons depuis des décennies, depuis des siècles. Je me dois de nous rappeler collectivement à quel point il est important de signer ces ententes. Le droit à l’autodétermination est la première chose que j’avais lorsque je suis arrivée dans cette Chambre. J’avais un médaillon fait avec une peau de caribou où on pouvait lire « éducation, justice, droit à l’autonomie gouvernementale ». C’est très important.

En même temps, rappelons-nous que, dans ce même espace, le colonialisme nous a fait mal — surtout aux femmes autochtones. Ma mère, en épousant le plus beau Québécois, a été expulsée de son territoire. C’est la même chose pour les langues et ainsi de suite. Ce sont toutes des choses que l’on apprend au fil du temps.

Le mois de février est le mois de l’amour, mais il est aussi, pour les familles qui ont perdu un être cher, un moment où l’on réfléchit. Ce mois est pour ceux et celles qui ont perdu une sœur, un frère, une maman, et cetera. En février dernier, j’étais sur le territoire de ces matriarches, dans le Nord de la Colombie-Britannique. Elles m’ont saisie pour me dire : « Ce projet de loi va nous faire mal, parce qu’on ne nous a pas écoutées. » Je leur ai exprimé dans mes mots à moi qu’en même temps, 50 ans plus tard, il faut aller de l’avant, même si ce n’est pas parfait, même si ce n’est pas ce qu’on aurait espéré comme peuple, comme société ou comme pays. Alors, comment pouvaient-elles se faire entendre? Elles ont essayé de se faire entendre dans le cadre de nos structures ici, au sein du Sénat, mais leur voix n’a pas résonné. Elle n’a pas résonné pour toutes sortes de raisons. Je prends la parole pour elles aujourd’hui. Cinquante ans de colonialisme et de débat pour ce beau grand peuple haïda, pour enfin arriver à quelque chose.

Rappelons-nous que ces femmes ont 12 000 ans de droits, de règles, de protocoles et de fierté pour leur peuple. Je me suis souvent fait dire par des membres de gouvernements que j’ai rencontrés ici : « Oui, mais c’est entre vous, tout cela. Il faut que cela se règle entre vous. » Ce n’est pas entre nous qu’on a imposé une loi coloniale.

Vous comprendrez que je vais m’abstenir, mais vous, dans le plus profond de votre cœur, dans vos valeurs à vous, vos croyances, si vous voulez soutenir cette initiative, cela vous appartient, et tant mieux. Je ne vous demande pas de rester avec moi à ce sujet, mais comprenez bien que les prochaines nations qui témoigneront devant nos comités, pour qu’on puisse adopter avec elles des projets de loi pour assurer leur pleine autonomie... Rappelez-vous toujours qu’il y a des voix silencieuses que l’on doit entendre. C’est notre responsabilité.

[Traduction]

Il y a tant de voix que nous connaissons qui pensent faire du bien. Je suis l’une d’entre elles, bien sûr. Je pense avoir fait preuve de diligence raisonnable. Au sein de leur propre nation, de la même nation, il y a probablement un groupe de voix que nous devons faire entendre au comité. J’espère donc que vous comprenez ma décision de m’abstenir parce qu’il y a des voix qui n’ont pas été entendues. Disons que le prochain projet de loi ou le prochain... concerne ma nation. Même là, j’aurais hâte que ses membres viennent ici pour que je leur pose les mêmes questions : Qu’en est-il des femmes autochtones? Où sont-elles? Prennent-elles part au processus? Ont‑elles rêvé de cette vision que vous avez et que vous nous présentez au Sénat? Ont-elles participé avec vous à la rédaction de cette mesure législative ou à la création de cette vision?

Nous devons faire preuve de diligence raisonnable. Nous avons cette responsabilité. Je remercie toutes les personnes ici présentes qui ouvrent leur esprit et leur cœur à cette initiative, mais n’oublions pas que beaucoup d’entre nous ne peuvent pas venir obtenir des réponses ou exposer ou révéler la vérité. Merci.

La sénatrice Coyle : Puis-je poser une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie sincèrement de votre intervention. Vous avez parlé de points importants, et la question des matriarches a été soulevée à plusieurs reprises au comité, tant auprès de Gaagwiis qu’auprès du ministre. Nous avons reçu des réponses de leur part, et vous les connaissez. Vous n’êtes pas satisfaite du processus, et je le comprends. Je pense qu’aucun d’entre nous ne devrait être pleinement satisfait.

Si j’ai bien compris, vous avez fait valoir que nous devrions, dans les futures délibérations, veiller à ce que les comités invitent toujours les femmes, comme les matriarches dans ce cas-ci, à prendre la parole en leur propre nom. Est-ce bien l’argument principal que vous avez présenté?

La sénatrice Audette : Oui, mais ce n’est pas tout. Il ne faut pas demander aux femmes ou aux personnes de présenter des mémoires. Nous sommes issus d’une tradition orale. Certains n’ont pas l’argent nécessaire pour rédiger une déclaration ou n’ont pas la capacité de demander à un expert de le faire pour eux. Nous sommes issus d’une tradition orale : il faut donc nous inviter en tant que témoins. Merci.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par substitution, aux mots « leader du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement » dans les articles 2-4(2), 3-6(2), 4-3(1), 4-8(1)a), 5-7m), 6-5(1)b), 12-5a), 12-23(2) et (3), et 14-1(2);

2.aux articles 3-3(1) et (2), 4-2(8)b), et 7-4(2), par substitution, aux mots « 18 heures », des mots « 19 heures » dans les notes marginales, s’il y a lieu, et le texte des articles;

3.à l’article 4-2(2), par substitution, au chiffre 15, du chiffre 18 dans la note marginale et le texte de l’article;

4.à l’article 4-2(8)a), par substitution, aux mots « Si un whip ou le représentant désigné d’un groupe parlementaire reconnu », des mots « Si un whip, un agent de liaison ou le représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu »;

5.par :

a)substitution, aux articles 4-9 et 4-10, de ce qui suit :

« Réponses différées et questions écrites

Réponses différées à des questions orales

4-9. (1) Lorsqu’il répond à une question orale pendant la période des questions, un sénateur peut indiquer qu’une réponse différée sera fournie par écrit conformément aux dispositions du présent article.

Questions écrites

4-9. (2) Sous réserve du paragraphe (5), un sénateur peut soumettre au gouvernement une question écrite ayant trait aux affaires publiques en l’envoyant par écrit au greffier dans l’un des cas suivants :

a) une réponse écrite est demandée;

b) la question vise à obtenir des renseignements d’ordre statistique ou peu faciles à rassembler.

Publication des questions écrites

4-9. (3) Sur réception d’une question écrite, le greffier la fait publier au Feuilleton et Feuilleton des préavis le jour de séance suivant et ensuite le premier jour de séance de chaque semaine jusqu’à la première des éventualités suivantes :

a) une réponse est déposée;

b) une explication écrite de la raison pour laquelle une réponse n’a pas été fournie est déposée;

c) la question est retirée;

d) l’expiration du délai de 60 jours prévu dans le présent article pour une réponse ou une explication.

Retrait d’une question écrite

4-9. (4) Le sénateur qui a soumis une question écrite peut la retirer par la suite en écrivant au greffier, qui fera inclure une note à cet effet au Feuilleton et Feuilleton des préavis la prochaine fois que la question y aurait été publiée.

Nombre maximal de questions écrites

4-9. (5) Un sénateur ne peut soumettre une question écrite s’il en a déjà quatre publiées au Feuilleton et Feuilleton des préavis en vertu des dispositions du paragraphe (3).

Réponse dans les 60 jours

4-9. (6) Dans les 60 jours suivant la date à laquelle le leader ou représentant du gouvernement, ou un sénateur-ministre, indique qu’une réponse différée sera fournie à une question orale conformément au présent article, ou la date à laquelle une question écrite figure pour la première fois au Feuilleton et Feuilleton des préavis, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, dépose soit la réponse du gouvernement à la question, soit une explication écrite justifiant l’absence de réponse.

Dépôt

4-9. (7) Une réponse ou une explication à fournir en vertu du présent article peut être déposée soit pendant les réponses différées, qui sont appelées à la fin de la période des questions, soit auprès du greffier. Une copie de tout document ainsi déposé est remise au sénateur qui a posé la question, et la réponse différée à une question orale est imprimée dans les Débats du Sénat de la date à laquelle le dépôt est inscrit aux Journaux du Sénat.

Absence de réponse ou d’explication

4-9. (8) Si le gouvernement n’a déposé ni réponse ni explication justifiant l’absence de réponse dans le délai de 60 jours prévu au présent article, l’absence de réponse est renvoyée d’office au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour examen et rapport, ce renvoi étant inscrit aux Journaux du Sénat dès que possible. »;

b)la mise à jour des désignations numériques des articles 4-11 à 4-16 actuels à celles des articles 4-10 à 4-15;

6.à l’article 4-13(3) actuel, par substitution, aux mots « est déterminé par le leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « est déterminé par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

7.par substitution, à l’article 6-3(1), de ce qui suit :

« Temps de parole

6-3. (1) Sauf disposition contraire, le temps de parole dans un débat est :

Certains leaders et facilitateurs

a) illimité dans le cas du leader ou représentant du gouvernement, du leader de l’opposition, et du leader ou facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition;

Autres leaders et facilitateurs

b) limité à 45 minutes dans le cas des leaders et facilitateurs autres que ceux prévus à l’alinéa a);

Parrain d’un projet de loi

c) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du parrain du projet de loi, sauf si celui-ci est l’un des sénateurs prévus à l’alinéa a);

Porte-parole d’un projet de loi

d) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du porte-parole du projet de loi, sauf si celui-ci est l’un des sénateurs prévus à l’alinéa a);

Sénateurs désignés

e) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas d’un autre sénateur, désigné séparément par le leader ou facilitateur de chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, à l’exception de ceux auxquels appartiennent le parrain et porte-parole;

Autres orateurs

f) limité à 15 minutes dans le cas de tout autre orateur. »;

8.par substitution, aux articles 7-1(1) et (2), de ce qui suit :

« Accord pour fixer un délai

7-1. (1) Le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer qu’il est arrivé à un accord avec les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus pour attribuer un nombre déterminé de jours ou d’heures pour terminer le débat :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une ou plusieurs étapes, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement devant le Sénat ou en comité.

Motion de fixation du délai convenu

7-1. (2) Dès cette annonce, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, sans préavis, présenter une motion de fixation du délai convenu. »;

9.par substitution, aux articles 7-2(1) et (2), de ce qui suit :

« Aucun accord pour fixer un délai

7-2. (1) Le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer qu’il n’a pu arriver à un accord avec les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une étape, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement.

Préavis d’une motion de fixation de délai

7-2. (2) Dès cette annonce, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut donner préavis d’une motion de fixation d’un nombre déterminé de jours ou d’heures pour terminer le débat ajourné, y compris l’examen d’un projet de loi en comité. »;

10. par substitution, à l’article 7-3(1)f), de ce qui suit :

« f) le temps de parole de chaque sénateur est limité à 10 minutes, à l’exception du leader ou représentant du gouvernement, du leader de l’opposition, et du leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, qui disposent chacun de 20 minutes; »

11.à l’article 7-3(2), par suppression des mots « à 18 heures » et des mots « à 20 heures »;

12.à l’article 7-4(5)d), par substitution, aux mots « le whip du gouvernement », des mots « le whip ou agent de liaison du gouvernement »;

13.par substitution, aux articles 9-5(1) à (3), de ce qui suit :

« (1) Le Président demande au whip ou agent de liaison du gouvernement, au whip de l’opposition, et aux whips ou agents de liaison des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, s’ils se sont mis d’accord sur la durée de la sonnerie. En cas d’absence d’un whip ou agent de liaison, son leader ou facilitateur peut désigner un sénateur qui agira pour ces fins.

(2) La durée convenue ne doit pas excéder 60 minutes.

(3) Avec le consentement du Sénat, cet accord sur la durée de la sonnerie vaut ordre de faire entendre la sonnerie pendant la durée convenue. »;

14.par substitution, à l’article 9-10(1), de ce qui suit :

« Report d’un vote par appel nominal

9-10. (1) Sous réserve du paragraphe (5) et sauf autre disposition contraire, le whip ou agent de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition, ou le whip ou agent de liaison de l’un des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, peut faire reporter le vote par appel nominal sur une motion sujette à débat. »;

15.par substitution, à l’article 9-10(4), de ce qui suit :

« Vote reporté au vendredi

9-10. (4) Sauf disposition contraire, si ce vote est reporté au vendredi :

a) le whip ou agent de liaison du gouvernement peut, pendant une séance, le faire reporter de nouveau au jour de séance suivant à 17 h 30 si le vote porte sur un article des affaires du gouvernement;

b) le whip ou agent de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition, ou le whip ou agent de liaison de l’un des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, peut, pendant une séance, le faire reporter de nouveau au jour de séance suivant à 17 h 30 si le vote porte sur un article des autres affaires. »;

16.par substitution, à l’article 10-11(2)a), de ce qui suit :

« a) soit par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, à tout moment pendant une séance; »;

17.par

a)substitution, à l’article 12-3(3), de ce qui suit :

« Membres d’office

12-3. (3) En plus du nombre de membres prévu aux paragraphes (1) et (2), et sous réserve des dispositions du paragraphe (4), le leader ou représentant du gouvernement, le leader de l’opposition, et les leaders ou facilitateurs des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition, sont membres d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance et les comités mixtes. À ce titre, en cas d’absence, le leader ou représentant du gouvernement est suppléé par le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, le leader de l’opposition est suppléé par le leader adjoint de l’opposition, et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu est suppléé par son leader adjoint ou facilitateur adjoint.

Droit de vote des membres d’office

12-3. (4) Parmi les sénateurs qui sont membres d’office des comités conformément au paragraphe (3), seuls le leader ou représentant du gouvernement, et le leader de l’opposition, ou, en cas d’absence de l’un ou de l’autre de ces sénateurs, le sénateur qui le supplée, bénéficient du droit de vote. »;

b)la mise à jour de la désignation numérique de l’article 12-3(4) actuel à celle de l’article 12-3(5);

18.par substitution, à l’article 12-8(2) du Règlement, de ce qui suit :

« Proposition de frais de service

12-8. (2) Dès le dépôt d’une proposition de frais de service par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, celle-ci est renvoyée d’office au comité permanent ou spécial désigné par lui après consultation avec le leader ou le leader adjoint de l’opposition, et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, ou le délégué d’un tel leader ou facilitateur. »

19.par substitution, à l’article 12-18(2) du Règlement, de ce qui suit :

« Séances de comité en période d’ajournement du Sénat

12-18. (2) Sous réserve du paragraphe (3) et sauf autre disposition contraire, un comité du Sénat peut se réunir :

a) pendant une période d’ajournement du Sénat qui dure plus d’un jour mais moins d’une semaine, à condition que ses membres en soient avertis la veille de l’ajournement du Sénat;

b) un lundi où le Sénat ne siège pas qui précède un mardi au cours duquel une séance est prévue;

c) pendant d’autres périodes au cours desquelles le Sénat est ajourné et qui ne sont pas couvertes par les dispositions ci-dessus, à condition que le comité soit convoqué :

(i) soit par résolution du Sénat,

(ii) soit avec l’accord, en réponse à la demande du président et du vice-président, de la majorité des sénateurs suivants, ou de leurs délégués : le leader ou représentant du gouvernement, le leader de l’opposition, et les leaders ou facilitateurs des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition. »;

20.par substitution, à l’article 12-26(1), de ce qui suit :

« Nomination du comité

12-26. (1) Dès que les circonstances le permettent au début de chaque session, le leader ou représentant du gouvernement présente une motion, appuyée par le leader de l’opposition et le leader ou facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition, portant nomination des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs; la procédure de nomination reste la même pour modifier la composition du comité au cours d’une session. Toute motion de nomination est adoptée d’office. »;

21.à l’article 14-1(1), par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

22.à l’article 16-1(8), par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement », aux deux endroits où ils apparaissent;

23.à l’Annexe I :

a)à la définition des « Affaires du gouvernement », par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

b)par substitution, à la définition de « Leader adjoint du gouvernement », de ce qui suit :

« Leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement

Sénateur qui agit en tant que second pour le leader ou représentant du gouvernement et qui est normalement responsable de la gestion des affaires du gouvernement dans la salle du Sénat. Le leader adjoint ou coordonnateur législatif est également normalement responsable de négocier avec l’opposition et les autres partis reconnus et groupes parlementaires reconnus l’ordre des travaux en général. En l’absence du leader adjoint ou coordonnateur législatif, le leader ou représentant du gouvernement peut désigner un autre sénateur pour assurer l’intérim. Le titre complet est « Leader adjoint du gouvernement au Sénat » ou « Coordonnateur législatif du représentant du gouvernement au Sénat ». (Deputy Leader or Legislative Deputy of the Government) »;

c)par substitution, à la définition actuelle de « Leader du gouvernement », de ce qui suit :

« Leader ou représentant du gouvernement

Sénateur qui agit à titre de chef des sénateurs membres du parti du gouvernement, ou qui est nommé par le gouvernement pour le représenter au Sénat sans être affilié à un parti du gouvernement. Selon l’usage actuel, le leader ou représentant du gouvernement prête normalement serment à titre de membre du Conseil privé du Roi pour le Canada et il peut être membre du Cabinet. Le titre complet est « Leader du gouvernement au Sénat » ou « Représentant du gouvernement au Sénat ». (Leader or Representative of the Government) »;

d)dans la définition de « Parrain d’un projet de loi », par substitution, aux mots « le parrain est normalement un membre du gouvernement qui », des mots « le parrain est désigné par le leader ou représentant du gouvernement et »;

e)dans la définition de « Porte-parole d’un projet de loi », par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

f)par substitution, à la définition de « Procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie », de ce qui suit :

« Procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie

Le Président demande au whip ou agent de liaison du gouvernement, au whip de l’opposition, et aux whips ou agents de liaison des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, s’ils s’entendent sur la durée de la sonnerie, qui ne peut excéder 60 minutes. Avec le consentement du Sénat, cette entente constitue l’ordre de faire retentir la sonnerie pour la période convenue, mais en l’absence d’entente ou de consentement, la sonnerie retentit pendant 60 minutes. Dans certains cas prévus au Règlement, la procédure n’est pas suivie et la sonnerie retentit pendant une plus courte période. (Ordinary procedure for determining duration of bells) »;

g)dans la définition de « Projet de loi d’intérêt public », sous « Projet de loi », par substitution, aux mots « (présenté par un ministre ou introduit en son nom) ou d’initiative parlementaire (présenté par un sénateur qui n’est pas ministre) » des mots « (présenté par un ministre, au nom d’un ministre, ou par le ou au nom du leader ou représentant du gouvernement si celui-ci n’est pas ministre) ou d’initiative parlementaire (c’est-à-dire qu’il n’est pas du gouvernement) »;

h)par substitution, à la définition de « Sénateur-ministre », de ce qui suit :

« Sénateur-ministre

Sénateur assermenté au Cabinet. Le leader ou représentant du gouvernement est normalement assermenté en tant que membre du Conseil privé du Roi pour le Canada et peut être membre du Cabinet. (Senator who is a minister) »;

i)à la définition de « Suspension du soir » par substitution, aux mots « entre 18 heures et 20 heures », des mots « entre 19 heures et 20 heures »;

j)par substitution, à la définition de « Whip du gouvernement », de ce qui suit :

« Whip ou agent de liaison du gouvernement

Sénateur responsable de veiller à la présence au Sénat d’un nombre suffisant de sénateurs du parti du gouvernement pour assurer le quorum et la tenue des votes et à qui le leader ou représentant du gouvernement délègue habituellement la responsabilité de gérer la désignation des suppléants pour remplacer les sénateurs du gouvernement qui siègent à des comités au besoin. Le whip ou agent de liaison du gouvernement peut être responsable de la sensibilisation en ce qui concerne les affaires du gouvernement au Sénat. (Government Whip or Liaison) »;

k)par adjonction, selon l’ordre alphabétique, des nouvelles définitions suivantes :

(i) « Agent de liaison du gouvernement

Voir « Whip ou agent de liaison du gouvernement » (Government Liaison) »;

(ii) « Coordonnateur législatif du gouvernement

Voir « Leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement ». (Legislative Deputy of the Government) »;

(iii) « Leader adjoint ou facilitateur adjoint

Le sénateur qui agit en tant que second pour le leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu autre que, le cas échéant, les partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus dont est membre soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition. (Deputy Leader or Deputy Facilitator) »;

(iv) « Leader du gouvernement

Voir « Leader ou représentant du gouvernement » (Leader of the Government or Government Leader) »;

(v) « Représentant du gouvernement

Voir « Leader ou représentant du gouvernement » (Government Representative or Representative of the Government) »;

Que tous les renvois et les listes d’exceptions dans le Règlement soient mis à jour pour tenir compte de ces modifications, mais restent autrement inchangés;

Que, en ce qui concerne les amendements aux articles 4-9 et 4-10 actuels, énoncés au point 5 ci-dessus :

1.le nouvel article 4-9(5) ne s’applique pas à toute question écrite soumise avant l’adoption de la présente motion, de manière que seules les questions écrites soumises après l’adoption de la présente motion soient comptées comme si elles étaient sujettes à cette disposition;

2.les dispositions des nouveaux articles du Règlement prennent effet dès l’adoption de la présente motion en ce qui concerne les questions soulevées à partir de ce moment-là, sous-réserve du point 3 ci-dessous;

3.les dispositions des nouveaux articles du Règlement concernant le délai de 60 jours pour répondre aux questions écrites, le dépôt, et l’absence d’une réponse ou d’une explication prennent effet, par rapport aux questions écrites soumises avant l’adoption de la présente motion, à la date qui tombe six mois après l’adoption de la présente motion comme s’il s’agissait de la date où les questions eussent été soumises, à condition que si la session en cours prend fin avant la fin de cette période de six mois, ces dispositions des nouveaux articles prennent effet le dernier jour de la session en cours;

Que, dans les 30 jours que le Sénat siège après l’adoption de cette motion, le Comité permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs présente un rapport au Sénat proposant des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour tenir compte des amendements à l’article 12-26(1) du Règlement énoncés au point 20 ci-dessus.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est avec un mélange de tristesse et d’espoir que je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion no 165 du gouvernement Trudeau visant à modifier le Règlement du Sénat.

Je suis triste parce que je pense que certains des changements proposés par cette motion sont préjudiciables au Sénat et au système démocratique canadien. Je suis triste parce que le précédent créé par le sénateur Gold avec sa motion marque la fin d’un Sénat qui fonctionnait d’une certaine façon en dehors de la partisanerie que nous voyons maintenant à la Chambre. Je reviendrai sur ce point dans un instant.

Comme je l’ai dit, j’ai aussi de l’espoir parce que je pense que c’est le dernier acte de ce mauvais drame qu’est la tentative de Justin Trudeau de réformer le Sénat. Soyons clairs : cette tentative émane de Justin Trudeau. La fin est proche pour le gouvernement actuel, et Pierre Poilievre recevra bientôt le mandat de réparer ce qui ne va plus au pays. Une des choses qui ne va plus à cause de Justin Trudeau et que Pierre Poilievre devra réparer, c’est le Sénat.

Contrairement à ce que le sénateur Gold et les libéraux voudraient nous faire croire, en 2014, Justin Trudeau n’a pas conçu un plan élaboré pour faire entrer le Sénat canadien dans le XXIe siècle. Son plan a plutôt été élaboré sur une serviette de table, par opportunisme politique et sous la pression de trouver un stratagème qui lui éviterait d’être rejeté par la moitié de son caucus.

La grande majorité d’entre vous n’était pas présente en 2013 lorsque le Sénat a dû faire face aux dépenses douteuses de certains sénateurs. Permettez-moi de vous expliquer brièvement ce qui s’est passé. Pour les sénateurs qui étaient présents, cela vous rafraîchira la mémoire.

Quatre sénateurs ont été cités dans les médias pour leurs dépenses douteuses. L’un d’entre eux était un libéral qui a rapidement décidé de prendre sa retraite. Lorsque le gouvernement conservateur a décidé d’agir et de suspendre les trois autres sénateurs, Justin Trudeau a demandé à ses sénateurs libéraux de s’abstenir lors du vote. La moitié du caucus n’a pas suivi ses ordres.

(1640)

Trudeau était furieux. Il a envoyé Dominic LeBlanc, son homme de main préféré, pour organiser un coup d’État au sein du caucus libéral du Sénat. George Furey devait remplacer Jim Cowan en tant que leader. Ce coup d’État a échoué.

Cela a rendu Trudeau encore plus furieux. Il savait que l’enquête du vérificateur général montrerait que d’autres sénateurs libéraux avaient des dépenses douteuses. Il a donc décidé de les expulser du caucus, de les exiler. Cette décision a été prise sans cérémonie. Les sénateurs Jaffer, Cordy, Ringuette, Downe ou Massicotte pourraient tous vous en dire plus sur cette réunion, un froid mercredi matin de janvier 2014, au cours de laquelle les sénateurs libéraux ont découvert le vrai visage de Justin Trudeau. Ces sénateurs qui avaient travaillé sans relâche pour le Parti libéral ont été écartés comme des moins que rien, abandonnés par Justin Trudeau en route vers le pouvoir.

C’est après avoir décidé d’exclure leurs sénateurs du caucus que les libéraux ont élaboré un plan visant à transformer le Sénat sans vraiment le changer. L’idée selon laquelle les sénateurs libéraux étaient moins indépendants du fait de leur appartenance à un caucus national était une imposture. Les sénateurs libéraux qui étaient ici lorsque je suis arrivé, comme ceux que j’ai mentionnés et d’autres, comme les sénateurs Cowan, Joyal, Baker et Fraser, étaient tous de grands penseurs indépendants. En fait, comme je viens de le dire, c’est parce qu’ils n’ont pas suivi Justin Trudeau et parce qu’ils étaient des esprits indépendants qu’ils ont été écartés.

Le plan élaboré par Trudeau en 2014 avait deux objectifs.

Premièrement, il fallait couper les liens avec les sénateurs qui pouvaient devenir gênants à tout moment. Les libéraux considéraient leurs collègues sénateurs comme des bombes à retardement toxiques qu’ils devaient fuir. Pour Trudeau, son image est sacro-sainte. Il était hors de question qu’un sénateur, aussi bon et loyal soit-il, vienne ternir sa réputation.

Deuxièmement, les libéraux, qui étaient en troisième place, devaient proposer quelque chose concernant la réforme du Sénat. Le projet de Harper de limiter la durée des mandats et d’organiser des élections sénatoriales était toujours d’actualité, même s’il était freiné par les tribunaux. Le plan du NPD, en deuxième position, était plus simple : il s’agissait d’abolir l’institution.

Pour se distinguer, les libéraux ont eu l’idée d’un comité de libéraux — souvenez-vous, un comité de libéraux — qui nommerait au Sénat des libéraux qui se diraient alors indépendants. Les libéraux demanderaient également au leader du gouvernement de se présenter comme un représentant, même s’il est le leader du gouvernement.

Il y a lieu d’admirer les libéraux pour cela. Ils ont réussi à faire passer l’immobilisme pour un progrès. La réforme du Sénat est soudain devenue simple : il suffisait de changer les titres, d’appeler un leader un représentant, un whip un agent de liaison et un libéral un indépendant, et le tour est joué. Vous avez un nouveau Sénat.

Chers collègues, avançons rapidement jusqu’en 2024. Sentant que le règne de Trudeau tire à sa fin, le gouvernement a décidé de présenter à la hâte cette motion visant à modifier le Règlement. Les libéraux, qui sont dans leur neuvième année au pouvoir, ont décidé de préparer leur sortie et de changer le Sénat pour de bon, du moins l’espèrent-ils. Elle est bien bonne.

Qu’est-ce qui leur a pris autant de temps? Je sais que le sénateur Gold accusera les conservateurs d’avoir bloqué tous les magnifiques changements que Justin Trudeau était censé apporter au Sénat. Je suis désolé, chers collègues, mais ce serait une mauvaise réponse.

Comme je l’ai déjà dit, le problème, c’est que ces changements n’ont pas été mûrement réfléchis. Au départ, il s’agissait seulement de quelques slogans pour la campagne électorale de 2015, une campagne que Trudeau n’était pas censé remporter.

Le gouvernement ne savait pas quoi faire du Sénat. Il lui a fallu cinq mois pour décider qu’il avait besoin d’un leader au Sénat. Oui, mesdames et messieurs les sénateurs, le Sénat a siégé pendant cinq mois sans que le gouvernement soit représenté. Les nouveaux sénateurs libéraux nommés en 2016 ne savaient pas quoi faire : devaient-ils siéger seuls ou créer des groupes? Mais alors, comment peut-on faire partie d’un groupe et être indépendant? Quelqu’un a trouvé une solution.

Nous avons vu naître des notions étranges, comme des dirigeants qui ne dirigent pas, des agents de liaison qui assurent la liaison avec on ne sait qui et des facilitateurs qui facilitent on ne sait quoi. Bien sûr, tout cela n’est qu’une mascarade. Vous avez beau appeler votre chat un félin, cela ne fait pas de vous un dompteur de lions.

Pendant ce temps, les sénateurs conservateurs et libéraux attendaient patiemment que le gouvernement et les nouveaux sénateurs présentent leurs projets. Sans surprise, les sénateurs indépendants ont décidé de reproduire le modèle qui existe dans tous les Parlements inspirés du modèle de Westminster et ont formé des groupes. La prédiction de John A. Macdonald, selon laquelle cet endroit ne pourrait pas fonctionner avec 105 sénateurs indépendants, s’est une fois de plus vérifiée. La majorité des sénateurs, toujours affiliés à un parti politique, a accepté les demandes de ces nouveaux sénateurs et a apporté les modifications nécessaires au Règlement, sans aucune résistance d’ailleurs. Comme l’a souligné le sénateur Gold dans son discours :

[...] le Règlement du Sénat a été modifié pour permettre la participation de ces groupes ou des ordres sessionnels ont été adoptés pour permettre l’inclusion de nouveaux sénateurs.

À entendre le sénateur Gold, on pourrait croire que les sénateurs de Trudeau ont dû se battre bec et ongles avec les conservateurs et les libéraux. Chers collègues, rien ne saurait être plus faux.

L’opposition conservatrice ne s’est pas opposée à la grande majorité des changements apportés au Règlement, à la Loi sur le Parlement du Canada ou à la façon dont nous menons nos travaux. Nous savons que les élections ont des conséquences. Nous savons qu’en nommant 81 sénateurs, soit autant que Wilfrid Laurier, Justin Trudeau a marqué le Sénat de son empreinte.

Toutefois, nous avons été très clairs : nous n’accepterons pas qu’on réduise les pouvoirs de l’opposition. Nous n’accepterons pas non plus de changements qui empêcheront un nouveau gouvernement conservateur, qui sera bientôt au pouvoir, de mener correctement ses affaires au Sénat. Il s’agit encore et toujours de notre limite.

Encore une fois, je reviendrai plus tard sur l’incidence des changements préconisés par le sénateur Gold sur l’opposition et sur un futur gouvernement conservateur. Cependant, je tiens d’abord à parler de ce qui me semble être l’aspect le plus scandaleux de cette initiative du gouvernement.

Pour autant que je sache, utiliser une motion d’initiative ministérielle pour modifier le Règlement sans conclure d’accord ni discuter sérieusement avec l’opposition est sans précédent. Quand j’ai interrogé le sénateur Gold à ce sujet, il n’a pas pu me citer un seul cas où le gouvernement a modifié unilatéralement le Règlement du Sénat.

S’il vous plaît, sénateur Gold, épargnez-nous votre argument selon lequel le fait que vous présentiez une motion n’est pas une action unilatérale du gouvernement. Justin Trudeau a nommé 81 sénateurs, et l’opposition ne compte que 13 sénateurs sur 96. Certes, utiliser les pouvoirs du gouvernement pour faire avaler de force une telle motion à l’opposition est sans précédent, et je dirais même antidémocratique, surtout lorsque l’on brandit la menace d’une motion de fixation de délai imminente, qui plane maintenant au-dessus de nos têtes.

Les sénateurs savent que la procédure habituelle pour modifier le Règlement du Sénat est la suivante : le Comité du Règlement, où le consensus a toujours été la politique à suivre, mène une étude, puis il rédige un rapport. Il a toujours été admis que, pour modifier les règles du jeu, il fallait en discuter avec tous les joueurs, recueillir leur avis et parvenir à un consensus. C’est tout. Le sénateur Gold passera à l’histoire en tant que leader du gouvernement qui a brisé ce modèle en vigueur depuis 1867. Il est le premier à faire ce qui se fait maintenant couramment à la Chambre des communes : utiliser la majorité gouvernementale pour changer les règles. Vous remarquerez le cynisme du gouvernement. Il utilise la tactique la plus partisane jamais utilisée pour changer les règles afin de rendre cet endroit moins partisan. Du moins, c’est ce qu’il prétend.

(1650)

Le sénateur Gold a ouvert une boîte de Pandore. Une page a été tournée. Je vais faire une prédiction : maintenant que le génie est sorti de la bouteille, les futurs leaders du gouvernement utiliseront ce précédent pour justifier l’utilisation des pouvoirs du gouvernement afin de changer les règles. Dans quelques années, lorsque les conservateurs reprendront la majorité au Sénat, ils pourront changer les règles comme bon leur semble. À peu près 50 % d’entre vous — et moi — ne seront plus ici. Environ 50 % des sénateurs ne seront plus ici, et 50 % le seront toujours. Je pense que ceux d’entre vous qui siégeront sur les banquettes de l’opposition se souviendront de notre débat actuel et se diront : « Plett nous a mis en garde. » Croyez-moi : le gouvernement conservateur fera ce que vous lui dites, à l’avance, qu’il peut faire.

Franchement, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n’a pas utilisé la méthode en vigueur depuis la Confédération pour changer le Règlement. Une méthode acceptable sous Wilfrid Laurier, sous Lester B. Pearson et sous Brian Mulroney ne l’est plus sous Justin Trudeau.

L’opposition conservatrice occupe 4 des 15 sièges au sein du Comité du Règlement — 4 des 15 sièges. Les quatre autres groupes qui appuient les politiques générales du gouvernement, y compris le budget, se partagent 11 sièges. Pourquoi le gouvernement doit-il utiliser une motion du gouvernement pour imposer ces changements au Sénat? Pourquoi le sénateur Gold n’a-t-il pas d’abord présenté ses changements au Comité du Règlement? Peut-être ne fait-il pas confiance à ses 11 alliés au sein du Comité du Règlement. Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un affront pour le Comité du Règlement et sa présidente, et j’espère que la présidente en prendra note.

En proposant une motion, le gouvernement saute l’étude en comité. Nous n’entendrons pas de témoins experts qui pourraient nous dire ce qu’ils pensent de ces changements. Nous ne serons pas en mesure de débattre de chaque changement, d’examiner attentivement le texte et de peaufiner chaque nouvelle règle. Le Sénat est très fier de son travail en comité et de sa capacité à examiner les choses en profondeur et c’est quelque chose pour lequel il est connu depuis bien des années. Le gouvernement a décidé que nous n’avions pas besoin de cela pour notre propre Règlement.

Le sénateur Housakos : Il sait mieux que quiconque ce qu’il faut faire.

Le sénateur Plett : C’est la raison pour laquelle le gouvernement a recours à une motion du gouvernement. C’est pour que les sénateurs ne puissent pas entendre des experts qui seraient contre la proposition, étudier attentivement les changements et y apporter des modifications au besoin. Le gouvernement, comme vient de le souligner le sénateur Housakos, croit savoir mieux que quiconque ce qu’il faut faire. Il a déjà toutes les solutions, alors que lui importe l’avis des autres sénateurs?

Il est vrai qu’on a déjà discuté de certaines idées qui se trouvent dans la motion, et il y a eu consensus sur plusieurs d’entre elles. Cependant, les sénateurs du gouvernement nous présentent cela comme un tout qui est à prendre ou à laisser. Le sénateur Quinn a demandé aujourd’hui au sénateur Gold s’il serait prêt à considérer un simple amendement. Il a refusé de répondre. C’est sa motion. Il n’a pas demandé l’avis des autres sénateurs. Il a demandé au sénateur Gold s’il serait prêt à accepter un simple amendement. Le sénateur Gold a refusé de répondre à la question.

Le sénateur Housakos : Il doit demander au gouvernement.

Le sénateur Plett : Comme je l’ai dit, on a effectivement discuté de certaines des idées contenues dans la motion, mais les sénateurs ministériels ont présenté cette motion comme un programme à prendre tel quel ou à laisser. C’est à ce moment-là que la sénatrice Bellemare et le Comité du règlement ont décidé de ne pas présenter de rapport. C’était leur décision, pas celle des conservateurs.

Comme l’a admis le sénateur Gold dans son discours, le gouvernement a décidé d’agir unilatéralement, par frustration. Au lieu de faire son travail pour atteindre un consensus, comme il devrait le faire, il utilise la sénatrice Bellemare comme bouc émissaire et intimide l’opposition. Ne nous faisons pas d’illusions : ces changements sont un fait accompli.

Le sénateur Gold a admis dans son discours qu’il n’y avait pas de place pour des discussions. Justin Trudeau veut ces changements et ce que Justin Trudeau veut, ses sénateurs doivent l’obtenir. L’objectif de cette motion est de créer un deuxième caucus du gouvernement, ou un deuxième caucus d’opposition, selon le parti au pouvoir, et le sénateur Gold a admis que cela faisait partie de l’ADN de cette motion. Si l’objectif ultime est de transformer le Sénat en une chambre d’écho libérale et que le gouvernement utilisera n’importe quel moyen pour y parvenir, y compris le recours à la clôture, que reste-t-il à négocier pour les conservateurs?

Maintenant que le Parti libéral a perdu 20 points dans les sondages, maintenant que les sénateurs de Trudeau entrevoient la perspective de siéger dans l’opposition pendant très longtemps, ils changent les règles et ils utiliseront la fixation de délai pour s’assurer que le débat soit écourté. Après tout, il faut agir vite pour se débarrasser de ces procédures qui font perdre du temps, comme l’a dit la sénatrice Lankin, n’est-ce pas?

Enfin, en ce qui concerne l’utilisation sans précédent d’une motion du gouvernement pour modifier les règles, je ne sais pas trop quoi penser des tergiversations du sénateur Gold sur la question de savoir qui est à l’origine de ces modifications. La question lui a été posée. Il n’a pas voulu répondre à la question de savoir si le premier ministre soutenait ces changements. Il a déclaré dans son discours :

[I]l s’agit d’une initiative du bureau du représentant du gouvernement au Sénat. Ce n’est pas une initiative du Cabinet du premier ministre, point final.

Ce sont les paroles du sénateur Gold.

Eh bien, dans ce cas, à quoi renvoient les affaires du gouvernement dans le Règlement du Sénat? La question s’impose. Il ne s’agit pas d’une idée personnelle d’un membre du gouvernement. Il ne s’agit pas d’une initiative émanant d’un bureau quelque part dans ce bâtiment. Il s’agit des affaires du gouvernement. Si le sénateur Gold veut nous faire croire que cette motion n’est pas une motion du gouvernement libéral de Justin Trudeau, alors il ne devrait pas utiliser une motion du gouvernement pour la présenter.

La sénatrice Martin : Exactement.

Le sénateur Plett : Je vais tenir pour acquis que le sénateur Gold n’essaie pas de nous en passer une petite vite, qu’il ne se sert pas des outils du gouvernement pour avancer son propre programme. Il faut arrêter de tourner autour du pot : cette motion du gouvernement est appuyée à 100 % par le gouvernement, par Justin Trudeau, par les libéraux et probablement aussi par Jagmeet Singh.

La sénatrice Martin : Il veut abolir le Sénat.

Le sénateur Plett : Le Parti libéral et ceux qui le supportent ici et à la Chambre auront un prix politique à payer, dans l’immédiat et dans le futur, pour ces changements et pour la façon dont ils sont imposés.

L’autre chose qui me dérange est le moment choisi pour présenter cette motion. Comme je l’ai dit, on dirait qu’il s’agit d’une tentative désespérée du sénateur Gold. Le gouvernement Trudeau est majoritaire au Sénat depuis environ sept ans. Pendant toutes ces années, et même avant d’obtenir la majorité, le gouvernement est parvenu à faire adopter ses projets de loi. D’ailleurs, comme il y avait 23 postes vacants au Sénat au moment de son élection, Justin Trudeau a pu obtenir la majorité très rapidement. Si on compare avec les Laurier, Borden et Mulroney, qui ont dû se battre contre leurs opposants qui étaient majoritaires au Sénat pendant des années, Justin Trudeau est chanceux.

Qu’est-ce qui fait que ces changements sont si urgents? Nous connaissons tous la réponse. La modification du Règlement du Sénat est devenue urgente le jour où Pierre Poilievre a pris une avance de 20 points dans les sondages. Le sénateur Gold essaie désespérément de pérenniser, avant les élections, la structure ridicule que Justin Trudeau a créée au Sénat, parce qu’il sait que le Parti libéral sera rayé de la carte et qu’il est probable qu’il redevienne un tiers parti.

(1700)

Comme je l’expliquerai plus tard, cette motion met le Groupe des sénateurs indépendants, ou son successeur, en position de servir de lest au Sénat, en penchant du côté des libéraux, quel qu’il soit; aujourd’hui alors qu’ils sont au pouvoir et demain quand ils seront dans l’opposition. De cette manière, les libéraux s’assurent que, pour quelques années au moins, le Sénat penchera en leur faveur. Ils disent vouloir se débarrasser du duopole au Sénat. Ils le remplacent par un triumvirat où ils contrôlent deux des trois acteurs.

Parlons du rôle de l’opposition. Permettez-moi maintenant d’aborder une question importante dans ce débat.

Il est évident que certains sénateurs de Trudeau ont du mal à accepter la présence d’une opposition solide au Sénat. Ils nous reprochent d’utiliser des mots comme « menteur », « incompétent » ou « corrompu » pour décrire avec véracité leur premier ministre préféré. Ils nous reprochent d’utiliser des tactiques procédurales, de perdre du temps ou de poser trop de questions, dont certaines sur des sujets qui les mettent très mal à l’aise. Cela démontre non seulement une mauvaise compréhension du processus démocratique de la part de ces sénateurs, mais aussi un manque de connaissance de l’histoire du Sénat. Il n’est pas nécessaire de remonter très loin dans l’histoire pour trouver des oppositions au Sénat qui étaient bien plus obstructionnistes que nous avons pu l’être au cours des neuf dernières années.

Chers collègues, je suis désolé d’être à l’origine de toute cette agitation, mais nous ne faisons que notre travail. Nous jouons un rôle aussi important que celui du gouvernement et de ses partisans.

Je ne cesserai de le répéter : le Sénat a besoin d’une opposition organisée qui dispose des outils nécessaires pour faire son travail.

Permettez-moi de citer l’ancien premier ministre Wilfrid Laurier :

[...] il est réellement essentiel au pays que nous placions autant que possible sur un pied d’égalité les différences d’opinions qui sont représentées des deux côtés de la Chambre; nous admettons que nous devons avoir une forte opposition pour exprimer les vues de ceux qui ne pensent pas comme la majorité.

Vous noterez que le premier ministre Laurier a insisté sur le fait que le gouvernement et l’opposition devaient être aussi égaux que possible.

Et quel est le rôle de l’opposition? C’est évidemment de faire pression sur le gouvernement et de lui demander des comptes au nom des Canadiens.

Permettez-moi de citer un autre ancien premier ministre, soit John G. Diefenbaker :

Pour que le Parlement demeure une institution viable, l’opposition loyale de Sa Majesté doit remplir ses fonctions résolument. Lorsqu’elle agit comme il se doit, la liberté est protégée. D’ailleurs, l’histoire nous prouve que la liberté s’évanouit toujours lorsqu’il n’y a plus de critique. L’opposition fait respecter et soutient les droits des minorités. Elle doit faire preuve de vigilance pour combattre l’oppression et l’empiétement injuste, par le Cabinet, sur les droits du peuple. Elle doit surveiller toutes les dépenses et s’opposer aux extravagances, en informant le public de tout gaspillage ou méfait encore pire. Elle décèle les erreurs, suggère des modifications, pose des questions et tire les choses au clair; elle éveille, informe et façonne l’opinion du public en lui permettant de s’exprimer et de voter. Elle doit suivre de près le moindre geste du gouvernement pour l’empêcher de court-circuiter la procédure démocratique comme les gouvernements se plaisent à le faire.

Bien sûr, lorsqu’elle fait son travail, l’opposition irrite les députés ministériels. C’est au cœur du processus démocratique. On peut penser que l’opposition va trop loin, qu’elle utilise un langage acerbe et qu’elle perd du temps. Dans ce cas, il existe des règles pour y mettre fin. Tant que l’opposition respecte les règles, le gouvernement et ses partisans devraient et même doivent accepter le fait que cela fait partie de notre processus démocratique.

Je vais citer un troisième ancien premier ministre, M. Lester B. Pearson :

En matière de politique nationale, lorsque j’étais membre du gouvernement, je regardais les membres de l’opposition jouer leur rôle avec zèle et vigueur, courage et détermination. Ils insistaient, à juste titre, sur leur droit de s’opposer, d’attaquer, de critiquer et de s’engager dans les estocades du débat, comme leur recommandaient si souvent et si ardemment ceux à qui tenaient à cœur la vigueur du Parlement et la santé de la démocratie. Je ne peux m’abstenir d’ajouter toutefois que l’application de cette procédure a parfois déplu à ceux qui en étaient la cible.

Quant à l’accusation selon laquelle l’opposition perd du temps et ralentit les choses, elle est vraie, je l’admets. C’est l’un des éléments de notre arsenal et même l’outil le plus efficace dont nous disposons. Lorsqu’il présente une mesure au Sénat, le gouvernement n’a qu’un seul objectif, et ce, avant même qu’elle soit présentée : qu’elle ressorte d’ici le plus rapidement possible. C’est déjà l’objectif du sénateur Gold, et c’est même devenu son obsession. Voilà pourquoi on nous presse d’adopter des projets de loi qui restent ensuite à la Chambre pendant des mois, voire des années.

Le temps a de l’importance pour l’opposition. Il lui permet de garder le débat dans la sphère publique et d’alerter les parties prenantes. Il lui permet de montrer qu’il pourrait y avoir une meilleure façon de faire les choses et de se présenter comme le futur gouvernement.

Cela ne signifie pas que l’opposition doit se traîner les pieds et transformer le Sénat en champ de bataille sur toutes les questions. L’opposition doit faire preuve de prudence dans l’utilisation de ses outils procéduraux. Elle doit maintenir un équilibre entre le compromis et l’obstruction, la cooptation et l’opposition par réflexe. Toutefois, l’opposition a le droit, comme elle le devrait, d’utiliser tous les moyens nécessaires — dans les limites du Règlement — pour mettre fin à ce qu’elle considère comme des mesures préjudiciables au Canada.

Au bout du compte, le gouvernement, surtout lorsqu’il dispose d’une majorité, comme c’est le cas en ce moment au Sénat, pourra aller de l’avant. Comme le dit le dicton, « l’opposition s’oppose, le gouvernement dispose ».

Les sénateurs devraient savoir que depuis 2015, avant même qu’il y ait un leader du gouvernement au Sénat, l’opposition conservatrice a été en mesure de négocier des échéanciers raisonnables pour faire avancer les projets de loi du gouvernement. Nous comprenons très bien notre rôle au Parlement. Lorsque le sénateur Gold nous accuse de bloquer, de retarder ou de faire de l’obstruction, il recycle au Sénat les discours que le Cabinet du premier ministre a préparés pour ses collègues de la Chambre. Si certains sénateurs souhaitent apprendre ce qu’est une opposition obstructionniste, ils peuvent consulter le hansard de l’époque où les conservateurs formaient le gouvernement et où les libéraux étaient majoritaires au Sénat. Le débat sur la TPS me vient à l’esprit.

Je ne peux passer sous silence le fait que lorsque le gouvernement et ses sénateurs affirment vouloir rendre le Sénat plus efficace, ils ne parlent pas d’améliorer le fonctionnement de l’institution à moindre coût. Ils parlent de réduire le temps dont dispose l’opposition pour le débat. Ils veulent limiter le débat et mettre fin aux procédures qui font perdre du temps, comme l’a dit la sénatrice Lankin. Cependant, ce n’est pas l’efficacité que le gouvernement recherche, mais l’opportunisme. Le gouvernement — tout gouvernement, en réalité — veut agir rapidement. Il veut se mettre au travail. Toutefois, le Sénat n’est pas fait pour légiférer à la hâte.

L’auteur Gerald Schmitz a dit :

La raison d’être du Parlement n’est pas seulement d’assurer la gestion des affaires de l’État, mais aussi de permettre l’expression de tous les points de vue légitimes. Le gouvernement a le droit et le devoir de gouverner. Quant à l’opposition, si elle croit que l’intérêt public est en jeu, elle a le droit et le devoir de contrecarrer l’action et la politique gouvernementales, en se servant de tous les mécanismes parlementaires légitimes dont elle dispose.

J’invite les sénateurs qui ont du mal à accepter une opposition conservatrice au Sénat à réfléchir à l’autre possibilité. Si le point de vue des Canadiens qui ne soutiennent pas les libéraux de Trudeau et qui représentent près de 80 % de la population n’est pas exprimé ici, à quoi sert donc le Sénat? Ces huit électeurs sur dix poseront la question suivante : pourquoi payons-nous 130 millions de dollars par année pour une institution qui ne fait que reprendre les discours du gouvernement Trudeau? Pourquoi ne pas simplement l’abolir? Je n’ai pas de réponse à cette question. Parfois, je me demande si le plan secret de Justin Trudeau n’était pas de se débarrasser du Sénat, de le rendre si peu pertinent que son abolition ne serait qu’une mesure d’économie que pratiquement personne ne remarquerait.

(1710)

Pour l’instant, du moins, on peut compter sur les sénateurs conservateurs pour relever le niveau du débat, mais imaginons ce que ce serait de n’avoir que des partisans de Trudeau ici pour débattre de la qualité de ses politiques. Cette facture de 130 millions de dollars paraîtrait horrible, n’est-ce pas?

Enfin, je tiens à souligner un autre fait au sujet de l’opposition au Sénat. Le caucus de l’opposition doit avoir des liens avec un parti politique, tout comme le caucus du gouvernement doit avoir des liens avec le parti au pouvoir. Ces liens peuvent être libres. Il peut simplement s’agir d’une adhésion au parti en tant que sénateur — comme c’était le cas des libéraux en 2014-2015 —, mais il doit y avoir des liens, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, pour s’appeler l’opposition du gouvernement, il faut non seulement s’y opposer de temps à autre sur des questions précises, mais aussi vouloir prendre la place du gouvernement. Chaque jour, l’opposition tente de convaincre l’électorat qu’elle doit former le gouvernement. Ce rôle est fondamental dans notre système.

Le distingué parlementaire canadien Stanley Knowles disait ceci :

Au Parlement, l’opposition devrait se comporter de façon à convaincre la population qu’elle pourrait faire mieux que le parti au pouvoir. [...]

Seul un groupe lié à un parti qui veut remplacer le gouvernement peut jouer le rôle de l’opposition au Sénat. C’est pourquoi notre Règlement est ainsi rédigé. Le fait d’être lié à un parti politique confère également au gouvernement et à l’opposition une légitimité supplémentaire. Je cite le sénateur Gold dans son discours :

L’argument de l’opposition mérite d’être pris au sérieux. Si l’on prétend parler au nom du gouvernement, il devrait y avoir un lien avec le gouvernement, car je représente un gouvernement qui a été élu et qui représente la population.

Les sénateurs conservateurs prennent la parole et déclarent : « Nous parlons au nom de 6 millions », peu importe le nombre de Canadiens qui ont voté pour eux, et ils ont raison de le dire parce qu’il y a un lien entre les deux. Lorsqu’ils disent « Je parle au nom des Canadiens », ils représentent un parti qui le fait.

C’est une autre raison pour laquelle il est erroné de mettre le Groupe des sénateurs indépendants sur le même pied que l’opposition, soit aujourd’hui les conservateurs, demain les libéraux ou le NPD.

Permettez-moi de revenir à la motion qui nous est soumise. Elle contient trois types de modifications du Règlement.

Le premier type de modification du Règlement, c’est l’introduction de tous ces nouveaux termes bidons dont le gouvernement est si friand. Ma réaction à ces changements est la suivante : pourquoi? Si le sénateur Gold veut se qualifier de représentant, d’agent spécial, d’exécuteur, de négociateur, de mendiant en chef ou de grand Pooh-Bah, c’est son privilège.

Le sénateur Housakos : Le maître du Sénat.

Le sénateur Plett : Peu importe comment il choisit de se présenter ou de se nommer, selon les règles, il est et demeurera tout simplement le leader du gouvernement au Sénat. Bien franchement, il est ridicule de changer les règles pour répondre à ce besoin étrange de trouver un nouveau terme pour désigner la même réalité.

Deuxièmement, il y a des modifications à certaines dispositions en particulier, notamment en ce qui concerne la suspension du soir ou les questions inscrites au Feuilleton. Bien que je n’appuie pas ces changements, je reconnais qu’ils peuvent avoir du bon. Ils méritent certainement une étude et un débat approfondis. Je suis navré que le gouvernement ait refusé de donner la possibilité au Comité du Règlement de se pencher sur ces changements et, surtout, qu’on ne nous permette pas de réfléchir aux conséquences imprévues.

D’ailleurs, je suis presque tombé en bas de ma chaise quand j’ai vu que le Comité du Règlement a une réunion prévue le 7 mai pour se pencher — je vous le donne en mille — sur les réponses différées et les réponses aux questions écrites. C’est ahurissant. Je ne sais pas trop quoi en penser. Allons-nous tenir deux débats de façon concurrente? Quoi qu’il en soit, je crois que cela montre clairement que le sénateur Gold veut précipiter les choses et qu’on veut aller de l’avant sans savoir ce qu’on fait.

Enfin, le gouvernement a décidé de mettre le Groupe des sénateurs indépendants au même niveau que le gouvernement et l’opposition et d’accorder certains pouvoirs symboliques au Groupe des sénateurs canadiens et au Groupe progressiste du Sénat. Ils font tout pour que ces changements soient adoptés — c’est du moins le cas de leurs leaders — même s’ils n’en tirent rien.

Je cite le sénateur Gold dans son discours :

Il s’agit de l’élément central de cette initiative, de sa raison d’être, de son ADN. C’est comme l’objet d’un projet de loi. On ne peut pas renoncer à certaines choses, si je peux me permettre cette analogie, sans détruire le projet de loi. Si c’était une mesure législative, ce serait irrecevable dans cette situation.

C’est là que cette motion me pose un gros problème. En mettant le groupe des sénateurs indépendants sur le même pied que le gouvernement et l’opposition, cette motion crée un déséquilibre au Sénat. N’oubliez pas que le modèle de Westminster est basé sur le fait qu’il y a un équilibre entre les droits et privilèges du gouvernement et les droits et privilèges de l’opposition. Ainsi, en accordant une partie des privilèges de l’opposition à d’autres groupes, la motion dilue les pouvoirs de l’opposition. Un droit détenu par quelques-uns est un privilège. Un droit détenu par tous n’est rien d’autre qu’un droit.

Cependant, la manœuvre du gouvernement est plus sournoise qu’une simple attaque contre l’opposition. En créant une troisième force dotée des mêmes pouvoirs et privilèges, cette motion crée soit un deuxième caucus du gouvernement, soit un deuxième caucus de l’opposition. Le troisième groupe soutiendra ou non les objectifs de politique générale du gouvernement. S’il les soutient, il fera partie du gouvernement. S’il s’y oppose, il fera partie de l’opposition.

Avec la modification au Règlement, le gouvernement Trudeau peut compter sur deux groupes pour l’aider à orienter le Sénat : le bureau du représentant du gouvernement au Sénat, et le Groupe des sénateurs indépendants, qui compte 41 sénateurs, dont 38 ont été nommés par Justin Trudeau et 3 par Jean Chrétien. Nous savons tous qu’ils continueront à appuyer fidèlement les libéraux jusqu’à la fin de leur mandat, comme ils l’ont fait jusqu’à maintenant.

Comme le sénateur Gold l’a déclaré lors d’une réunion du Groupe des sénateurs indépendants : « N’oubliez pas qui vous a nommé. » C’est ce qu’a dit le sénateur Gold lors d’une réunion du Groupe des sénateurs indépendants. Jusqu’aux prochaines élections, la sénatrice Saint-Germain sera de facto la deuxième leader du gouvernement sans avoir l’obligation de répondre pendant la période des questions. Il est étonnant de constater que nous savons des choses que vous avez dites et qui n’étaient pas censées être publiques.

Mon intuition me dit qu’une grande majorité des sénateurs nommés par Trudeau se souviendront de qui les a nommés longtemps après qu’il aura démissionné ou qu’il aura été chassé par les Canadiens. Ils défendront son héritage contre les changements qu’apportera Pierre Poilievre. Nous assisterons au retour du caucus libéral au Sénat, qui constituera l’opposition officielle. Ils pourraient même être invités à se joindre au caucus libéral national, dont la taille sera sans doute alors bien modeste.

Le sénateur Housakos : Ils pourraient avoir besoin de tous les sénateurs.

Le sénateur Plett : Je pense qu’ils pourraient mettre les autres à la porte. Et je suis certain que le Groupe des sénateurs indépendants restera debout, peut-être sous un nouveau nom. Qui sait? Les noms changent ici. Ils ne soutiendront pas les politiques de Pierre Poilievre. Ils constitueront une deuxième opposition au sein du Sénat du Canada. Les modifications apportées au Règlement par la motion no 165 leur donnent les moyens de le devenir.

Cette deuxième opposition pourra manœuvrer sans aucune rigueur politique concrète. Le nouveau chef libéral n’aura pas à répondre des actes de ce groupe. Aucun député libéral ne paiera un prix politique si ce groupe bloque ou rejette un projet de loi. Il pourra prendre des positions impopulaires, défendre les idées de Trudeau, même contre le nouveau chef libéral, et n’aura aucun compte à rendre. Ce groupe demeurera en embuscade au Sénat, prêt à s’opposer au programme législatif de Pierre Poilievre.

Chers collègues, je suis sûr que la plupart d’entre vous pensent que j’exagère. Pour être franc, j’espère que c’est le cas. J’espère me tromper. En outre, j’espère que, après les élections, vous accepterez la volonté du peuple canadien et que vous ne retarderez l’adoption d’aucun projet de loi renvoyé ici par la Chambre élue, soit le Parti conservateur du Canada. Or, je crains que l’histoire ne se répète et que les sénateurs nommés par Justin Trudeau n’agissent comme les sénateurs nommés par Pierre Elliott Trudeau l’ont fait entre 1984 et 1991 : ils vont semer autant d’embûches sur le parcours de Pierre Poilievre que leurs prédécesseurs en ont semées sur celui de Brian Mulroney.

(1720)

Permettez-moi à présent de passer en revue la motion et d’expliquer ce que ces changements signifient pour le Sénat.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, en contournant le processus normal d’étude des nouvelles règles une à une en comité, le sénateur Gold nous prive de la possibilité d’examiner attentivement l’incidence des changements. C’est triste parce que ces nouvelles règles auront des conséquences imprévues. Ceux d’entre vous qui seront encore ici dans trois ou cinq ans se rendront compte qu’ils ont été dupés.

Tout d’abord, le sénateur Gold a décidé de réduire la suspension du soir d’une heure et de la faire passer de 19 à 20 heures. Nous ne saurons jamais pourquoi il a choisi cette plage horaire au lieu de celle de 18 à 19 heures ou de 18 h 30 à 19 h 30, étant donné qu’il a décidé de faire fi de la procédure normale.

Le sénateur Housakos : On lui a dit de le faire.

Le sénateur Plett : Comme les sénateurs le savent, la suspension du soir est très souvent utilisée pour organiser des réunions de caucus afin de discuter de la stratégie pour la soirée. En fait, le sénateur Gold a fait circuler en mars un « argumentaire » sur les modifications du Règlement qui permettraient aux whips de demander une prolongation de la suspension du soir pour tenir les réunions de caucus. Cela ne figure pas dans la motion. Pourquoi? Nous ne le savons pas. Peut-être que le gouvernement ne veut pas que les sénateurs puissent se réunir et discuter de la manière dont ils pourraient s’opposer à ses mesures législatives. Cela lui faciliterait la tâche.

De plus, pour les sénateurs, la suspension du soir est un bon moment pour rencontrer les parties prenantes. Il y a souvent des intervenants qui me demandent : « Monsieur le sénateur, à quelle date pouvons-nous nous rencontrer? » Maintenant, je peux presque toujours dire : « Je peux vous rencontrer le mardi, de 18 heures à 20 heures, ou peut-être le jeudi, de 18 heures à 20 heures. » Je sais que ce sont les périodes où il y aura de la disponibilité. Pour ceux d’entre nous qui travaillent fort ici, c’est souvent le seul temps libre que nous avons dans une journée remplie de réunions de comité et de séances à la Chambre haute. Le gouvernement aimerait peut-être que les sénateurs aient moins de temps pour rencontrer les parties prenantes. Encore une fois, cela lui faciliterait la tâche.

Le sénateur Housakos : Ils peuvent rentrer à la maison plus tôt.

Le sénateur Plett : Je sais que je suis de la vieille école sur cette question, mais, pour moi, la suspension du soir fait partie intégrante du rôle de « second examen objectif » du Sénat. Tous les sénateurs sont tenus d’assister à toutes les séances et de rester pendant toute la durée des débats. Or, nous ne le faisons pas. Chers collègues, la situation les jeudis, l’après-midi et le soir, est honteuse. Le jeudi, à 18 heures, je vois les gens se précipiter à l’aéroport pour prendre leur avion qui décolle une demi-heure plus tard.

Nous avons été nommés au Sénat pour travailler. Nous sommes généreusement rémunérés par les contribuables canadiens pour être ici et faire notre travail. Je vois cette disposition comme une façon de nous permettre de quitter le Sénat au plus tard à 19 heures. Tous les sénateurs sont tenus d’assister à toutes les séances et de rester pendant toute la durée des débats. C’est pour cette raison que nous n’avons pas de circonstances exceptionnelles; c’est pourquoi nous ne tenons pas de réunion de comité pendant que le Sénat siège. Pourtant, on nous demande de le faire constamment. Non. C’est un moment où nous sommes censés être ici.

Faire une pause après une longue journée pour permettre aux sénateurs de se préparer en vue d’une soirée de débat ne me semble pas une perte de temps, pour reprendre encore une fois les mots de la sénatrice Lankin. Le gouvernement ne veut peut-être pas que les sénateurs soient préparés. Le gouvernement n’a peut-être pas toutes ces mauvaises intentions, mais, à part permettre aux sénateurs de se coucher plus tôt, à quoi cela servira-t-il?

Combien de fois au cours des cinq dernières années, chers collègues, le Sénat n’a-t-il pas réussi à épuiser l’ordre du jour avant minuit en raison de la suspension du soir? Ce pourrait être le cas ce soir.

Avec cette mesure, le Sénat n’accomplira pas plus de choses, il siégera simplement moins longtemps. Réduire la suspension du soir d’une heure ne réduit pas les pertes de temps, comme l’a dit la sénatrice Lankin, mais simplement le temps consacré aux travaux du Sénat par les sénateurs. Soyons au moins honnêtes sur ce point.

Une voix : Le Sénat s’ajournera plus rapidement.

Le sénateur Plett : La deuxième question que la motion cherche à aborder est celle des réponses différées et des questions inscrites au Feuilleton.

Vous remarquerez que les libéraux proposent ces changements après plus de 8 ans au pouvoir. Ils se contentaient de ne pas répondre aux questions lorsqu’ils étaient au pouvoir, mais à la veille de leur retour sur les banquettes de l’opposition, ils veulent maintenant qu’on oblige le gouvernement à répondre aux questions. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune volonté de le faire. Je n’ai pas reçu de réponse du sénateur Gold depuis je ne sais combien de temps. Devinez quoi : les libéraux n’avaient pas besoin de modifier le Règlement pour répondre aux questions. Tout ce dont ils avaient besoin, c’était de la volonté de le faire.

Le gouvernement se donne huit mois de plus pour répondre à des questions qui figurent déjà au Feuilleton. Manifestement, le sénateur Gold pense que le gouvernement Trudeau est un cas désespéré en ce qui concerne la transparence et qu’il appartiendra à un gouvernement Poilievre de respecter correctement le Sénat et de fournir des réponses en temps voulu.

À l’article 5 de la motion, le sénateur Gold donne le droit au gouvernement de se soustraire à l’obligation de fournir une réponse en déposant simplement une explication de la raison pour laquelle une réponse ne peut être fournie. Pourquoi le Sénat devrait-il permettre cela? Le gouvernement n’a pas ce droit à la Chambre des communes ni dans la Loi sur l’accès à l’information. Pourquoi les sénateurs devraient-ils être traités différemment des députés? Comment se fait-il qu’au Sénat de Justin Trudeau, un « je ne peux pas répondre » soit considéré comme une réponse en vertu de ces nouvelles règles?

En parlant de traiter les sénateurs différemment des députés, le gouvernement dispose de 45 jours pour répondre à leurs questions, mais aurait 60 jours pour répondre aux nôtres. Comment cela se fait-il, sénateur Gold? Nos questions sont-elles plus difficiles à traiter?

Le sénateur Housakos : Évidemment.

Le sénateur Plett : Ce doit être la raison. Sont-elles moins importantes?

Le sénateur Gold a tenté d’expliquer que c’est parce que le gouvernement doit fournir des réponses différées au Sénat. J’ai deux objections à cela. Premièrement, le gouvernement n’a pas l’obligation de promettre des réponses différées. C’est son choix, et en faire une excuse pour un délai de réponse plus long ne tient pas la route. Deuxièmement, pourquoi le fait de devoir fournir des réponses différées justifierait-il de prendre plus de temps pour répondre à une question écrite? N’y a-t-il pas assez de fonctionnaires pour répondre à nos questions? Dans quelle proportion avons-nous élargi la fonction publique au cours des huit dernières années?

Le sénateur Housakos : D’environ 40 %.

Le sénateur Plett : Le gouvernement réalise-t-il qu’il sera submergé de questions?

Soyons sérieux. Rien ne justifie qu’il y ait ici un plus long délai qu’à la Chambre des communes. Encore une fois, le sénateur Quinn a posé la question, mais le sénateur Gold a refusé d’y répondre. Accepteriez-vous un amendement? Vous en aurez l’occasion.

En outre, la motion du sénateur Gold limite les sénateurs à quatre questions. Pourquoi quatre? Pourquoi pas cinq ou six?

Pour conclure à ce sujet, j’ai présentement 92 questions inscrites au Feuilleton — eh bien, le chiffre vient de changer, parce qu’on m’a donné quelques réponses aujourd’hui. Pour simplifier les choses, disons que j’ai presque 92 questions inscrites au Feuilleton présentement. Certaines de ces questions y sont inscrites depuis novembre 2021.

Le sénateur Housakos : C’est incroyable.

Le sénateur Plett : La motion du sénateur Gold comprend une mesure provisoire pour ces questions. Comme je l’ai dit, le gouvernement se donne six mois supplémentaires avant le début du délai de 60 jours. J’attends certaines réponses depuis 30 mois, et le gouvernement veut maintenant ajouter huit mois, après quoi il répondra probablement quelque chose comme : « Nous ne pouvons pas répondre à cela. » Ce n’est pas sérieux. C’est une blague, sénateur Gold, une vraie farce.

Encore une fois, le sénateur Gold affirme vouloir faire une chose, mais il fait plutôt le contraire. Il laisse entendre que sa motion aiderait les sénateurs à obtenir plus de réponses à leurs questions en temps opportun. C’est faux. Cela permettra plutôt au gouvernement de donner une réponse évasive pour se soustraire à ses obligations. Le gouvernement se donne huit mois pour répondre à des questions qui, dans certains cas, ont été posées il y a plus de 30 mois.

Enfin, la motion impose une limite ferme quant au nombre de questions qu’un sénateur peut poser. C’est une honte! C’est cela, la démocratie?

Le sénateur Housakos : Le Sénat indépendant.

Le sénateur Plett : Honorables collègues, ce que le sénateur Gold propose aux sénateurs n’est pas aussi avantageux qu’il veut nous le faire croire. Je suis certain que, dans quelques années, certains d’entre vous regretteront profondément ces changements.

(1730)

Passons à une autre question : la limitation du temps de parole. À la partie 7 de sa motion, le sénateur Gold accorde au leader du Groupe des sénateurs indépendants un temps de parole illimité. Pourquoi est-il nécessaire d’accorder un temps de parole illimité à un troisième leader?

À la Chambre des communes, le chef du Bloc québécois, le troisième parti, ne dispose pas d’un temps illimité. Je soupçonne que cela permettra au leader du Groupe des sénateurs indépendants de jouer le rôle de leader suppléant du gouvernement ou de leader suppléant de l’opposition, comme je l’ai déjà souligné. Tant que les libéraux seront au pouvoir, deux leaders soutenant le gouvernement auront ce privilège.

Dès que les conservateurs arriveront au pouvoir, deux leaders opposés au gouvernement disposeront d’un temps de parole illimité. Bien que le sénateur Gold ait expliqué qu’il s’agissait d’une mesure d’équité, nous ne sommes pas naïfs, sénateur Gold. Ce changement vise à donner aux libéraux un fusil à double canon pour tirer sur les conservateurs — au sens figuré, bien sûr. Voilà pourquoi ce privilège n’est pas étendu aux autres leaders.

Le sénateur Gold était heureux de noter dans son discours que « [p]our les autres leaders et facilitateurs, le temps de parole serait porté à 45 minutes ».

Le problème, c’est qu’aux termes de l’article 6-3(1)a) du Règlement, ils disposent déjà d’un temps de parole de 45 minutes. Merci, sénateur Gold. Il vous l’a accordé deux fois. À cet égard, la motion du sénateur Gold avantage le leader du Groupe des sénateurs indépendants et personne d’autre. Aux membres du Groupe progressiste du Sénat et du Groupe des sénateurs canadiens, tenez-vous-le pour dit : vous êtes en train d’être sacrifiés, tout comme nous.

À la partie 9 de la motion, le sénateur Gold réduit du tiers le temps de parole accordé au leader de l’opposition pour discuter de la fixation d’un délai. Il nous prive du droit de parler de la fixation d’un délai. Une telle motion est probablement la manœuvre procédurale la plus radicale que le gouvernement puisse faire au Sénat.

Il s’agit, bien entendu, d’imposer une camisole de force à l’opposition lorsqu’elle ralentit un débat sur une question de politique ministérielle, alors que, comme je l’ai dit, c’est l’un des privilèges les plus importants de l’opposition. Pourquoi le gouvernement veut-il réduire le temps accordé à l’opposition pour débattre d’une motion qui vise à couper court au débat? La clôture n’est-elle pas suffisante?

L’opposition compte actuellement 13 sénateurs sur 96. Pourquoi le gouvernement estime-t-il nécessaire de réduire le temps de parole du leader de l’opposition?

Par ailleurs, la motion du sénateur Gold accorde à 5 leaders 20 minutes chacun. Je vous rappelle que quatre d’entre eux ont voté en faveur du dernier budget du gouvernement.

Cela ne laisse que 50 minutes aux autres sénateurs pour s’exprimer sur une motion de fixation de délai, comparativement à 90 minutes actuellement. Une fois qu’un sénateur de chaque groupe est intervenu, il ne reste plus qu’un sénateur de l’opposition qui peut s’exprimer sur une motion de clôture.

Une voix : C’est scandaleux.

Le sénateur Plett : Dans ce contexte, l’égalité entre les groupes n’a aucun sens. Dans une situation où quatre groupes appuient la politique du gouvernement et sont prêts à soutenir la fixation de délai pour mettre fin aux débats parce qu’ils estiment que ceux-ci leur font perdre un temps précieux, les nouvelles règles donneraient à l’opposition un cinquième du temps de parole au cours du débat. J’en profite pour rappeler clairement, chers collègues, que quatre des cinq leaders sont d’accord pour que le sénateur Gold fixe un délai pour la motion dont nous débattons en ce moment.

En quoi serait-il juste d’accorder 2 heures pour soutenir le gouvernement, mais 30 minutes pour s’y opposer? Je vous rappelle, chers collègues, que dans un tel scénario, il ne reste à l’opposition qu’un temps limité pour exprimer son point de vue avant que la volonté du gouvernement ne se concrétise. Comble d’insulte, la motion du sénateur Gold réduirait davantage la capacité qu’a l’opposition de s’exprimer.

Le point suivant de la motion du sénateur Gold porte sur la durée de la sonnerie et la possibilité de reporter les votes. L’article 13 de la motion remplace la règle actuelle sur la durée de la sonnerie : selon cette nouvelle version, le Président devra demander aux représentants de 5 groupes s’ils se sont mis d’accord sur la durée de la sonnerie. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement a choisi d’inclure 5 groupes plutôt que tous les groupes reconnus. Pourquoi faudrait-il demander à 5 représentants différents s’ils se sont mis d’accord, au lieu de le demander au whip du gouvernement?

Je vous rappelle que, de toute façon, il faut le consentement du Sénat pour accepter cet accord. Même selon le Règlement actuel, un groupe qui n’a pas été consulté ou qui n’est pas d’accord sur la durée de la sonnerie pourrait contrecarrer tout accord.

Je ne sais pas ce que cette modification du Règlement ajoute, si ce n’est qu’elle prolonge les débats avant que la présidence puisse convoquer les sénateurs. Le gouvernement Trudeau est un expert de renommée mondiale en matière d’étalage de vertu. Ce n’en est qu’un exemple de plus.

Il prétend donner à certains groupes parlementaires de nouveaux pouvoirs qu’ils ont déjà. Dans son discours, le sénateur Gold a déclaré :

Il faudra obtenir l’accord des whips et des agents de liaison des trois principaux groupes, ainsi que du gouvernement et de l’opposition, pour modifier la durée par défaut de la sonnerie lors des votes par appel nominal. Actuellement, cette procédure est réservée au gouvernement et à l’opposition. La majorité n’est pas représentée.

Comme je l’ai dit, ce n’est pas vrai. Pour modifier la durée de la sonnerie, il faut l’accord de facto de tous les sénateurs. Le sénateur Brazeau et la sénatrice McCallum, qui siègent en tant que sénateurs non affiliés, ont le droit de le faire, de se lever pour exprimer leur désaccord, et il y a une sonnerie d’une heure. Lorsque la présidence demande si on s’est entendu sur la durée de la sonnerie, tous les sénateurs doivent être d’accord.

Ensuite, à l’article 14 de sa motion, le sénateur Gold donne à cinq groupes le droit de reporter le vote. Je ne sais pas pourquoi il pense que des entités autres que le gouvernement et l’opposition auraient besoin de ce droit, si ce n’est que pour allonger la liste des prétendus pouvoirs qui seraient accordés au Groupe des sénateurs indépendants, au Groupe des sénateurs canadiens et au Groupe progressiste du Sénat. Puisque ces modifications portent supposément sur les procédures qui font perdre du temps, je ne suis pas convaincu que le fait d’accorder le droit de reporter le vote à un plus grand nombre de personnes nous fera vraiment gagner du temps.

Puis, il y a les modifications apportées à l’article 17 de la motion qui confèrent le statut de membre d’office des comités à trois autres leaders. Tous les sénateurs peuvent assister aux réunions des comités énoncés à l’article 17. Les trois leaders ont déjà ce droit.

Cette modification porte sur le droit de recevoir des documents et de présenter des motions. Ne serait-il pas plus simple d’avoir une règle permettant aux leaders d’obtenir les documents des comités? En ce qui concerne le droit de proposer des motions, tous les groupes reconnus ont des représentants au sein des comités. Un leader peut être remplacé à tout moment au cours d’une réunion. Cette modification du Règlement est-elle vraiment nécessaire ou vise-t-elle uniquement à tromper les apparences en nous faisant croire que le gouvernement accorde réellement des pouvoirs à des tiers?

Ce changement a des conséquences bien réelles pour le Parti conservateur. Comme je l’ai dit précédemment, nous avons un groupe qui s’oppose au gouvernement libéral et quatre groupes dont une majorité de membres a voté en faveur du gouvernement dans le cadre du vote le plus important, celui portant sur le budget. On peut donc dire que nous sommes à quatre contre un.

Avec ce changement, un comité composé de 12 membres réguliers pourrait voir son nombre de membres augmenter avec 5 membres d’office pour atteindre 17 membres. À l’heure actuelle, les conservateurs disposent de deux sièges au sein de ces comités. La modification au Règlement permettra d’ajouter 3 leaders de groupes soutenant le gouvernement, ce qui fait que le clivage passera de 11 contre 3 à 14 contre 3. Je crois comprendre que les leaders ne voteront pas, mais le temps de parole et la capacité des sénateurs de l’opposition à poser des questions seront réduits.

Plus inquiétant encore pour les conservateurs, les membres d’office sont pris en compte dans le calcul du quorum. Selon le nouveau système du sénateur Gold, il pourrait y avoir une réunion de comité à laquelle seuls le leader du gouvernement et les leaders du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et du Groupe progressiste du Sénat participeraient et il y aurait quorum. Il n’y aurait aucun membre du comité, aucune membre de l’opposition, et le sénateur Gold détiendrait le seul vote.

Chers collègues, est-ce quelque chose que nous souhaitons appuyer? Est-ce quelque chose que le gouvernement a l’audace de nous présenter en pensant que nous ne lirons pas le document? Est‑ce l’idée que le gouvernement se fait d’un processus démocratique? C’est un nouveau concept : l’examen article par article des projets de loi du gouvernement, avec seulement le leader du gouvernement qui vote. Wow!

J’aimerais être ici après les prochaines élections, être le leader du gouvernement et être le seul à voter. Je remporterais tous les votes. Ou du moins, ce serait proche.

(1740)

Ce n’est peut-être pas l’intention du gouvernement, mais c’est l’une des conséquences de cette mesure. Je suis désolé de marteler ce point, mais sauter l’étape de l’étude en comité signifie que nous ne pouvons pas discuter longuement de la façon dont nous pouvons accorder des pouvoirs supplémentaires, comme la réception de documents, à des groupes autres que le gouvernement et l’opposition sans ouvrir la porte à des scénarios où des voix dissidentes pourraient être exclues des délibérations du comité.

Viennent ensuite les réunions de comité. L’article 19 de la motion permettrait aux comités de se réunir un lundi où le Sénat ne siège pas avant un mardi où le Sénat siège. Il pourrait s’agir de jours fériés comme l’Action de grâces ou la fête de la Reine. Est-ce un oubli, ou est-ce que c’est ce que le sénateur Gold a en tête : la capacité de la majorité non conservatrice de forcer un comité à siéger pendant un congé?

De plus, selon le libellé de la motion, n’importe quel comité peut siéger un lundi. Cette mesure ne devrait-elle pas se limiter aux comités qui siègent régulièrement le lundi et à leurs plages horaires habituelles? Autrement, le vendredi, un président pourrait convoquer une réunion le lundi suivant, — ce que les sénateurs n’auraient pas prévu — et ce qui les obligerait à se précipiter pour se rendre à Ottawa.

En quoi est-ce juste, chers collègues?

N’oubliez pas que si vous votez en faveur de cette motion, vous pourriez être la personne qui devra prendre des dispositions un vendredi alors que vous avez prévu quelque chose pour la fin de semaine et vous devrez être ici le lundi.

La motion du sénateur Gold met en place un mécanisme qui permettra aux sénateurs nommés par Trudeau de tenir des réunions du comité en l’absence des conservateurs, et ce mécanisme sera en vigueur non seulement pendant la période d’un an environ où Trudeau restera au pouvoir, mais aussi bien longtemps après les élections.

À l’article 20 de la motion, le sénateur Gold ajoute le Groupe des sénateurs indépendants en tant que comotionnaire de la motion portant création du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. En pratique, qu’est-ce que cela change? Il s’agit simplement d’une réduction symbolique du rôle de l’opposition.

Enfin, à l’article 23 de la motion, le sénateur Gold modifie la définition de l’expression « leader du gouvernement ». C’est assez intéressant.

Dans sa décision du 25 avril 2023, le Président Furey a déclaré que le sénateur Gold est le leader du gouvernement. Il est le chef du parti du gouvernement. C’est pourquoi il pouvait recourir aux dispositions du Règlement du Sénat qui portent sur la fixation des délais.

Soit ce changement est purement pour les apparences — un changement symbolique qui n’a aucun effet en réalité puisque la situation du sénateur Gold correspond à la définition actuelle de « leader du gouvernement » —, soit il y a un réel besoin de changer la définition, et alors c’est un aveu que la décision du Président Furey était sans fondement.

Chaque fois que le sénateur Gold essaie de défendre l’idée d’un chef qui ne fait pas partie du groupe qu’il dirige, ou d’un représentant qui ne soutient pas nécessairement ce qu’il représente, cela me fait penser qu’au fond, il a honte de représenter ce gouvernement inepte, et je ne l’en blâmerais pas. Il essaie de nous faire croire qu’il est une sorte de membre non partisan d’un groupe partisan, qu’il fait partie d’un gouvernement dirigé par un parti politique qu’il soutient plus ou moins. Il assiste aux réunions du Cabinet, mais ne participe pas à ses décisions. C’est un touriste. Le sénateur Gold voudrait nous faire croire qu’il n’est qu’un spectateur, un témoin de l’accident de voiture de Trudeau, comme le reste d’entre nous.

Je suis désolé, mais je n’y crois pas.

En parlant du sénateur Gold, j’aimerais saisir l’occasion pour corriger certaines des inexactitudes de son discours.

Le sénateur Gold a fait référence à plusieurs reprises aux modifications de la Loi sur le Parlement du Canada qui ont été adoptées dans le cadre du projet de loi C-19, Loi no 1 d’exécution du budget de 2022. Dans son discours, il a déclaré :

Pour mettre en œuvre ces changements, l’organisme de réglementation doit adopter des règlements d’application. En d’autres termes, le Sénat doit adopter un ensemble révisé de règles. Autrement, les modifications à la Loi sur le Parlement du Canada demeureront un tigre de papier et une vaine promesse.

Le problème est que ce n’est pas ce que le gouvernement dit depuis trois ans.

Sénateurs, vous vous souviendrez que les modifications incluses dans la loi d’exécution du budget de 2022 ont affecté des crédits supplémentaires à certains des postes de leader du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et du Groupe progressiste du Sénat. Les sénateurs conservateurs n’étaient pas opposés à ces modifications. Elles reflétaient le fait qu’il y a trois groupes organisés dirigés par des sénateurs pour lesquels cela représente des responsabilités supplémentaires. Il est juste qu’ils soient rémunérés comme le sont les leaders des partis qui ne forment ni le gouvernement ni l’opposition à la Chambre des communes.

Le projet de loi C-19 était la troisième tentative de modifier la Loi sur le Parlement du Canada au cours de la présente législature, après que le projet de loi S-2 a été rejeté par le Président de la Chambre des communes et que le projet de loi C-7 n’a jamais abouti. En outre, le gouvernement avait déposé ce projet de loi, alors appelé S-4, au cours de la dernière législature. C’est aujourd’hui le troisième anniversaire du dépôt du projet de loi S-4.

Le gouvernement a donc déposé quatre projets de loi pour apporter ces changements. Ces projets de loi n’ont jamais eu pour conséquence de modifier le Règlement. En fait, il n’a jamais été question de modifications spécifiques au Règlement au cours des délibérations sur ces quatre projets de loi.

Si, comme le dit le sénateur Gold, ces modifications à la Loi sur le Parlement du Canada nécessitaient des changements au Règlement, pourquoi le gouvernement a-t-il attendu trois ans avant de les proposer? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas fait circuler les changements proposés lorsque ces projets de loi ont été débattus?

C’est parce qu’il n’y a aucun lien entre l’augmentation des salaires de certains sénateurs et le contenu de la motion no 165.

Le ministre Dominic LeBlanc a témoigné en mai 2021 devant notre comité plénier dans le cadre du débat sur le projet de loi S-4. Il n’a jamais fait allusion à des changements au Règlement pour donner plus de pouvoirs au Groupe des sénateurs indépendants ou pour diluer les pouvoirs de l’opposition. Permettez-moi donc d’être clair : le sénateur Gold a tort lorsqu’il affirme que ces changements sont liés à la Loi sur le Parlement du Canada. Il a inventé cela de toutes pièces.

Une autre inexactitude que l’on trouve dans le discours du sénateur Gold du 18 avril 2024 est l’idée que certains sénateurs ne peuvent pas participer pleinement aux débats. Il a déclaré que « […] le Règlement tel qu’il existe actuellement rend de plus en plus difficile la participation pleine et entière de tous les sénateurs ».

Il a dit que notre système « […] exclut une majorité absolue de sénateurs ».

Je suppose qu’au fond de lui-même, il savait qu’il était allé trop loin, car il s’est ensuite corrigé, reconnaissant que tous les sénateurs sont égaux, et que notre Règlement le reflète. Permettez-moi de faire quelques remarques à ce sujet.

Premièrement, il est faux de dire qu’il y a un frein à la participation des sénateurs et que ceux-ci sont en quelque sorte exclus. Depuis 2016, nous avons toujours trouvé des moyens d’inclure tous les sénateurs. Tout le monde peut siéger à un comité. Tous les sénateurs peuvent intervenir dans le débat sur n’importe quel sujet. Tous les sénateurs peuvent voter comme ils le souhaitent. Tout le monde peut se joindre, ou non, à un groupe, à l’exception des sénateurs nommés par Trudeau qui ne peuvent pas se joindre au caucus conservateur du Sénat. Ce n’est pas en raison du Règlement. Cela a toujours été le cas.

Dans l’édition de juin 2015 de La procédure du Sénat en pratique, on peut lire que :

Les sénateurs qui ne sont pas membres du gouvernement ou de l’opposition peuvent participer à part entière aux travaux du Sénat et être nommés au sein des comités.

C’était en juin 2015, avant que Justin Trudeau soit élu premier ministre et avant que le sénateur Harder devienne le premier représentant de Justin Trudeau au Sénat. C’est un autre exemple de cette manœuvre des libéraux, qui consiste à présenter comme nouvelle une chose qui existe déjà.

Deuxièmement, le fait que votre leader ait un temps de parole illimité — ou pas —, qu’il reçoive plus d’argent — ou pas — et que votre whip puisse faire reporter un vote — ou pas — n’a rien à avoir avec votre capacité à participer pleinement aux travaux du Sénat. La motion no 165 ne vise pas à donner des pouvoirs aux leaders du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens ou du Groupe progressiste du Sénat et elle ne vise pas à donner plus de pouvoirs aux sénateurs non affiliés.

Les sénateurs non affiliés ne doivent pas oublier qu’ils n’obtiennent rien au moyen de cette motion et c’est normal, car ils sont déjà égaux aux autres sénateurs, comme l’a souligné le sénateur Gold lui-même.

Je veux le répéter clairement une fois de plus : le sénateur Gold a tort de prétendre que ces changements donneront à certains sénateurs l’occasion de participer plus pleinement aux travaux du Sénat, parce que tous les sénateurs peuvent déjà participer à toutes les activités et les changements proposés ne changeront rien à la capacité des sénateurs non affiliés de participer aux travaux du Sénat.

Le sénateur Gold a dit dans son discours que l’un des objectifs de cette règle est de rendre le Sénat moins partisan. Comme je l’ai expliqué plus tôt, rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.

La modification unilatérale du Règlement par le sénateur Gold est une manœuvre partisane, et c’est une première dans l’histoire du Canada. Je suis certain que ça lui démange d’en rajouter et d’imposer la fixation de délai pour s’assurer que ses désirs deviennent des réalités. Ce n’est pas vraiment un bon départ pour ce nouveau Sénat moins partisan que vous voulez.

Vous verrez que le Groupe des sénateurs indépendants se transformera en un nouveau caucus libéral au Sénat, comme je l’ai déjà dit. Il n’y aura pas moins de discours partisans; c’est simplement que le point de vue des libéraux sera exprimé deux fois.

(1750)

Lorsque le gouvernement de Pierre Poilievre tentera de faire adopter ses projets de loi, ces deux caucus libéraux travailleront sans aucun doute à l’unisson contre lui. Ce sera le retour à la nature excessivement partisane du Sénat, quand le gouvernement en place est confronté à une opposition majoritaire et déterminée au Sénat, comme en 1896, en 1911 et en 1984, pour ne citer que quelques exemples. Rien dans les changements proposés ne réduira la partisanerie à ce moment-là. Au contraire, les nouvelles règles ne feront que l’exacerber.

Je tiens encore une fois à être bien clair : le sénateur Gold a tort de prétendre que ces changements réduiront la partisanerie au Sénat.

Toujours sur l’analyse de son discours du 18 avril, j’ai été surpris d’entendre le sénateur Gold prétendre que l’opposition est un concept relativement nouveau au Sénat.

Le fait que la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1867 contenait les noms de conservateurs et de libéraux devant être nommés sénateurs est la preuve qu’il n’y a jamais eu d’intention d’avoir un Sénat non partisan. La reine Victoria aurait pu nommer des hommes non affiliés à des partis politiques, ou du moins faire comme Justin Trudeau et prétendre le faire. Elle a fait le contraire. Les libéraux ont siégé dans l’opposition pendant les deux premiers mandats. Quand Alexander Mackenzie et les libéraux sont arrivés au pouvoir en 1874, les sénateurs libéraux ont fait partie du gouvernement.

Je tiens à rassurer le sénateur Gold en lui disant que le poste de leader de l’opposition au Sénat remonte à 1867. Luc Letellier de Saint-Just — un bon libéral — a été le premier à occuper ce poste. Le poste que j’occupe existe depuis aussi longtemps que celui du sénateur Gold.

Là encore, je veux être bien clair : le sénateur Gold a tort de prétendre que l’opposition au Sénat est un nouveau concept; ses attaques contre l’opposition ne sont qu’un retour aux sources du Sénat.

En ce qui concerne le premier leader de l’opposition, qui est devenu leader du gouvernement au Sénat quelques années plus tard, il était réputé pour avoir la langue bien pendue. Je ne pense pas que le sénateur Gold avait raison lorsqu’il a déclaré que le Sénat n’avait pas été créé dans l’intention de reproduire simplement les arguments très partisans de l’autre endroit. Bien que le hansard ait été rédigé de manière très aseptisée à l’époque, mon équipe m’a montré un extrait de l’une des interventions du sénateur Saint-Just, où il disait de l’un de ses collègues qu’il n’avait « ni l’énergie ni les aptitudes nécessaires », qu’il avait « ruiné la Compagnie de chemin de fer du Grand Tronc », qu’il était « démoniaque » et qu’il était « coupable d’un égoïsme formidable ». Tout cela en un seul discours. Aujourd’hui, des conservateurs ont été priés de quitter la Chambre des communes parce qu’ils ont qualifié le premier ministre de ce qu’il est vraiment : un raciste. Le mythe de l’ancien Sénat rempli de gentlemen débattant courtoisement au-delà de tout esprit partisan n’est rien d’autre que cela : un mythe.

En conclusion — je sais que vous attendiez ces mots —, une chose qui a changé au Sénat sous Justin Trudeau, c’est l’idée que le Règlement doit être modifié par consensus.

Le gouvernement a dit clairement que son programme ne changera pas et qu’il faut limiter le débat. À en croire le gouvernement Trudeau et ses partisans au Sénat, rien n’est plus urgent que de changer le Règlement du Sénat. Les Canadiens attendent avec impatience qu’on change le Règlement. Peu importe si j’ai mille et une choses à dire à ce sujet, les gens attendent ces changements avec impatience. À en croire le gouvernement Trudeau et ses partisans, il n’y a rien de plus urgent. Les Canadiens attendent avec impatience de voir si le sénateur Gold sera en mesure de donner à Justin Trudeau son cadeau de départ : un Sénat contrôlé par ses sénateurs.

Les gens de partout au pays qui doivent attendre des heures aux urgences doivent aussi attendre avec impatience de savoir si la sénatrice Saint-Germain aura plus de 45 minutes de temps de parole. C’est un enjeu important pour les gens de partout au pays. Les gens qui font la file à la banque alimentaire se demandent sûrement si le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens ont le droit de reporter un vote. Les gens qui produisent leur déclaration de revenus aujourd’hui doivent se dire qu’ils sont très heureux de payer autant d’impôt sur le revenu et que, bientôt, au Sénat, plus de sénateurs auront plus de temps pour faire l’éloge de Justin Trudeau.

Au deuxième jour du débat, avant même qu’un deuxième sénateur n’ait eu la possibilité de s’exprimer, le gouvernement menace de recourir à la fixation de délai. Au lieu de nous permettre de présenter des amendements, le sénateur Gold utilisera la méthode forte pour clore le débat. Son idée est faite : il fera adopter cette motion coûte que coûte.

La seule bonne nouvelle, comme je l’ai dit, c’est qu’on peut espérer qu’il s’agit de la dernière attaque du gouvernement Trudeau contre le Sénat. Les Canadiens attendent ce changement avec impatience, ces mêmes personnes aux urgences, qui font la file à la banque alimentaire ou qui sont en train de remplir leur déclaration de revenus à la maison n’en peuvent plus d’attendre. En fait, ils attendent tout autre chose : les Canadiens donneront bientôt un mandat écrasant à Pierre Poilievre et aux conservateurs pleins de bon sens, qui pourront alors nommer des sénateurs chargés de réparer ce Sénat brisé et fracturé. La tâche qui les attend est colossale, mais je suis convaincu que les sénateurs qui seront toujours en poste comprendront le bon sens et décideront qu’il nous faut un Sénat plus efficace, indépendant et responsable, au service de tous les Canadiens.

Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

L’honorable Percy E. Downe : Je me demande si le sénateur Plett accepterait de répondre à une question.

Le sénateur Plett : Le sénateur Plett répondra volontiers à une question.

Le sénateur Downe : Sénateur, je partage votre point de vue sur les impacts à long terme que ces changements auraient sur le Sénat, mais j’aborde la question sous un angle différent. À la lumière de l’histoire récente du Canada, je crains qu’en cas de changement de gouvernement — comme vous le savez, un gouvernement est élu et réélu… Les gens sont à l’aise maintenant que le Sénat compte un si grand nombre de sénateurs nommés par le gouvernement actuel, mais cela changerait. D’après mon expérience, et probablement d’après la vôtre aussi, les choses changent avec une rapidité surprenante. Les gens partent pour toutes sortes de raisons : une situation personnelle, un membre de la famille qui a besoin d’eux à la maison, voire le désenchantement par rapport aux décisions du gouvernement au pouvoir, soit parce qu’ils ont un point de vue différent, soit parce qu’ils sont d’un autre parti. Le taux de roulement au Sénat est élevé; personne ne peut prédire l’avenir, mais si les conservateurs remportent les élections, il y aura des changements.

Des changements deviennent possibles. Comme je ne vois pas l’équation sous le même angle que vous, je pense aux changements que votre parti pourrait apporter, puis je les multiplie par deux, et c’est mon pire cauchemar. Cependant, cela est fait parce que nous changeons ce qui, comme vous l’avez bien noté, a toujours été une formule de consensus depuis 1867.

Ma question est la suivante : compte tenu de l’intérêt de la majorité des sénateurs pour certaines modifications au Règlement, et compte tenu de la frustration que de nombreux sénateurs ressentent parce que ce Règlement n’a pas été modifié, pouvez-vous et voulez-vous entamer des négociations au cours des prochaines semaines afin de déterminer quels changements seraient acceptables pour votre groupe parlementaire alors que nous orientons le Sénat dans une autre direction?

Le sénateur Plett : Je vous remercie, sénateur Downe. La réponse courte est oui. Toutefois, permettez-moi d’apporter quelques précisions. Premièrement, votre pire cauchemar est mon rêve le plus fou. Au moins, nos subconscients seront occupés par le même problème.

Oui, je serais tout à fait disposé à le faire, et nous l’étions. Je suis convaincu que certains membres du Comité du Règlement vous diront dans le cadre du débat que des concessions ont été faites pendant les travaux du comité. Toutefois, pour le sénateur Gold, c’est tout ou rien, comme il l’a clairement exprimé. Il y a un certain nombre de points sur lesquels nous sommes prêts à négocier. Lors d’une réunion de Comité du Règlement à laquelle j’ai participé il y a quelques semaines, j’ai clairement dit que je suis tout à fait favorable à certaines des modifications proposées. Toutefois, ce n’est pas la façon de faire. C’est tout ou rien. Aujourd’hui encore, je l’ai entendu à d’autres réunions auxquelles j’ai assisté : c’est une question de vie ou de mort. C’est aujourd’hui ou jamais. Tout ce qui est proposé doit être adopté dès maintenant. Ce n’est pas ainsi qu’on procède, sénateur Downe. Je pense que vous en conviendrez à tout le moins. Merci.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Français]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

La sanction royale

Son Honneur la Présidente informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 30 avril 2024

Madame la Présidente,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 30 avril 2024 à 18 h 5.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire du gouverneur général,

Ken MacKillop

L’honorable

La Présidente du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 30 avril 2024 :

Loi instituant le Jour commémoratif de la pandémie (projet de loi S-209, chapitre 7, 2024)

Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation (projet de loi C-29, chapitre 8, 2024)

[Traduction]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par substitution, aux mots « leader du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement » dans les articles 2-4(2), 3-6(2), 4-3(1), 4-8(1)a), 5-7m), 6-5(1)b), 12-5a), 12-23(2) et (3), et 14-1(2);

2.aux articles 3-3(1) et (2), 4-2(8)b), et 7-4(2), par substitution, aux mots « 18 heures », des mots « 19 heures » dans les notes marginales, s’il y a lieu, et le texte des articles;

3.à l’article 4-2(2), par substitution, au chiffre 15, du chiffre 18 dans la note marginale et le texte de l’article;

4.à l’article 4-2(8)a), par substitution, aux mots « Si un whip ou le représentant désigné d’un groupe parlementaire reconnu », des mots « Si un whip, un agent de liaison ou le représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu »;

5.par :

a)substitution, aux articles 4-9 et 4-10, de ce qui suit :

« Réponses différées et questions écrites

Réponses différées à des questions orales

4-9. (1) Lorsqu’il répond à une question orale pendant la période des questions, un sénateur peut indiquer qu’une réponse différée sera fournie par écrit conformément aux dispositions du présent article.

Questions écrites

4-9. (2) Sous réserve du paragraphe (5), un sénateur peut soumettre au gouvernement une question écrite ayant trait aux affaires publiques en l’envoyant par écrit au greffier dans l’un des cas suivants :

a) une réponse écrite est demandée;

b) la question vise à obtenir des renseignements d’ordre statistique ou peu faciles à rassembler.

Publication des questions écrites

4-9. (3) Sur réception d’une question écrite, le greffier la fait publier au Feuilleton et Feuilleton des préavis le jour de séance suivant et ensuite le premier jour de séance de chaque semaine jusqu’à la première des éventualités suivantes :

a) une réponse est déposée;

b) une explication écrite de la raison pour laquelle une réponse n’a pas été fournie est déposée;

c) la question est retirée;

d) l’expiration du délai de 60 jours prévu dans le présent article pour une réponse ou une explication.

Retrait d’une question écrite

4-9. (4) Le sénateur qui a soumis une question écrite peut la retirer par la suite en écrivant au greffier, qui fera inclure une note à cet effet au Feuilleton et Feuilleton des préavis la prochaine fois que la question y aurait été publiée.

Nombre maximal de questions écrites

4-9. (5) Un sénateur ne peut soumettre une question écrite s’il en a déjà quatre publiées au Feuilleton et Feuilleton des préavis en vertu des dispositions du paragraphe (3).

Réponse dans les 60 jours

4-9. (6) Dans les 60 jours suivant la date à laquelle le leader ou représentant du gouvernement, ou un sénateur-ministre, indique qu’une réponse différée sera fournie à une question orale conformément au présent article, ou la date à laquelle une question écrite figure pour la première fois au Feuilleton et Feuilleton des préavis, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, dépose soit la réponse du gouvernement à la question, soit une explication écrite justifiant l’absence de réponse.

Dépôt

4-9. (7) Une réponse ou une explication à fournir en vertu du présent article peut être déposée soit pendant les réponses différées, qui sont appelées à la fin de la période des questions, soit auprès du greffier. Une copie de tout document ainsi déposé est remise au sénateur qui a posé la question, et la réponse différée à une question orale est imprimée dans les Débats du Sénat de la date à laquelle le dépôt est inscrit aux Journaux du Sénat.

Absence de réponse ou d’explication

4-9. (8) Si le gouvernement n’a déposé ni réponse ni explication justifiant l’absence de réponse dans le délai de 60 jours prévu au présent article, l’absence de réponse est renvoyée d’office au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour examen et rapport, ce renvoi étant inscrit aux Journaux du Sénat dès que possible. »;

b)la mise à jour des désignations numériques des articles 4-11 à 4-16 actuels à celles des articles 4-10 à 4-15;

6.à l’article 4-13(3) actuel, par substitution, aux mots « est déterminé par le leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « est déterminé par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

7.par substitution, à l’article 6-3(1), de ce qui suit :

« Temps de parole

6-3. (1) Sauf disposition contraire, le temps de parole dans un débat est :

Certains leaders et facilitateurs

a) illimité dans le cas du leader ou représentant du gouvernement, du leader de l’opposition, et du leader ou facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition;

Autres leaders et facilitateurs

b) limité à 45 minutes dans le cas des leaders et facilitateurs autres que ceux prévus à l’alinéa a);

Parrain d’un projet de loi

c) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du parrain du projet de loi, sauf si celui-ci est l’un des sénateurs prévus à l’alinéa a);

Porte-parole d’un projet de loi

d) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du porte-parole du projet de loi, sauf si celui-ci est l’un des sénateurs prévus à l’alinéa a);

Sénateurs désignés

e) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas d’un autre sénateur, désigné séparément par le leader ou facilitateur de chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, à l’exception de ceux auxquels appartiennent le parrain et porte-parole;

Autres orateurs

f) limité à 15 minutes dans le cas de tout autre orateur. »;

8.par substitution, aux articles 7-1(1) et (2), de ce qui suit :

« Accord pour fixer un délai

7-1. (1) Le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer qu’il est arrivé à un accord avec les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus pour attribuer un nombre déterminé de jours ou d’heures pour terminer le débat :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une ou plusieurs étapes, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement devant le Sénat ou en comité.

Motion de fixation du délai convenu

7-1. (2) Dès cette annonce, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, sans préavis, présenter une motion de fixation du délai convenu. »;

9.par substitution, aux articles 7-2(1) et (2), de ce qui suit :

« Aucun accord pour fixer un délai

7-2. (1) Le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer qu’il n’a pu arriver à un accord avec les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné :

a) soit sur un projet de loi du gouvernement à une étape, y compris l’examen en comité;

b) soit sur une autre affaire du gouvernement.

Préavis d’une motion de fixation de délai

7-2. (2) Dès cette annonce, le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement peut donner préavis d’une motion de fixation d’un nombre déterminé de jours ou d’heures pour terminer le débat ajourné, y compris l’examen d’un projet de loi en comité. »;

10. par substitution, à l’article 7-3(1)f), de ce qui suit :

« f) le temps de parole de chaque sénateur est limité à 10 minutes, à l’exception du leader ou représentant du gouvernement, du leader de l’opposition, et du leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, qui disposent chacun de 20 minutes; »

11.à l’article 7-3(2), par suppression des mots « à 18 heures » et des mots « à 20 heures »;

12.à l’article 7-4(5)d), par substitution, aux mots « le whip du gouvernement », des mots « le whip ou agent de liaison du gouvernement »;

13.par substitution, aux articles 9-5(1) à (3), de ce qui suit :

« (1) Le Président demande au whip ou agent de liaison du gouvernement, au whip de l’opposition, et aux whips ou agents de liaison des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, s’ils se sont mis d’accord sur la durée de la sonnerie. En cas d’absence d’un whip ou agent de liaison, son leader ou facilitateur peut désigner un sénateur qui agira pour ces fins.

(2) La durée convenue ne doit pas excéder 60 minutes.

(3) Avec le consentement du Sénat, cet accord sur la durée de la sonnerie vaut ordre de faire entendre la sonnerie pendant la durée convenue. »;

14.par substitution, à l’article 9-10(1), de ce qui suit :

« Report d’un vote par appel nominal

9-10. (1) Sous réserve du paragraphe (5) et sauf autre disposition contraire, le whip ou agent de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition, ou le whip ou agent de liaison de l’un des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, peut faire reporter le vote par appel nominal sur une motion sujette à débat. »;

15.par substitution, à l’article 9-10(4), de ce qui suit :

« Vote reporté au vendredi

9-10. (4) Sauf disposition contraire, si ce vote est reporté au vendredi :

a) le whip ou agent de liaison du gouvernement peut, pendant une séance, le faire reporter de nouveau au jour de séance suivant à 17 h 30 si le vote porte sur un article des affaires du gouvernement;

b) le whip ou agent de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition, ou le whip ou agent de liaison de l’un des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, peut, pendant une séance, le faire reporter de nouveau au jour de séance suivant à 17 h 30 si le vote porte sur un article des autres affaires. »;

16.par substitution, à l’article 10-11(2)a), de ce qui suit :

« a) soit par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, à tout moment pendant une séance; »;

17.par

a)substitution, à l’article 12-3(3), de ce qui suit :

« Membres d’office

12-3. (3) En plus du nombre de membres prévu aux paragraphes (1) et (2), et sous réserve des dispositions du paragraphe (4), le leader ou représentant du gouvernement, le leader de l’opposition, et les leaders ou facilitateurs des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition, sont membres d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance et les comités mixtes. À ce titre, en cas d’absence, le leader ou représentant du gouvernement est suppléé par le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, le leader de l’opposition est suppléé par le leader adjoint de l’opposition, et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu est suppléé par son leader adjoint ou facilitateur adjoint.

Droit de vote des membres d’office

12-3. (4) Parmi les sénateurs qui sont membres d’office des comités conformément au paragraphe (3), seuls le leader ou représentant du gouvernement, et le leader de l’opposition, ou, en cas d’absence de l’un ou de l’autre de ces sénateurs, le sénateur qui le supplée, bénéficient du droit de vote. »;

b)la mise à jour de la désignation numérique de l’article 12-3(4) actuel à celle de l’article 12-3(5);

18.par substitution, à l’article 12-8(2) du Règlement, de ce qui suit :

« Proposition de frais de service

12-8. (2) Dès le dépôt d’une proposition de frais de service par le leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement, celle-ci est renvoyée d’office au comité permanent ou spécial désigné par lui après consultation avec le leader ou le leader adjoint de l’opposition, et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, ou le délégué d’un tel leader ou facilitateur. »

19.par substitution, à l’article 12-18(2) du Règlement, de ce qui suit :

« Séances de comité en période d’ajournement du Sénat

12-18. (2) Sous réserve du paragraphe (3) et sauf autre disposition contraire, un comité du Sénat peut se réunir :

a) pendant une période d’ajournement du Sénat qui dure plus d’un jour mais moins d’une semaine, à condition que ses membres en soient avertis la veille de l’ajournement du Sénat;

b) un lundi où le Sénat ne siège pas qui précède un mardi au cours duquel une séance est prévue;

c) pendant d’autres périodes au cours desquelles le Sénat est ajourné et qui ne sont pas couvertes par les dispositions ci-dessus, à condition que le comité soit convoqué :

(i) soit par résolution du Sénat,

(ii) soit avec l’accord, en réponse à la demande du président et du vice-président, de la majorité des sénateurs suivants, ou de leurs délégués : le leader ou représentant du gouvernement, le leader de l’opposition, et les leaders ou facilitateurs des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition. »;

20.par substitution, à l’article 12-26(1), de ce qui suit :

« Nomination du comité

12-26. (1) Dès que les circonstances le permettent au début de chaque session, le leader ou représentant du gouvernement présente une motion, appuyée par le leader de l’opposition et le leader ou facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition, portant nomination des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs; la procédure de nomination reste la même pour modifier la composition du comité au cours d’une session. Toute motion de nomination est adoptée d’office. »;

21.à l’article 14-1(1), par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

22.à l’article 16-1(8), par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement », aux deux endroits où ils apparaissent;

23.à l’Annexe I :

a)à la définition des « Affaires du gouvernement », par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

b)par substitution, à la définition de « Leader adjoint du gouvernement », de ce qui suit :

« Leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement

Sénateur qui agit en tant que second pour le leader ou représentant du gouvernement et qui est normalement responsable de la gestion des affaires du gouvernement dans la salle du Sénat. Le leader adjoint ou coordonnateur législatif est également normalement responsable de négocier avec l’opposition et les autres partis reconnus et groupes parlementaires reconnus l’ordre des travaux en général. En l’absence du leader adjoint ou coordonnateur législatif, le leader ou représentant du gouvernement peut désigner un autre sénateur pour assurer l’intérim. Le titre complet est « Leader adjoint du gouvernement au Sénat » ou « Coordonnateur législatif du représentant du gouvernement au Sénat ». (Deputy Leader or Legislative Deputy of the Government) »;

c)par substitution, à la définition actuelle de « Leader du gouvernement », de ce qui suit :

« Leader ou représentant du gouvernement

Sénateur qui agit à titre de chef des sénateurs membres du parti du gouvernement, ou qui est nommé par le gouvernement pour le représenter au Sénat sans être affilié à un parti du gouvernement. Selon l’usage actuel, le leader ou représentant du gouvernement prête normalement serment à titre de membre du Conseil privé du Roi pour le Canada et il peut être membre du Cabinet. Le titre complet est « Leader du gouvernement au Sénat » ou « Représentant du gouvernement au Sénat ». (Leader or Representative of the Government) »;

d)dans la définition de « Parrain d’un projet de loi », par substitution, aux mots « le parrain est normalement un membre du gouvernement qui », des mots « le parrain est désigné par le leader ou représentant du gouvernement et »;

e)dans la définition de « Porte-parole d’un projet de loi », par substitution, aux mots « leader ou le leader adjoint du gouvernement », des mots « leader ou représentant du gouvernement, ou le leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement »;

f)par substitution, à la définition de « Procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie », de ce qui suit :

« Procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie

Le Président demande au whip ou agent de liaison du gouvernement, au whip de l’opposition, et aux whips ou agents de liaison des trois partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus qui comptent le plus grand nombre de membres, à l’exception, s’il y a lieu, des partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus auxquels appartiennent soit le whip ou agent de liaison du gouvernement, soit le whip de l’opposition, s’ils s’entendent sur la durée de la sonnerie, qui ne peut excéder 60 minutes. Avec le consentement du Sénat, cette entente constitue l’ordre de faire retentir la sonnerie pour la période convenue, mais en l’absence d’entente ou de consentement, la sonnerie retentit pendant 60 minutes. Dans certains cas prévus au Règlement, la procédure n’est pas suivie et la sonnerie retentit pendant une plus courte période. (Ordinary procedure for determining duration of bells) »;

g)dans la définition de « Projet de loi d’intérêt public », sous « Projet de loi », par substitution, aux mots « (présenté par un ministre ou introduit en son nom) ou d’initiative parlementaire (présenté par un sénateur qui n’est pas ministre) » des mots « (présenté par un ministre, au nom d’un ministre, ou par le ou au nom du leader ou représentant du gouvernement si celui-ci n’est pas ministre) ou d’initiative parlementaire (c’est-à-dire qu’il n’est pas du gouvernement) »;

h)par substitution, à la définition de « Sénateur-ministre », de ce qui suit :

« Sénateur-ministre

Sénateur assermenté au Cabinet. Le leader ou représentant du gouvernement est normalement assermenté en tant que membre du Conseil privé du Roi pour le Canada et peut être membre du Cabinet. (Senator who is a minister) »;

i)à la définition de « Suspension du soir » par substitution, aux mots « entre 18 heures et 20 heures », des mots « entre 19 heures et 20 heures »;

j)par substitution, à la définition de « Whip du gouvernement », de ce qui suit :

« Whip ou agent de liaison du gouvernement

Sénateur responsable de veiller à la présence au Sénat d’un nombre suffisant de sénateurs du parti du gouvernement pour assurer le quorum et la tenue des votes et à qui le leader ou représentant du gouvernement délègue habituellement la responsabilité de gérer la désignation des suppléants pour remplacer les sénateurs du gouvernement qui siègent à des comités au besoin. Le whip ou agent de liaison du gouvernement peut être responsable de la sensibilisation en ce qui concerne les affaires du gouvernement au Sénat. (Government Whip or Liaison) »;

k)par adjonction, selon l’ordre alphabétique, des nouvelles définitions suivantes :

(i) « Agent de liaison du gouvernement

Voir « Whip ou agent de liaison du gouvernement » (Government Liaison) »;

(ii) « Coordonnateur législatif du gouvernement

Voir « Leader adjoint ou coordonnateur législatif du gouvernement ». (Legislative Deputy of the Government) »;

(iii) « Leader adjoint ou facilitateur adjoint

Le sénateur qui agit en tant que second pour le leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu autre que, le cas échéant, les partis reconnus ou groupes parlementaires reconnus dont est membre soit le leader ou représentant du gouvernement, soit le leader de l’opposition. (Deputy Leader or Deputy Facilitator) »;

(iv) « Leader du gouvernement

Voir « Leader ou représentant du gouvernement » (Leader of the Government or Government Leader) »;

(v) « Représentant du gouvernement

Voir « Leader ou représentant du gouvernement » (Government Representative or Representative of the Government) »;

Que tous les renvois et les listes d’exceptions dans le Règlement soient mis à jour pour tenir compte de ces modifications, mais restent autrement inchangés;

Que, en ce qui concerne les amendements aux articles 4-9 et 4-10 actuels, énoncés au point 5 ci-dessus :

1.le nouvel article 4-9(5) ne s’applique pas à toute question écrite soumise avant l’adoption de la présente motion, de manière que seules les questions écrites soumises après l’adoption de la présente motion soient comptées comme si elles étaient sujettes à cette disposition;

2.les dispositions des nouveaux articles du Règlement prennent effet dès l’adoption de la présente motion en ce qui concerne les questions soulevées à partir de ce moment-là, sous-réserve du point 3 ci-dessous;

3.les dispositions des nouveaux articles du Règlement concernant le délai de 60 jours pour répondre aux questions écrites, le dépôt, et l’absence d’une réponse ou d’une explication prennent effet, par rapport aux questions écrites soumises avant l’adoption de la présente motion, à la date qui tombe six mois après l’adoption de la présente motion comme s’il s’agissait de la date où les questions eussent été soumises, à condition que si la session en cours prend fin avant la fin de cette période de six mois, ces dispositions des nouveaux articles prennent effet le dernier jour de la session en cours;

Que, dans les 30 jours que le Sénat siège après l’adoption de cette motion, le Comité permanent de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs présente un rapport au Sénat proposant des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour tenir compte des amendements à l’article 12-26(1) du Règlement énoncés au point 20 ci-dessus.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Plett, dans le cas d’une motion de fixation de délai du gouvernement, les modifications proposées du Règlement prévoient que chaque leader d’un groupe parlementaire disposera de 20 minutes pour prononcer un discours et répondre à des questions. Soit dit en passant, cette disposition ne limite pas les interventions aux cinq leaders de groupe; elle touche « tous » les leaders des groupes reconnus. Les débats sur une motion de fixation de délai étant limités à deux heures et demie, cela signifie que les 100 autres sénateurs, qui ne sont pas des leaders, auront à peine le temps de s’exprimer au cours d’un tel débat. Cela va à l’encontre du principe du Sénat selon lequel tous les sénateurs sont égaux.

Cette modification du Règlement réduit également le temps dont dispose le leader du gouvernement, qui propose la fixation de délai, pour répondre aux questions des autres sénateurs. Cela permet au gouvernement d’éviter de rendre des comptes sur son recours à l’outil le plus draconien pour limiter le débat.

Sénateur Plett, ces modifications du Règlement concernant le débat sur la fixation de délai ne signifient-elles pas que l’opposition ne disposerait potentiellement que de 20 minutes accordées uniquement le leader de l’opposition, sur les deux heures et demie que dure au maximum un débat sur la fixation de délai? Comment peut-on penser que cela permet de demander des comptes au gouvernement sur une mesure aussi draconienne?

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Merci beaucoup, sénatrice Batters. Je suis d’accord avec vous là-dessus. De toute évidence, le gouvernement a recours à la fixation de délai pour faire avancer ses projets de loi. Il n’y a donc qu’un seul caucus au Sénat qui s’oppose aux projets de loi du gouvernement, et les droits de ses membres leur sont retirés à deux égards. Premièrement, je disposerai effectivement, en tant que leader du gouvernement, des 20 minutes qui me sont allouées, mais il se peut fort bien que vous n’ayez pas de temps de parole. Tous les autres sénateurs de notre caucus risquent de ne pas avoir de temps de parole. Donc, l’opposition au Sénat n’aurait pas le temps de s’exprimer. Vous avez raison, le leader du gouvernement aimerait bien, dans ce cas-ci, limiter son temps de parole parce qu’il ne veut pas répondre aux questions. Il va donc épuiser ses 20 minutes, et il n’y aura plus de temps pour les questions.

Comme je l’ai dit dans mon discours, je ne vois vraiment pas comment les quatre caucus qui appuient essentiellement les projets de loi, qui appuient la fixation de délai pourraient avoir tout le temps de parole, tandis que le seul caucus qui s’y oppose n’en a pas. Et tout cela se ferait sous les auspices de la transparence, de l’ouverture et de l’équité.

Je suis tout à fait d’accord et je vous appuie, bien sûr.

La sénatrice Batters : Je vous remercie. Sénateur Plett, comme vous l’avez souligné dans votre discours, en utilisant la motion du gouvernement pour modifier le Règlement, le sénateur Gold escamote l’étude par un comité. Pendant de nombreuses semaines, le Comité du Règlement, dont je suis vice-présidente, a étudié la question de l’équité entre les groupes. Le comité n’est pas arrivé à un consensus au sujet des modifications au Règlement, dont certaines avaient déjà fait l’objet d’une tentative d’adoption forcée.

Bon nombre des modifications les plus mineures contenues dans la motion omnibus à l’étude ont en fait été approuvées par l’opposition conservatrice au sein du Comité du Règlement. Nous avons essayé de séparer les modifications sur lesquelles on a pu s’entendre de la partie plus grande et plus controversée, au sujet de laquelle il n’y avait pas consensus. Nous aurions alors pu parvenir à un accord sur un grand nombre de modifications. J’ai essayé à deux ou trois reprises de proposer cette avenue au comité, mais les sénateurs nommés par Trudeau ont refusé de donner leur accord; pour eux, c’était tout ou rien. Dix-huit mois se sont écoulés depuis. Aujourd’hui, 18 mois plus tard, le gouvernement Trudeau présente une motion omnibus draconienne au Sénat.

Sénateur Plett, à la lumière de tout ce qui s’est passé, êtes-vous d’avis que le gouvernement Trudeau souhaite empêcher l’opposition de faire son travail?

Le sénateur Plett : Encore une fois, je ne peux qu’être d’accord avec vous. J’ai suivi attentivement les travaux du Comité du Règlement. Vous faites de l’excellent travail, et ce, même si je ne souscris pas à certaines propositions que des membres du Comité du Règlement voulaient mettre de l’avant. Je vous félicite, vous, la sénatrice Ataullahjan et les sénateurs MacDonald et Wells, de nous appuyer et de défendre nos intérêts. Cela devient de plus en plus difficile.

Comme le sénateur Gold l’a précisé, je ne veux pas essayer d’attendre un consensus. En fait, je ne ferai aucun effort pour parvenir à un consensus. De toute évidence, comme vous l’avez dit, il y a eu des problèmes dans les travaux du Comité du Règlement même là où il y avait un consensus. Comme je l’ai dit dans mon discours, j’ai eu l’occasion d’être convoqué à titre de témoin, il y a quelques mois. J’avais accepté de participer au sujet de ce que le sénateur Gold nous propose d’intégrer au Règlement. J’ai dit que j’étais favorable lors de cette réunion. Pourtant, toute cette démarche est contournée.

Ce qui aurait dû se produire, à mon avis, sénatrice Batters — bien que je ne suis pas d’accord avec de nombreux éléments de la motion —, c’est qu’elle aurait dû être soumise au Comité du Règlement. Si le Comité du Règlement n’était pas arrivé à un consensus sur un nombre suffisant de points, alors cette motion aurait dû faire l’objet d’un débat approprié au sein du Comité du Règlement, qui aurait pu convoquer des témoins, y compris des experts. D’autres leaders auraient pu être convoqués pour présenter leur point de vue au comité.

Nous n’obtenons rien de cela en ce moment. Le sénateur Gold et Justin Trudeau veulent nous forcer à adopter cette motion de manière précipitée. Ils passent outre le comité. Ils piétinent son président, qui appartient pourtant à leur groupe de sénateurs, et disent : « Le Comité du Règlement n’est pas à la hauteur. Moi, le leader du gouvernement, et moi, Justin Trudeau, savons mieux que quiconque ce qu’il faut faire et nous allons imposer notre solution. Nous ne nous soucierons plus du Comité du Règlement, car il prend trop de temps et il s’attarde trop aux détails. Il tente de relever les problèmes avant de modifier quoi que ce soit et nous ne voulons pas cela. »

L’honorable Leo Housakos : Merci, sénateur Plett.

Ma question porte principalement sur l’obsession du gouvernement à l’égard de la réforme du Sénat et son entêtement à vouloir changer ce qui, à mon avis, fonctionne parfaitement bien. Si quelqu’un pouvait éclairer ma lanterne et me dire quel est le problème qu’on tente de résoudre, je pourrais peut-être alors comprendre l’utilité de cette motion. Le Sénat a deux rôles. Le premier rôle consiste à veiller à l’adoption des projets de loi qui émanent d’un gouvernement légitimement élu, et le second rôle consiste à demander des comptes au gouvernement. Ces dernières années, on a constaté qu’il n’y a qu’un petit groupe de sénateurs qui se préoccupent de demander des comptes au gouvernement, alors que nous avons un gouvernement qui est obsédé par l’idée de changer les règles.

(2010)

La question que je me pose est de savoir pourquoi le gouvernement est si obsédé par la modification des règles et des procédures de cette Chambre du Parlement. La deuxième question que je vous pose... vous avez fait allusion dans votre discours au fait que, depuis 1867, il n’y a jamais eu de modifications des règles de procédure au Sénat du Canada sans un consensus des deux côtés de la Chambre. Est-il déjà arrivé, quelque part dans le monde, que les règles et les procédures d’une Chambre appartenant à la tradition parlementaire de Westminster ont été modifiées unilatéralement par le gouvernement, sans parler de l’utilisation de la fixation de délai pour y parvenir?

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Housakos. Je répondrai d’abord à votre deuxième question. J’ai posé la même question au sénateur Gold : quand cela a-t-il été fait, dans le passé? A-t-on déjà vu pareille chose dans un Parlement qui fonctionne selon le système de Westminster? Avez-vous un exemple? Il n’a pas pu nous donner un seul exemple.

Nous avons fait beaucoup de recherches sur cette question. Vous en conviendrez probablement, mon discours reposait sur quelques recherches. C’était un discours plutôt exhaustif. Mon personnel a fait beaucoup de recherches pour essayer de trouver ne serait-ce qu’un seul exemple. Nous n’y sommes pas arrivés. J’aurais cru que le leader du gouvernement, avant de présenter une motion de la sorte, se serait au moins assuré de pouvoir nous citer un précédent survenu depuis 1867. Il n’a pas pu nous en donner un. Je ne suis pas arrivé à en trouver un.

Votre première question concerne le fait que nous sommes ici pour étudier les projets de loi du gouvernement et je suis d’accord avec vous là-dessus, sénateur Housakos. Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises. Notre rôle est d’essayer d’améliorer les projets de loi du gouvernement, si possible, d’amender ces projets de loi et de les renvoyer à l’autre endroit. Notre rôle n’est pas d’essayer de défaire les projets de loi du gouvernement.

Nous, les conservateurs, respectons les élections. Nous en gagnons certaines, nous en perdons d’autres. Malheureusement, depuis 1867, nous avons perdu plus que nous n’avons gagné, mais nous avons bon espoir que nous remporterons les prochaines. Nous sommes très optimistes à ce sujet. Nous espérons donc que les sénateurs d’en face accepteront les résultats de ces élections, comme nous avons accepté les résultats des élections depuis 2015.

Le gouvernement actuel était au pouvoir depuis huit ans lorsqu’il a présenté sa première motion de fixation de délai dans cette enceinte, car il n’avait jamais eu besoin d’un tel outil avant. Le sénateur Harder corroborerait certainement mes dires, et le sénateur Gold pourrait le faire aussi, à contrecœur, car il a utilisé la fixation de délai pour quelques projets de loi.

En réalité, au cours des cinq ou six dernières années — même si je n’étais pas leader pendant toute cette période; j’étais whip, et je travailler avec notre leader de l’époque —, nous avons réussi à négocier des dates pour les votes sur chaque mesure législative. Nous n’avons jamais garanti que nous allions soutenir les projets de loi du gouvernement, car ce n’est pas notre rôle. Cependant, nous avons négocié des délais. Nous avons négocié des délais, sénateur Housakos, sur des mesures législatives comme les projets de loi C-69, C-48 et C-11. Le gouvernement a fait adopter tous les projets de loi qu’il nous a présentés, à l’exception des deux derniers, et maintenant le sénateur Gold a perdu patience et ne veut plus entendre l’opposition ni tenir un débat en bonne et due forme. À son avis, discuter d’une question pendant quelques heures comme nous l’avons fait ce soir est un débat en bonne et due forme. C’est ce que pense le leader du gouvernement au Sénat.

Pour ce qui est d’en débattre convenablement, même si je n’approuve pas cette approche, j’aurais préféré que le sénateur nous accorde un délai raisonnable en nous disant qu’il veut faire adopter la motion avant l’ajournement pour l’été. Cela aurait été relativement raisonnable et nous aurait permis d’étudier la proposition dans une certaine mesure. Or, il n’est pas de cet avis, et selon lui, deux ou trois heures suffisent pour en débattre convenablement. Comme la sénatrice Batters l’a souligné, on est prêt à fixer un délai et à nous priver de notre droit de parole, y compris pendant le débat sur la fixation de délai, afin de faire adopter cette motion à la hâte.

Tous les projets de loi d’initiative ministérielle qui ont été présentés par ce gouvernement incompétent ont été adoptés rapidement au Sénat. On cherche encore une fois à précipiter les choses avec une attitude rappelant celle de Goliath face à David.

Le sénateur Housakos : Sénateur Plett, le gouvernement actuel a été élu en 2015, puis réélu en 2019 et en 2021 et, comme vous l’avez indiqué à juste titre, l’opposition a été plus qu’accommodante. Nous avons respecté les résultats de ces élections. Le gouvernement a été plus interventionniste en imposant — unilatéralement — à cette Chambre ses plans de réforme du Sénat sans respecter la Constitution. Nous avons acquiescé à toutes ces mesures.

Croyons-nous toutefois que c’est approprié, une fois de plus, à un moment où il change les règles et les procédures en ces derniers jours de son règne? Est-il approprié pour le gouvernement de se présenter dans cette Chambre nommée composée d’une pluralité de sénateurs nommés et de dire « Nous allons recourir à la fixation de délai pour changer les règles de fonctionnement de cette Chambre » à un moment où, manifestement, il perd le soutien — le soutien démocratique — de la population?

Le sénateur Plett : Encore une fois, merci, sénateur Housakos. Très facilement, le sénateur Gold aurait pu au moins dire : « Je vais présenter une motion, et ce sera une motion pour la présente session, un ordre sessionnel. » Mais il s’en moque maintenant. Il a le pouvoir. Il a l’appui des sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants et, en grande partie, de ceux du Groupe progressiste du Sénat et du Groupe des sénateurs canadiens. Il n’a donc pas besoin de ces pouvoirs pour l’instant. Mais il pense à l’avenir et Justin Trudeau aussi. Ils savent que, d’ici un an à un an et demi, ils seront dans l’opposition. C’est pourquoi il s’efforce d’ores et déjà de créer au moins deux partis de l’opposition. Son parti et le Groupe des sénateurs indépendants seront les deux partis de l’opposition. C’est pourquoi il faut faire vite. C’est pourquoi on ne peut pas procéder avec un ordre sessionnel.

Nous verrons si le sénateur Gold nous permettra de présenter des amendements. Pour l’instant, tout porte à croire que nous n’y aurons pas droit. Nous verrons s’il nous autorisera à présenter des amendements afin de déterminer s’il s’agit d’une mesure dont il estime avoir besoin pour faire avancer le programme du gouvernement. Car si c’est tout ce dont il a besoin, nous pouvons le faire sous la forme d’un ordre sessionnel, puis cela s’effondrera au moment des élections, et le prochain gouvernement n’y sera pas tenu.

Cependant, je soupçonne qu’il n’acceptera pas un tel amendement, parce qu’il en a plus besoin pour après les élections qu’avant.

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénateur Plett, en vous écoutant, je me suis demandé si vous pensiez que l’opposition conservatrice avait agi de manière responsable. Après tout, nous étions en mesure de rejeter le premier budget. Je me souviens d’avoir siégé au Comité des finances, le sénateur Harder était alors leader du gouvernement, et nous avons appuyé le budget.

Le sénateur Plett : Encore une fois, sénatrice Ataullahjan, je vous remercie. Votre remarque est excellente. Le fait est que nous croyons qu’il est de notre devoir, en tant qu’opposition, de nous opposer, mais pas de défaire ce gouvernement. Ce n’est pas notre rôle. Notre travail consiste à nous opposer à la mesure législative et, habituellement, à l’amender. Notre rôle n’est pas de défaire le gouvernement. Notre rôle n’est pas de rejeter un budget. Vous avez tout à fait raison. Lors des premiers votes, étrangement, nous avons constaté que certains sénateurs avaient besoin d’aller prendre un café lorsque le budget a été mis aux voix, et ils n’étaient pas toujours de retour en temps voulu pour un vote. Vous avez donc tout à fait raison.

Notre parti a joué son rôle de parti de l’opposition de manière responsable. Je suis là depuis le début du gouvernement actuel, et je pense que nous avons certainement été un parti de l’opposition très responsable. Nous avons des sénateurs tels que la sénatrice Marshall, qui relève les lacunes de ces budgets, et ce, mieux que quiconque au sein du gouvernement. Même après avoir pris connaissance de ces lacunes, nous veillons à ce que le gouvernement ne perde pas de votes sur le budget.

(2020)

Vous avez raison, sénatrice Ataullahjan. Nous sommes plus que conciliants et plus que justes. Nous sommes un parti de l’opposition très responsable.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Plett, vous avez fait beaucoup de recherche. Pouvez-vous me dire s’il existe une autre assemblée législative parlementaire ailleurs dans le monde démocratique où l’opposition ne jouit pas de droits et de privilèges spéciaux?

Le sénateur Plett : Merci, sénatrice Ataullahjan. Comme je l’ai dit plus tôt, j’ai posé cette question au sénateur Gold lorsqu’il a prononcé son discours parce que je n’ai pas été en mesure de trouver des exemples. Le sénateur Gold n’en a pas donné non plus. Si les sénateurs ont des exemples, dites-le-moi, car je ne crois pas qu’il y en ait.

L’honorable Elizabeth Marshall : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Oui, bien sûr.

La sénatrice Marshall : Je comprends ce que vous dites à propos du gouvernement qui tente de faire avancer son programme, mais vous avez parlé dans votre discours de la réduction de la durée de notre pause repas, qui aurait lieu de 19 heures à 20 heures. Je me demande seulement quel est le motif de cette proposition. Nous avons quitté le Sénat à 18 heures. Le temps de trouver un endroit où manger, il est 18 h 10, et 50 minutes ne sont pas suffisantes pour manger et revenir ici. Pourquoi réduire d’une heure la durée de la pause? Pourquoi a-t-elle lieu de 19 heures à 20 heures? Cette période ne semble pas suffisamment longue.

Le sénateur Plett : J’appuie entièrement vos propos, sénatrice Marshall. Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles une pause-repas a lieu de 18 heures à 20 heures, même celle-ci. J’ai réussi à me rendre à une réception qui a eu lieu aujourd’hui sur la Colline, à laquelle participaient des hommes et des femmes en uniforme, des policiers et des policières de partout au pays. Ces personnes sont venues dans bon nombre de nos bureaux. Elles tenaient une réception ce soir et avaient invité bon nombre d’entre nous. Je me suis précipité là-bas. J’ai réussi à manger un peu. Quelques-uns de mes collègues étaient présents.

Nous avons parlé à de nombreux policiers, nous les avons remerciés des services qu’ils rendent à la société et nous nous sommes dépêchés de revenir ici. Il nous a fallu une pause de deux heures. Cela aurait été totalement impossible avec une pause d’une heure.

Pas plus tard qu’hier soir, j’ai rencontré un sénateur qui m’a dit : « Vous savez, je ne me suis jamais rendu compte de ce que vous faites pendant ces pauses pour le souper, parce que je ne fais pas partie d’un caucus comme le vôtre. » Je lui ai expliqué que nous utilisons ce temps pour rencontrer des intervenants dans nos bureaux. Je rencontre des gens du Manitoba qui viennent en visite et qui aimeraient souper avec moi. Habituellement, les mardis et les jeudis, j’ai du temps de 18 heures à 20 heures, parce que c’est l’heure de la pause. Comme vous le savez, nous tenons souvent nos réunions de caucus de 18 heures à 20 heures. Tout cela serait autrement impossible.

À mon avis — et je n’ai entendu personne dire le contraire —, la motion propose de mettre la pause du souper de 19 heures à 20 heures dans l’espoir qu’à 19 heures, nous aurons réglé la plupart des éléments à l’ordre du jour et que nous n’aurons pas besoin de revenir après le souper, puisque nous préférerons ne pas être ici après 20 heures. Je suis payé pour être ici pendant trois jours, du matin jusqu’à minuit. C’est notre horaire de travail, mais ce n’est pas vraiment celui que certains souhaitent. Ils préféreraient travailler seulement pendant les trois quarts de chaque journée et voudraient donc qu’on raccourcisse un peu tout cela.

C’est la seule raison qui semble motiver le changement proposé, à mon avis. Personne n’a réussi à me répondre à ce sujet. Je suis d’accord avec vous. De toute évidence, si vous allez souper au restaurant et que vous devez commander, une heure ne suffit pas. Je suis de votre avis.

La sénatrice Marshall : Serait-ce parce qu’en réduisant d’une heure la pause du souper, nous pourrions tout régler avant minuit? Je crois n’être jamais restée ici jusqu’à minuit. Était-ce la raison du changement, selon vous? Je me le demande.

Le sénateur Plett : Sénatrice Marshall, je pense que le raisonnement était que nous terminerions tout avant 19 heures et que nous retournerions ensuite à la maison. Il est difficile de tout terminer pour 18 heures. Comme vous le savez, sénatrice Marshall, nous n’avons pas été très coopératifs lorsque la Présidente nous a demandé de ne pas tenir compte de l’heure. Nous répondons généralement par la négative. Nous le faisons probablement plus souvent que d’autres sénateurs.

Cela signifie que nous devons revenir à 20 heures, même s’il ne reste qu’une heure de travail. C’est la bonne façon de procéder. Nous ne pouvons qu’espérer que la plupart des travaux soient terminés à 19 heures, de sorte que nous n’ayons pas à revenir du tout.

L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Plett, selon vos recherches, existe-t-il d’autres Chambres dans le monde démocratique où il n’y a pas d’opposition officielle désignée au Sénat, pour le Sénat au gouvernement?

Le sénateur Plett : Non. Comme je l’ai dit plus tôt, sénateur MacDonald, j’espère que, si nous posons la question assez souvent ici, le sénateur Gold prendra peut-être la parole pour poser une question et que sa question nous offrira possiblement une réponse. Jusqu’à présent, je ne l’ai pas vu le faire. Selon mes recherches, il n’y en a pas.

Le sénateur MacDonald : Au Sénat, le Groupe des sénateurs indépendants est présenté comme étant indépendant. À la Chambre des communes, les députés indépendants disposent-ils d’un temps de parole illimité, du droit de reporter les votes ou de tout autre droit conféré à un parti reconnu?

Le sénateur Plett : Non, pas du tout. Encore une fois, sénateur MacDonald, j’essaie de comprendre pourquoi on ferait une telle chose ici, mais je ne suis pas sûr de comprendre quel est le but d’accorder ces pouvoirs à d’autres. Comme l’a souligné à juste titre le sénateur Gold, nous n’enlevons de droits à personne. Eh bien, si on ajoute un demi-verre d’eau à un demi-verre de scotch, ce dernier devient un peu moins fort. C’est la même chose dans le cas présent. Si on accorde les mêmes pouvoirs à quelqu’un, on dilue les pouvoirs de quelqu’un d’autre.

Quoi qu’il en soit, cette règle n’empêche pas notre whip de reporter les votes, mais elle permettra aux autres whips, aux agents de liaison, aux facilitateurs et aux dompteurs de lions de reporter également les votes.

Je ne sais pas ce qui motive cette mesure parce que le fait est que, encore une fois, il y a un caucus de l’opposition et quatre caucus du gouvernement, et le gouvernement a déjà le droit de reporter les votes. L’opposition a le droit de reporter les votes. On n’élargit pas vraiment la portée d’une mesure en accordant à trois autres membres du gouvernement le droit de reporter les votes. Cette mesure ne fera que créer davantage de problèmes.

Comme je l’ai dit, quand vient le temps de s’entendre sur la sonnerie, la Présidente demande au whip du gouvernement si les whips se sont entendus. Habituellement, il s’agit du whip de l’opposition et du whip du gouvernement. Maintenant, elle devra demander à la cantonade si les sénateurs se sont entendus. Supposons qu’un vote ait lieu aujourd’hui et que la sénatrice Seidman déclare : « 30 minutes ». La sénatrice LaBoucane-Benson a beau accepter, si la sénatrice McPhedran, une sénatrice non affiliée, dit « non », la sonnerie sera automatiquement fixée à une heure.

Encore une fois, il ne s’agit que d’une tentative pour se donner une image vertueuse. C’est vraiment le seul but de cette motion : se draper dans la vertu. La raison pour laquelle j’affirme cela, c’est que la motion ne changera rien.

(2030)

Il faut dire que les libéraux sont passés maîtres dans l’art de dire à tout le monde : « Nous faisons cela pour vous. » Ils ne font rien pour personne. À part le fait que quelques personnes de plus pourront reporter un vote, c’est le statu quo. Je ne vois pas pourquoi certains voudraient pouvoir reporter un vote, parce que, habituellement, ils veulent que les projets de loi soient adoptés. C’est plutôt notre groupe qui veut reporter des votes habituellement. Il peut arriver que le gouvernement, quand il craint le résultat, demande le report d’un vote, mais c’est habituellement l’opposition qui le fait. Maintenant, les quatre ou cinq groupes du gouvernement pourront le faire.

L’honorable Marty Deacon : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Bien sûr.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie.

J’ai essayé d’écouter attentivement chaque mot de votre intervention avant le souper. Ce soir, je reviens pour poser une question très élémentaire : quel est le problème ici?

Je voudrais vous poser une question à ce sujet — non pas au sujet de toutes les préoccupations que vous pouvez avoir concernant les différentes modifications, mais concernant l’idée que ces travaux ont été précipités, étudiés à toute vitesse ou imposés. Je ne suis pas leader d’un groupe; ce que je suppose, en tant que sénatrice qui travaille avec tout le monde, c’est que nous avons consacré du temps à la modernisation ou à l’amélioration du Règlement depuis le jour où je suis devenue membre du Comité sur la modernisation. J’ai passé du temps au Comité du Règlement, où j’ai appris qu’il faut discuter au Sénat de certaines questions, mais que dans le cas d’autres questions, il est possible de les regrouper pour en discuter au Comité du Règlement.

J’envisage peut-être cette question avec un bagage différent, et d’autres sénateurs qui viennent d’arriver et n’ont peut-être pas eu ces expériences. Là où je veux en venir ce soir, c’est à l’effet de précipitation, de contrainte, à l’impression que quelque chose est imposé. Est-ce que cela signifie que les leaders de chaque groupe, ensemble ou individuellement, n’ont pas eu l’occasion d’en discuter? Cela veut-il dire qu’il n’y a pas eu un processus de consultation pendant lequel vous avez eu le sentiment que votre participation et votre voix avaient du poids avant que ces travaux n’arrivent à cette table? Est-ce la raison pour laquelle vous avez l’impression que tout va si vite?

Je veux comprendre cela d’une manière générale. J’ai l’impression que c’est un problème récurrent, et je voulais connaître votre opinion à ce sujet.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup, sénatrice.

Oui, j’ai parlé à maintes reprises de l’adoption précipitée ou imposée d’initiatives gouvernementales. Je pense que c’est un problème inhérent au gouvernement actuel depuis quelques années. Le représentant du gouvernement au Sénat nous dit régulièrement : « Nous allons recevoir tel ou tel projet de loi. Je ne sais pas exactement quand nous l’obtiendrons, mais puis-je avoir votre accord pour que nous le fassions adopter très rapidement lorsqu’il arrivera ici? »

Nous devrions peut-être au moins voir la mesure législative.

J’ai été accusé par le ministre de la Justice ou le ministre de la Défense nationale, à l’autre endroit, de retarder l’adoption du projet de loi C-21 alors qu’il n’avait même pas encore été adopté par la Chambre des communes ou, du moins, alors qu’il n’avait pas encore été renvoyé au Sénat. Malgré cela, on m’a accusé d’en retarder l’adoption. Puis, lorsque nous l’avons reçu ici, il aurait fallu l’adopter à toute vitesse. C’est ce que le gouvernement nous dit de faire pour des mesures législatives ordinaires.

Comme je l’ai dit plus tôt, d’une manière ou d’une autre, je fais partie des agents politiques depuis l’époque du sénateur Harder et le début de celle du sénateur Gold, et nous sommes parvenus à étudier des projets de loi très controversés, notamment le projet de loi C-69, la loi qui interdit la construction de pipelines, ainsi que les projets de loi C-48 et C-11. Il s’agissait de projets de loi auxquels nous nous opposions au plus profond de nous-mêmes, mais j’ai négocié avec le gouvernement des délais qui nous donnaient un certain temps pour en débattre, et nous garantissions qu’à une certaine date, il y aurait un vote. Cela ne voulait pas dire que nous allions voter pour. Le sénateur Gold dit toujours : « À telle date, je veux que ce soit adopté. » Je suis désolé, mais, à telle date, vous voulez un vote. Vous voulez peut-être qu’il soit adopté, mais je ne veux pas qu’il le soit.

Nous avons donc coopéré sur ce point, monsieur le sénateur.

Le sénateur Gold a parlé de cette motion jeudi, il y a deux semaines. C’est comme si c’était hier au Sénat. Je suis le leader de l’opposition et j’en parle aujourd’hui. La menace de la fixation de délai plane déjà sur nos têtes à l’heure actuelle, alors que le sénateur Gold ne cesse de répéter : « Je veux un débat approfondi et rigoureux. » Je pense que ce sont les mots qu’il utilise. « Cependant, mais je vais proposer la fixation de délai après une journée et demie. »

Le sénateur Dalphond affirme parfois que les leaders se réunissent à huis clos. Je ne pense pas que ce soit le cas. Encore une fois, je risque d’être réprimandé pour l’avoir dit, mais, oui, monsieur le sénateur, les leaders ont discuté de cette question aujourd’hui. Ils étaient quatre contre un. Ils ont dit : « Nous voulons que ce soit adopté maintenant. » J’ai dit : « Pouvons-nous avoir quelques semaines? » Ils ont répondu : « Non, nous voulons que ce soit adopté maintenant. » C’est quatre contre un.

Qu’est-ce que cela va changer pour les sénateurs? Qu’est-ce que cela va changer pour les Canadiens? Que nous adoptions cette motion cette semaine ou dans deux semaines, qui, au Canada, le saura? Quoi qu’il en soit, sénateur, on ne nous donnera pas la possibilité de proposer des amendements en bonne et due forme.

J’ai fait part de bon nombre de mes réserves à l’égard de cette proposition. Il y a environ quatre, voire cinq amendements légitimes que nous aimerions au moins proposer. Nous n’aimons pas cette motion, mais nous devrions au moins travailler ensemble pour tenter de l’améliorer. Il faudrait au moins nous écouter et prendre en considération les amendements que nous avons à proposer. On pourra ensuite débattre de ces propositions d’amendement et les mettre aux voix.

Allons-nous tenter d’ajourner le débat? Est-il possible que nous tentions de reporter des votes? C’est indéniable. Cela fait partie des moyens dont l’opposition dispose. Quoi qu’il en soit, la motion sera quand même adoptée. Rien ne changera dans cette enceinte ou au pays d’ici au 21 juin ou peu importe la date de notre dernière séance. Les choses ne vont ni s’améliorer ni s’aggraver si cette motion est adoptée le dernier jour de séance.

Pourquoi procéder en quatrième vitesse? Quelqu’un dit : « Nous attendons cela depuis neuf ans », alors qu’est-ce qui nous empêche donc d’attendre 60 jours de plus?

J’espère avoir répondu à votre question.

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Plett, accepterez‑vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Je crois vous avoir entendu faire valoir que ces changements aux règles ne sont pas nécessaires, puisque tous les sénateurs peuvent exercer librement toutes les fonctions sénatoriales et participer sur un pied d’égalité à n’importe quelle activité.

Sénateur Plett, puis-je participer à la période des questions aux ministres? Puis-je participer ouvertement aux déclarations de sénateurs? Suis-je informée à l’avance des hommages qui seront rendus aux sénateurs retraités ou décédés?

Vous avez dit que tout sénateur peut être nommé à un comité. Cela signifie-t-il que le Comité de sélection me nommera directement à un comité? Grâce au sénateur Housakos et à vous, j’ai l’honneur de siéger au Comité des affaires sociales, car vous avez eu la gentillesse de me céder une place; cependant, comme vous me le rappelez de temps à autre, vous pouvez me la retirer.

Ma question, sénateur Plett, la voici : si tout sénateur peut participer de manière égale à n’importe quelle activité, comme vous l’avez affirmé, cela signifie-t-il qu’un groupe doive libérer un siège à un comité pour que j’en fasse partie?

Voyez-vous quoi que ce soit dans les règles proposées qui mettrait tous les sénateurs sur un véritable pied d’égalité, y compris ceux qui ne sont pas membres d’un caucus?

Le sénateur Plett : Merci beaucoup, sénatrice McPhedran. Après ce soir, je pense que nous devrons peut-être discuter de ce siège au Comité des affaires sociales. Non, sénatrice McPhedran, nous sommes très heureux que vous soyez membre de ce comité.

Je pense que nous vous avons, à l’occasion, cédé du temps de parole pendant la période des déclarations de sénateurs, et peut-être même pendant la période des questions. Cependant, vous avez raison, sénatrice McPhedran : il y a des limites.

Premièrement, je crois sincèrement que tous les sénateurs sont égaux. Vous avez le droit — et vous exercez ce droit aujourd’hui — de prendre la parole pour participer au débat et poser des questions. Vous avez les mêmes droits que tout le monde dans cette enceinte. Nous pouvons en débattre, tout comme nous pouvons débattre de la question de savoir s’il faudrait élargir le rôle des sénateurs non affiliés. Sénatrice McPhedran, comme je l’ai dit à maintes reprises, ici même et lors de rencontres des leaders, la question des sénateurs non affiliés relève, selon moi, du gouvernement. Ma bonne amie et actuelle leader adjointe était aussi leader adjointe à l’époque où nous formions le gouvernement. Elle avait pris sous son aile les sénateurs indépendants non affiliés et veillé à leur trouver diverses fonctions pour qu’ils accomplissent diverses choses. Je maintiens depuis le début que c’est la responsabilité du gouvernement. Comme pour beaucoup d’autres choses, il s’est entièrement dérobé à ses responsabilités à cet égard — et parfois à l’égard d’autres sénateurs et d’autres caucus — mais dans ce cas précis, c’est au gouvernement qu’il incombe pleinement de veiller à ce que les sénateurs se voient attribuer certaines fonctions.

(2040)

Bref, sénatrice McPhedran, la motion à l’étude ne change rien pour vous. Elle ne porte pas atteinte à vos droits et elle ne vous accorde rien de plus. Elle ne vous donne rien. Nous perdons quelque chose. D’autres gagnent quelque chose. Votre situation demeure la même. C’est peut-être une bonne chose. Cela ne l’est peut-être pas. Ce n’est pas l’objet du débat de ce soir. Mais la motion à l’étude ne vous aide en rien.

La sénatrice McPhedran : Diriez-vous que ce que vous venez de décrire tient de l’égalité ou de l’obligation inhérente au privilège?

Le sénateur Plett : Je pense que c’est de l’égalité. La raison pour laquelle je pense qu’il s’agit d’égalité, c’est que vous avez autant le droit de rejoindre un caucus. Je crois aux caucus. C’est ma conviction profonde. Je pense qu’il devrait y avoir deux caucus : un caucus du gouvernement et un caucus de l’opposition. Je pense que tout sénateur devrait avoir le droit d’être un sénateur indépendant, et nous en avons toujours eu. La sénatrice McCoy était indépendante. La sénatrice Anne Cools était une sénatrice indépendante à l’époque où nous avions deux caucus, et ils fonctionnaient très bien. Je sais qu’ils ont parfois fait enrager la sénatrice Martin parce qu’elle voulait des certitudes, alors que la sénatrice Cools connaissait probablement le Règlement du Sénat mieux que quiconque au Sénat.

La sénatrice Martin : C’est vrai.

Le sénateur Plett : Elle savait donc comment s’assurer de parvenir à ses fins.

Je suppose que je suis de cette école, sénatrice McPhedran. Je sais que cette sénatrice indépendante était vraiment mon égale. Je suis désolé, mais je pense que vous êtes aussi l’égale de n’importe qui ici. Vous n’avez peut-être pas les mêmes possibilités. Dans une certaine mesure — c’est peut-être votre choix et si ce n’est pas votre choix, alors c’est le choix du gouvernement — d’être dans cette position et non pas celui de l’opposition.

L’honorable Pamela Wallin : Je ne sais pas à quel point mon intervention ressemblera à une question, mais écouter tout ce débat a fait remonter quelques réflexions que j’ai tous les jours ici. Je suis très heureuse de faire partie de ce groupe de sénateurs, le Groupe des sénateurs canadiens. J’ai siégé dans d’autres caucus. J’ai siégé à titre de sénatrice indépendante. Les préoccupations que j’avais à l’époque n’ont fait que prendre de l’ampleur.

Nous avons déjà parlé de ce sujet, c’est-à-dire le recours à des projets de loi omnibus, où le gouvernement met tout et n’importe quoi dans un projet de loi budgétaire, sachant très bien que, selon la tradition, les sénateurs ne font pas obstacle aux projets de loi budgétaires, pas plus que nous les modifions. Je pense toutefois que cette approche est utilisée de manière abusive, comme on a pu constater une hausse du recours à cet instrument au fil des ans.

Nous invitons des députés — des ministres — à participer à la période des questions ici et ils font souvent preuve du même manque de respect envers le processus que dans leur propre Chambre. Ils ne répondent pas à nos questions. Les réponses ont souvent un caractère hautement politique. Donc, je me pose des questions au sujet de cette partie du processus.

À la Chambre des communes, les libéraux et les néo-démocrates profitent régulièrement de leur majorité au sein des comités pour mettre fin au débat et l’étouffer. Cela a été le cas pour de nombreux projets de loi sur lesquels je me suis penchée. Ils mettent fin à l’examen. Ils bloquent même de simples questions, puis les projets de loi nous parviennent en piètre état. Ils n’ont pas fait l’objet d’une présentation ou d’un examen approprié à l’autre endroit, pas plus qu’ils n’ont fait l’objet d’amendements appropriés, et ils arrivent sur nos bureaux accompagnés d’un échéancier et voilà maintenant qu’on propose une restriction permanente concernant le débat au Sénat.

Je crains que trop de gens dans l’arène politique, certainement dans les médias et, à mon avis, dans le public en général, ne comprennent pas vraiment ce que nous faisons ici. Le second examen objectif est une partie essentielle de notre système parlementaire. Notre travail est encore plus important lorsque les gouvernements sont élus avec une majorité ou qu’ils bénéficient d’un appui qui leur permet d’agir comme s’ils détenaient la majorité.

J’ai examiné le travail de nos collègues les sénateurs Greene et Massicotte. Au fil des ans, leurs propositions de réforme n’ont pas été bien reçues lorsque la balance du pouvoir, politiquement parlant, était différente. Je suis très préoccupée par ce que je considère être une baisse de respect de la part de nos collègues parlementaires de l’autre endroit. C’est le message qu’ils ne cessent de nous envoyer. C’est un manque de respect à l’égard de notre rôle.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Était-ce une question?

La sénatrice Wallin : Oui. Êtes-vous d’accord?

Le sénateur Plett : Votre Honneur, je peux trouver une question dans l’intervention de la sénatrice. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une question.

Sénatrice Wallin, je suis d’accord avec vous. En toute honnêteté, le manque de respect a commencé il y a quelques années et il s’est aggravé au fil du temps. Il ne fait aucun doute que la situation est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été.

J’ai été membre du gouvernement au Sénat, comme vous, sénatrice Wallin — nous étions collègues au sein du gouvernement —, et nous recevions parfois des projets de loi qui ne nous plaisaient pas trop et d’autres qui étaient trop volumineux. Toutefois, ce n’était rien en comparaison avec ceux d’aujourd’hui. Les gens diront : « Eh bien, Stephen Harper l’a fait, lui. » Certes, mais on en a tiré des leçons, puis on a foncé tête baissée et empiré la situation.

Sénatrice Wallin, je ne me souviens pas qu’on nous ait déjà demandé d’adopter un projet de loi avant de l’avoir reçu. Pourtant, c’est ce qu’on nous a demandé de faire dans ce cas-ci. Ensuite, on nous dit qu’on nous respecte. On nous dit régulièrement ceci : « Je ne sais pas quand je recevrai ce projet de loi, mais quand je le recevrai, pouvez-vous me garantir que vous l’adopterez très rapidement? Oh, en passant, il se peut que je demande le consentement parce que je vais vouloir qu’il soit adopté très rapidement. »

Il ne fait aucun doute que cela a empiré au fil des années. Nous faisons partie d’un caucus national. Certains des membres de mon parti à l’autre endroit ont-ils toujours le respect qu’ils devraient, à mon avis, avoir pour nous? Non, pas toujours. Toutefois, notre caucus nous témoigne beaucoup de respect parce que nous faisons partie de ce caucus.

Cela ne veut pas dire que tout le monde doit faire de même, mais c’est l’un des avantages de faire partie d’un caucus national. S’il y avait un caucus libéral national, il pourrait peut-être susciter et imposer un certain respect. Toutefois, ce n’est pas le cas. Il y a trois membres du gouvernement ici qui n’admettent pas qu’ils font partie du gouvernement. Au fond, cela signifierait que nous n’avons donc pas de gouvernement au Sénat. Comment pouvons-nous nous attendre à un certain respect, puisque ce respect n’est pas nécessaire?

Je suis d’accord; cela va mal depuis longtemps, mais la situation n’a jamais aussi mauvaise que maintenant, et les gens sont en colère. Dans tout le pays, les gens sont en colère. C’est l’une des raisons pour lesquelles on commence à prêter attention au Sénat : dans tout le pays, les gens sont en colère. Quand nous parlons ici — et je l’ai déjà dit, le discours que j’ai fait l’année dernière a été vu plus de 700 000 fois. C’est assez considérable. C’est parce que les gens sont en colère, et ils écoutent, et ils disent : « Que fait le gouvernement? »

(2050)

La période des questions du Sénat commence à susciter l’intérêt au pays en raison des questions que l’opposition pose au gouvernement. Nous commençons à attirer l’attention partout au pays, en grande partie parce que les Canadiens sont en colère, ont peur ou, bien franchement, ont faim, car ils n’arrivent pas à se nourrir en raison du gouvernement.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Oui.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Vous avez dit que vous aimiez le modèle des deux caucus, comme celui qui existait dans le bon vieux temps : un caucus libéral et un caucus conservateur.

Je vais précéder ma question d’un commentaire. Depuis le début de la Confédération, il y a toujours eu deux caucus. La joute, ou la game, si on veut parler en bon franglais, c’était que le caucus ou le parti au pouvoir contrôlait le caucus du même parti au Sénat. Tout cela se faisait par un processus de nomination, puis en plaçant les bons joueurs aux bons endroits, et enfin en faisant imposer la ligne de parti aux caucus au Sénat, qui était la même que dans les caucus de l’autre endroit.

[Traduction]

Ce jeu où le parti au pouvoir contrôle le Sénat est de plus en plus documenté par les politicologies, et il ne permet pas au Sénat de s’acquitter de son rôle de Chambre du second examen objectif parce que parfois, dans le passé, nous avons été obligés de suivre la ligne de parti du gouvernement de l’heure.

Ce fait est documenté, alors comment croyez-vous qu’un Sénat composé de deux caucus puisse être indépendant s’il est contrôlé par l’autre endroit?

Le sénateur Housakos : C’est exactement ce que nous disons.

Le sénateur Plett : Je crois que vous répondez à ma place, sénatrice Bellemare. Vous devriez le savoir, puisque vous avez fait partie de tous les caucus et avez fait partie du gouvernement deux fois. En tant que conservatrice, vous avez fait partie du gouvernement, puis vous avez été leader adjointe du gouvernement pour les libéraux. Je crois que vous avez plus d’expérience que quiconque à savoir comment cela fonctionne.

Le système à deux caucus fonctionne bel et bien, et nous ne sommes pas contrôlés par l’autre endroit. Mon caucus n’est pas contrôlé par l’autre endroit. Pas du tout. Quoi que vous en disiez, ce n’est pas le cas.

Le sénateur Housakos : Nous influençons l’autre endroit.

Le sénateur Plett : Je mets quiconque ici au défi de consulter le registre de nos votes.

Nous sommes fondamentalement conservateurs. Nous partageons une même philosophie.

Le sénateur Carignan : Le gros bon sens.

Le sénateur Plett : Nous sommes animés par le gros bon sens, et il fut un temps où c’était aussi votre cas, sénatrice Bellemare, parce que vous étiez une conservatrice. Désolé, je ne voulais pas laisser entendre que vous ne faites pas preuve de bon sens, mais vous n’êtes pas une conservatrice pleine de bon sens.

Nous avons des valeurs conservatrices et nous croyons fermement au programme du Parti conservateur du Canada. C’est pour cette raison que nous travaillons pour lui. C’est pourquoi beaucoup d’entre nous travailleront fort aux prochaines élections pour faire élire un conservateur plein de bon sens.

Cela ne signifie pas que nous sommes contrôlés par l’autre endroit. C’est plutôt que nous sommes animés par une conviction profonde. Même à l’autre endroit, sénatrice Bellemare, il y a des catégories de vote. Du côté des conservateurs, le chef peut voter différemment qu’un grand nombre des députés parce qu’ils ont des catégories de vote. Nous n’avons pas de tels mécanismes.

Nous assistons au caucus national — la plupart d’entre nous, mais pas tous — sans y être obligés. En fait, nous ne sommes même pas tenus d’être membres de ce caucus. Nous pouvons être membres du caucus ici, sans l’être du caucus national. Peu importe l’angle qu’on adopte, ce n’est pas possible. Nous ne sommes pas contrôlés.

Je suis le premier président du Parti conservateur du Canada. J’ai contribué à fonder ce parti. J’ai presque 74 ans. Il me reste un an. Je sais que beaucoup d’entre vous ont hâte, mais il me reste encore un an pour vous irriter.

J’ai 74 ans, et je n’imagine pas me faire imposer une discipline de parti par qui que ce soit. Pierre Poilievre et moi sommes-nous du même avis sur 85 % des enjeux? Oui. Nous sommes tous les deux conservateurs. Nous avons des valeurs conservatrices. Sommes‑nous d’accord sur tout? Non. Il a présenté son point de vue à propos de certains enjeux pour lesquels vous connaissez ma position. Bref, nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous sommes tous les deux conservateurs.

La sénatrice Batters : Sénateur Plett, le gouvernement Trudeau limite aussi la capacité qu’a l’opposition de demander des comptes au gouvernement en fixant une limite au nombre de questions écrites que peut soumettre un sénateur : cette limite est de quatre par sénateur. Peut-être s’agit-il, selon le gouvernement Trudeau, d’une façon d’harmoniser la pratique du Sénat et celle de la Chambre en ce qui concerne le nombre maximal de questions écrites. Fait important, toutefois, le caucus des sénateurs conservateurs ne compte que 13 membres alors qu’à la Chambre des communes, l’opposition conservatrice compte environ 120 députés, qui peuvent tous poser quatre questions écrites. La différence est considérable.

Sénateur Plett, certaines des questions écrites cruciales que vous posez se retrouvent dans les nouvelles des principaux réseaux du pays. Cela s’est produit le mois dernier, quand la réponse du gouvernement à votre question écrite a révélé que le gouvernement Trudeau avait déjà dépensé 40 millions de dollars pour son programme de rachat d’armes et ce, sans avoir racheté aucune arme.

Sénateur Plett, le nombre maximal de questions écrites que propose la motion ne nuirait-il pas considérablement au pouvoir de l’opposition?

Le sénateur Plett : J’allais sortir la pile de réponses que j’ai reçues aujourd’hui, mais je ne suis pas censé utiliser d’accessoires.

Sénatrice Batters, vous avez tout à fait raison. C’est quelque chose qui irrite le gouvernement au plus haut point. J’ai d’excellents employés qui font un travail de recherche formidable pour moi — et, en fait, pour mon parti et pour les conservateurs de tout le pays — et qui ne cessent de mettre en lumière la corruption qui règne au sein du gouvernement.

C’est un problème pour ce gouvernement — le gouvernement Trudeau, la coalition Trudeau-Jagmeet Singh. Il est censé répondre aux questions auxquelles il ne veut pas répondre. Il se dit : « Il y a ces embêtants conservateurs d’en face qui ont le culot de nous poser des questions. Ils ont l’audace de nous poser ces questions, alors nous allons limiter ces questions. » Voilà ce qui se passe. Cela nuit à l’extrême au rôle de l’opposition.

Pourquoi pas cinq? Pourquoi pas six? Pourquoi pas illimité? Nous ne sommes plus que 13 membres, bientôt 12, mais ils ont si peur de nous. Le sénateur Gold a si peur de nous qu’il doit présenter une motion pour que je ne puisse plus lui poser de questions.

J’attends le jour où il essaiera de supprimer la période des questions parce que, bien sûr, nous ne faisons que reprendre les notes d’allocution, selon lui. Nous ne faisons que reprendre les notes d’allocution. Il n’aime pas nos questions. Moi non plus je ne les aimerais pas, surtout si je ne pouvais pas y répondre.

La sénatrice Batters : Sénateur Plett, le gouvernement Trudeau dépeint la participation de sénateurs au caucus national d’un parti politique comme une mauvaise chose. Vous êtes un fier membre du caucus conservateur depuis votre nomination au Sénat. Pouvez-vous nous faire part de la façon dont vos discussions avec des députés de partout au Canada lors du caucus national et de votre caucus régional vous ont aidé à faire votre travail? Comment les sénateurs peuvent-ils contribuer au travail de leurs collègues élus dans le cadre de ce système?

Le sénateur Plett : Merci. Bien sûr, sénatrice Batters. Au caucus national lui-même, nous sommes évidemment des membres à part entière. Ceux d’entre nous qui le souhaitent sont membres à part entière de ce caucus national. J’ai ma place, avec le reste de l’équipe de direction, pour rédiger le rapport du Sénat. On nous pose des questions. Nous avons la possibilité de le faire, mais nous ne sommes pas obligés de le faire. Au-delà de cela, nous faisons tous partie du même groupe. Nous pouvons échanger des idées. Il peut arriver qu’un député demande de l’aide dans sa circonscription. Quand un sénateur d’expérience vient donner un coup de main, c’est inestimable pour un député. C’est aussi utile pour les recherches. Nous pouvons nous communiquer le résultat de nos recherches respectives. Il arrive que mon bureau fasse des recherches pour un député. Un député peut me poser une question sur un enjeu donné et je demande à des membres de mon personnel de lui donner un coup de main.

(2100)

C’est de la collaboration. C’est un travail d’équipe. D’ailleurs, nous formons une grande équipe. Je le dis encore, je regarde avec une certaine compassion — en quelque sorte — les sénateurs qui ne font partie d’aucune équipe parce qu’on se sent un peu seul quand on vient ici, à Ottawa, et qu’on ne fait pas partie d’un groupe de camarades ou qu’on ne travaille pas, de façon générale, à l’élection du très honorable premier ministre et des députés.

Je sais que de nombreux sénateurs disent qu’ils ne sont pas libéraux, mais ils recueillent des fonds, et ils font une grande partie de cela. Je pense que c’est formidable de faire partie de cette équipe et de participer, comme nous l’avons fait encore ce soir, en allant à une réception et en étant là avec nos collègues, qui sont — oui — des députés de l’opposition. Au cours de la réception aujourd’hui, j’ai eu une excellente discussion avec mon amie Judy Sgro. Nous avons eu une très bonne discussion. Ensemble, Judy Sgro et moi-même avons présenté la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction pour les entrepreneurs du pays. Ainsi, nous avons appris à travailler en mettant parfois la partisanerie de côté.

Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, j’ai écouté mon amie et collègue la sénatrice Bellemare faire la leçon au Sénat en soutenant qu’il est inapproprié que des gouvernements exercent une influence et un contrôle sur les sénateurs dans cette enceinte. Sénatrice Bellemare, je suis ici depuis maintenant 16 ans. J’étudie avec ferveur notre processus parlementaire au Sénat. Je vous rappelle que vous êtes la présidente du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et je pense qu’aucun de vos prédécesseurs n’aurait toléré dans cette enceinte qu’un leader du gouvernement propose une motion qui modifie unilatéralement les règles et les procédures sans passer par le comité. Je vous encourage à consulter tous les anciens présidents du comité, tous les anciens Présidents du Sénat, libéraux ou conservateurs. Ils vous diront à quel point c’est déplorable.

Je sais que vous n’êtes pas ici depuis assez longtemps pour le savoir, sénateur Cardozo, mais, dans une période de questions, il y a un débat et une période de discussions, et nous avons l’occasion dans le cadre du débat de répondre aux questions posées par nos collègues. Cela ne vous plaît peut-être pas, mais c’est ainsi.

Sénateur Plett, il y a quatre groupes dans cette enceinte. Il ne fait aucun doute qu’il y a un groupe qui critique très vigoureusement le gouvernement. Puis, il y a trois autres groupes qui, et je pense que tout le monde le reconnaît maintenant — les médias, le public et les gens d’en face —, se livrent la plupart du temps à un second examen objectif et dont les votes révèlent leur position sur des enjeux politiques. Dans l’ensemble, ils ne sont pas aussi solides que l’opposition.

Voici mes questions. Peut-on dire sans risque de se tromper que le gouvernement préfère aujourd’hui avoir deux groupes au Sénat : un groupe des sénateurs indépendants, qui a été nommé par le gouvernement, ainsi que le caucus de l’opposition, qui critique vigoureusement et quotidiennement le gouvernement et lui demande des comptes? Tente-t-il ainsi de réduire les critiques et d’élever au même niveau un groupe de sénateurs qu’il a nommés, et qui ont l’habitude de l’appuyer plus que le de critiquer?

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Housakos. J’aimerais revenir brièvement sur vos premières observations, car je suis d’accord avec vous pour dire, tout d’abord, qu’il est scandaleux que le sénateur Gold empiète complètement sur les responsabilités du Comité du Règlement avec cette motion. Encore une fois, il agit ainsi parce qu’il ne veut pas de transparence. Il veut faire adopter la motion à toute allure. Si on renvoyait la question à un comité, il y aurait des audiences. On pourrait faire comparaître des témoins qui souligneraient les lacunes de la motion. Il a tenu la présidente à l’écart en lui disant simplement qu’elle est incapable de faire adopter quoi que ce soit, même si on s’est entendu sur bien des choses au sein de ce comité, comme la sénatrice Batters et d’autres l’ont souligné.

Premièrement, sénateur Housakos, vous avez tout à fait raison de dire que le gouvernement cherche essentiellement à faire obstacle à l’opposition.

Il suffit de voir tout ce qui est proposé pour limiter le nombre de questions que nous pouvons envoyer — ce qui est probablement l’un des aspects les plus choquants — et limiter notre temps de parole sur une motion de clôture de telle sorte qu’il se pourrait qu’aucun sénateur de l’opposition à part moi ne puisse prendre la parole pendant 20 minutes.

Des voix : C’est honteux.

Le sénateur Plett : Cela étoufferait complètement l’opposition. Ensuite, ils viennent dire que cette mesure ne nuit pas à l’opposition. En fait, elle coupe l’herbe sous le pied de l’opposition, car ils ne veulent pas de transparence. Ils ont honte de ce qu’ils font. Ils essaient de faire tout cela sous le couvert de l’obscurité pour faire adopter la motion le plus rapidement possible et pour que, dans quelques semaines ou un mois, les gens aient oublié ce qui s’est passé.

C’est ainsi que le gouvernement agit. C’est ainsi que le premier ministre agit systématiquement. Comme je l’ai dit dans mon discours il y a une semaine, il fait quelque chose, puis il s’excuse. Il vole de l’argent à quelqu’un? « Je m’excuse. Voici un chèque. » Il tripote une journaliste? « Je m’excuse. Je ne savais pas que vous étiez une journaliste d’envergure nationale. » Toutefois, cette expérience a été instructive non seulement pour moi, mais aussi pour le reste du pays.

C’est ce que fait le premier ministre. Il s’excuse au nom du pays tout entier, et non en son nom propre. Il fait adopter des choses à toute vapeur au Sénat et à l’autre endroit. Aujourd’hui, il a fait en sorte que le Président désigne notre chef par n’importe quel nom, et ce n’est pas grave. Mais lorsque notre chef s’est levé pour se défendre, on l’a prié de quitter la Chambre. Voilà le genre de gouvernement que nous avons à l’autre endroit. C’est le genre de régime incompétent qui règne là-bas, et cela s’infiltre ici et se manifeste également sur les banquettes ministérielles.

Le sénateur Housakos : J’ai une question à vous poser, sénateur Plett. Avez-vous déjà vu, à la Chambre ou au Sénat, une situation où des règles de procédure ont été modifiées sans le consentement de l’opposition officielle? Cela s’est-il déjà produit?

Le sénateur Plett : Je critique trop souvent le sénateur Gold en disant : « Je demande une réponse en un mot. Répondez-moi en un seul mot. » Alors, à votre question, je répondrai par un seul mot, sénateur Housakos : non.

Le sénateur MacDonald : Sénateur Plett, il me déplaît toujours de soulever des questions lorsque quelqu’un n’est pas au Sénat, mais ma bonne amie, la sénatrice Lankin, n’est pas là. Je tiens toutefois à soulever ce point. Le gouvernement lui a confié la responsabilité de faire adopter les modifications au Règlement. Je suis membre du Comité du Règlement. Ma collègue, la sénatrice Bellemare, a toute ma confiance pour gérer ce comité. Je suis curieux de savoir si la sénatrice Lankin, à qui on a confié cette responsabilité, s’est déjà adressée à vous, vous a contacté ou vous a demandé de discuter de ces changements?

Le sénateur Plett : Oui, pour être juste envers la sénatrice Lankin, sénateur MacDonald, elle m’a appelé. Elle m’a demandé si nous pouvions nous rencontrer pour discuter de la motion. Évidemment, ce n’est pas un compte rendu textuel parce que cela remonte à un certain temps, mais, en gros, je lui ai répondu : « Oui, sénatrice Lankin, je serais prêt à m’asseoir avec vous et à en discuter, mais permettez-moi de vous dire d’emblée que je m’oppose à votre motion. Je m’oppose à la prémisse de votre motion. Je ne vois pas grand-chose que je peux soutenir dans votre motion. Je me demande donc si nous perdrions notre temps en nous rencontrant. » Nous en sommes restés là.

(2110)

La sénatrice Lankin est venue à Ottawa. C’était une semaine de relâche, alors elle était à la maison, et j’étais moi aussi à la maison. Comme nous avons discuté au téléphone, je ne sais pas où elle se trouvait. J’étais chez moi. Nous sommes venus à Ottawa et j’ai à tout le moins pris la motion en compte parce que — je le répète en toute honnêteté — j’avais essentiellement donné la même réponse au sénateur Gold. Toutefois, comme les gens le savent, je suis un peu impulsif. J’avais pris connaissance de la motion; je ne l’aimais pas. J’étais frustré et j’ai répondu que je n’aimais aucun élément dans la motion. Lorsque je suis arrivé ici, je me suis dit que nous pourrions peut-être au moins en discuter. Par conséquent, une rencontre a été prévue avec la sénatrice Lankin dans mon bureau pour discuter de la motion plus en détail afin de voir s’il était possible de trouver un terrain d’entente.

Ensuite, la sénatrice Lankin a rencontré le sénateur Gold. Ensemble, ils ont décidé de ne pas se donner la peine de discuter de la motion avec moi parce que j’avais été trop catégorique sur le fait que je n’aimais pas la motion. Alors, pourquoi perdre leur temps à en discuter davantage?

Le sénateur MacDonald : Comme le sénateur Gold semble avoir recours à une motion pour contourner le processus des comités, nous n’entendrons pas l’avis des experts. Nous ne pourrons pas examiner les changements comme devrait le faire le Sénat. Nous sommes censés être maîtres chez nous — nous l’avons déjà été. La sénatrice Bellemare est une personne très compétente à la tête du Comité du Règlement. Je fais partie de ce comité.

Pensez-vous qu’il est approprié de court-circuiter le Comité du Règlement lorsqu’il s’agit d’apporter des changements aux règles fondamentales du Sénat?

Le sénateur Plett : Absolument pas. Sénateur MacDonald, je vous demande — ainsi qu’à la sénatrice Batters, au sénateur Wells et à la sénatrice Ataullahjan, qui sont tous membres du Comité du Règlement — de poser cette question à la présidente lors de la prochaine séance du comité : « Pourquoi ne débattons-nous pas cette motion dans cette salle? » C’est là que cette discussion devrait avoir lieu. Vous devriez poser la question suivante à la présidente et exiger une réponse : « Est-ce que le sénateur Gold vous a téléphoné pour vous dire “Je prends le relais. Vous n’êtes pas à la hauteur, alors je vais faire avancer le dossier”? »

Ironiquement, comme je l’ai dit dans mon discours, le 7 mai, votre comité tiendra une réunion afin de discuter d’une partie de ces règles. Encore une fois, que devons-nous faire de tout cela? Ça n’a aucun sens. Cela démontre l’incompétence absolue de tout ce qui se passe ici. Nous allons examiner deux fois certaines règles, mais je vous en prie, sénateur MacDonald, j’aimerais obtenir moi-même la réponse. J’aimerais que vous posiez la question à la présidente du Comité du Règlement, et peut-être qu’à la période des questions je pourrai poser la question à la présidente du Comité du Règlement si on m’autorise à poser une question à la présidente d’un comité. Manifestement, le sénateur Gold en a assez de mes questions, mais peut-être que je pourrai obtenir une réponse de la part de la sénatrice Bellemare.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Mes collègues des deux côtés du Sénat ont posé de très bonnes questions. J’ai quelques questions à poser au leader.

Je suis encore un peu étonnée et ébranlée par cette motion du gouvernement à la portée très large et je pense à l’importance du Comité du Règlement et du processus en place. Même lorsqu’une règle est débattue au Comité du Règlement et qu’elle fait l’objet d’un consensus, elle est renvoyée au Sénat, où elle y est également débattue, ce qui constitue une mesure de reddition de comptes supplémentaire.

En tant que leader adjointe, je me souviens qu’une légère modification du Règlement qui nous aurait facilité un peu la vie dans l’organisation générale du Sénat avait été acceptée par le Comité du Règlement, mais, quand elle a été renvoyée au Sénat, l’ancienne sénatrice Cools s’y était opposée. Elle avait de bonnes raisons, et nous avons eu un bon débat à ce sujet. Par conséquent, même si nous faisions partie d’un gouvernement majoritaire et que nous aurions vraiment pu imposer son adoption — il y a différentes façons de le faire, même dans le cadre des autres affaires —, nous ne l’avons pas fait. Nous avons reculé parce que n’importe quel sénateur, y compris un sénateur indépendant qui n’appartient à aucun groupe, peut dire « non » et refuser son consentement à n’importe quel moment durant les travaux fondamentaux du Sénat. Ce processus est très important, sénateur Plett. Je suis sûr que vous vous souvenez de cette époque.

Je suis très préoccupée par la façon dont nous procédons avec une motion du gouvernement qui peut faire l’objet d’une fixation de délai. Nous ne disposons pas d’un second examen objectif pour cette décision, mais il s’agit d’une motion d’une portée très vaste. Pourriez-vous nous en parler, s’il vous plaît?

Le sénateur Plett : Oui, tout à fait. Merci beaucoup, sénatrice Martin. Vous avez tout à fait raison. Au fil des ans, les modifications aux règles, que ce soit au sein du Comité du Règlement ou même au Sénat, ont fait l’objet d’un certain consensus, à tout le moins. À l’heure actuelle, nous n’avons droit à aucun consensus. Vous avez donc tout à fait raison.

De toute évidence, le processus aurait dû être... Tout d’abord, comme je l’ai dit, la motion devrait être renvoyée au Comité du Règlement. Sinon, nous devrions être en mesure de tenir, comme le dit le sénateur Gold, un débat approfondi et rigoureux, mais ce n’est pas le cas. Le sénateur Gold dit qu’il s’agit d’une motion du gouvernement, et c’est bien cela. Il l’a présentée comme une motion du gouvernement.

La sénatrice Martin : C’est choquant.

Le sénateur Plett : Mais quand quelqu’un — c’était le sénateur Housakos, je crois — lui a demandé sans ambages si cette motion venait de lui ou de Justin Trudeau, il a répondu que le Cabinet du premier ministre n’avait rien à voir là-dedans. Si c’est le cas, et puisque le sénateur Gold dit qu’il n’est pas le leader du gouvernement, mais plutôt le représentant du gouvernement, il ne devrait pas avoir le droit de présenter une motion du gouvernement. Il ne fait pas partie du gouvernement, comme il le reconnaît lui‑même. Il s’agit donc essentiellement d’un projet de loi d’initiative parlementaire; le sénateur ne devrait donc pas avoir le droit de fixer un délai.

Le sénateur Housakos : De plus, le gouvernement ne devrait pas changer le Règlement.

Le sénateur Plett : Le sénateur Gold ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, mais il veut tout avoir, en fait. Il commence par affirmer être un représentant du gouvernement et non un leader, mais ajoute qu’il fixera tout de même un délai. Notre collègue et ami l’honorable sénateur Furey fait ensuite toutes sortes de contorsions pour dire au sénateur Gold : « Je vous considérerai comme le leader, que cela vous plaise ou non, parce qu’en tant que représentant, vous ne pouvez pas fixer de délai. Je changerai donc votre titre et je déclarerai que vous êtes le leader. »

Le sénateur Housakos : Le matin.

Le sénateur Plett : Étant donné qu’il avait une autre motion de fixation de délai à présenter, il est demeuré le leader pendant les semaines ou les mois suivants, puisque c’était nécessaire. Puis, tout à coup, aujourd’hui, il n’est plus le leader et est désormais de nouveau un représentant. Par conséquent, s’il n’est pas le leader du gouvernement et s’il ne s’agit pas d’une motion de Justin Trudeau, le sénateur Gold n’a pas le droit d’en faire une motion du gouvernement.

Vous avez donc tout à fait raison, sénatrice Martin; il fixe un délai à une motion d’initiative parlementaire. Pour la première fois dans l’histoire du Canada, un projet de loi d’initiative parlementaire fera l’objet d’une motion de fixation de délai. Je n’arrive pas à le comprendre.

La sénatrice Martin : Donc, comme je l’ai dit, je suis sous le choc après cette motion sans précédent, une motion du gouvernement pour modifier toutes ces règles. Je m’intéresse au Règlement, comme je sais que mes homologues s’y intéressent.

J’essaie de comprendre comment cela fonctionnera. En ce qui concerne les comités, en tant que leader adjointe, je suis membre d’office. Par conséquent, je serai comptée dans le quorum et je pourrai voter, qu’il s’agisse de l’étude article par article ou de n’importe quelle motion proposée. La tradition veut que nous informions nos homologues. J’ai donc envoyé un message à la sénatrice LaBoucane-Benson pour lui faire savoir que j’allais à un comité, parce que je suis la marraine d’un projet de loi, et je faisais partie du quorum, qui a été atteint, et le comité a tenu sa réunion.

Dans les règles proposées dans cette motion, les leaders deviendront tous membres d’office, et les membres d’office sont pris en compte dans le calcul du quorum. Avec le nouveau système du gouvernement, il pourrait y avoir une réunion de comité avec seulement le leader du gouvernement et les leaders des groupes reconnus présents, et le quorum pourrait être atteint sans qu’aucun membre du comité ni personne de l’opposition ne soit présent.

Le sénateur Plett : Oui.

La sénatrice Martin : Donc, le sénateur Gold aurait le seul vote.

Le sénateur Plett : Le seul vote.

La sénatrice Martin : Est-ce l’idée que vous vous faites d’un processus démocratique?

Le sénateur Plett : C’est exact. En Corée, non loin de l’endroit où vous avez grandi, ce serait considéré comme un processus démocratique, bien entendu. Je pense que le sénateur Gold considérerait que ce processus est très démocratique, parce que c’est lui qui a le vote.

(2120)

La sénatrice Martin : C’est insensé.

Le sénateur Plett : Si je devais être ce leader unique, je trouverais aussi qu’il s’agit d’un processus raisonnablement démocratique.

Le sénateur Housakos : Ce sera peut-être le cas dans un an.

Le sénateur Plett : Tout à fait. C’est le prochain leader du gouvernement, peu importe qui ce sera, qui pourra en profiter. J’espère que je serai sur un terrain de golf quelque part. Le prochain leader du gouvernement pourra se servir de cette règle et organiser de nombreuses réunions des comités où il sera le seul à pouvoir voter.

Oui. Je le répète, sénatrice Martin, je n’arrive absolument pas à comprendre le raisonnement. Je ne sais pas qui a rédigé cette motion. J’essaie de voir où des erreurs auraient pu se glisser au moment de la rédaction de la motion. En mon for intérieur, j’essaie de me convaincre que personne n’est assez malveillant pour vouloir faire ce que propose la motion. Je veux croire qu’il s’agit d’une erreur.

Le fait qu’on nous ait prévenus que nous recevrons probablement bientôt un avis de fixation de délai... Si nous ne nous dépêchons pas, ce sera peut-être ce soir, qui sait? Il y aura une motion de fixation de délai et nous n’aurons pas l’occasion de proposer des amendements qui nous permettraient de voir si des erreurs ont été commises.

Je pense que, en toute logique, il s’agit d’une question au sujet de laquelle le sénateur Gold me dirait : « Je suis d’accord avec toi, Don. Cela n’a pas vraiment de sens. » Ou encore : « Je suis d’accord avec vous, l’opposition devrait avoir l’occasion de se prononcer au sujet des motions de fixation de délai. » L’opposition devrait pouvoir le faire.

Quelqu’un a rédigé ce libellé et a commis une erreur; du moins, c’est ce que j’ose croire parce que les gens font des erreurs. Nous le découvrirons au cours des prochains jours quand les amendements seront présentés, espérons-le. Nous saurons si c’est une erreur. Nous saurons si le sénateur Gold est démocratique et s’il accorde de la valeur à un débat rigoureux. Pour lui, un débat rigoureux se résume à ceci : « Je n’ai plus rien à dire. Votons. »

Je souhaite découvrir combien d’entre nous aimeraient que leur opinion soit entendue au cours des prochains jours. Nous verrons dans quelle direction la motion ira à partir de là.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, je regarde les changements que le leader du gouvernement veut apporter au Règlement afin que les deux titres soient mentionnés : le leader du gouvernement et/ou le représentant du gouvernement, ou « Government Representative ». Pourtant, le 25 avril 2023, le Président Furey a rendu une décision pour dire que le sénateur Gold, en tant que représentant du gouvernement, était effectivement leader du gouvernement.

Pouvez-vous expliquer pourquoi, selon vous, il veut effectuer ce changement et avoir un Règlement qui dit, en résumé, « être ou ne pas être »?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Sénateur Carignan, je me pose la même question.

On dit souvent qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, mais cela semble être ce que le sénateur Gold souhaite. Il veut porter le titre de son choix quand cela lui convient. Puis, lorsqu’il en a besoin pour parvenir à ses fins, il change de refrain et décide de porter un autre titre.

Vous avez raison. Le Président Furey a effectivement déclaré que le sénateur peut s’attribuer le titre de représentant du gouvernement s’il le désire, mais, en réalité, peu importe la désignation qu’il choisit, il demeure le leader du gouvernement.

Le Président Furey n’est pas ici, cela dit. Nous n’avons pas encore demandé à la Présidente actuelle de se prononcer là-dessus. Nous le ferons peut-être éventuellement, si le sénateur Gold continue d’insister pour dire qu’il est le représentant du gouvernement. Nous contesterons peut-être encore sa motion de fixation de délai et demanderons à notre nouvelle Présidente de se prononcer là-dessus, alors nous verrons si elle considère qu’il est le leader du gouvernement, car jusqu’à présent, on ne lui a pas posé cette question.

Je ne suis pas en train de l’aviser que c’est ce que nous ferons, mais si le sénateur Gold persiste dans son absurdité, nous devrons peut-être poser la question de nouveau pour tirer la chose au clair.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’aurais évidemment beaucoup de questions, mais quel est le risque, avec ce précédent, qu’un leader du gouvernement — ou un représentant du gouvernement — change le Règlement et qu’il utilise le pouvoir du gouvernement pour faire cela dans un Sénat qui se dit plus indépendant que jamais du gouvernement? Selon vous, quel risque ce précédent pose-t-il?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je pense que le risque que cela pose lors de la prochaine année et demie est très grand. Au bout du compte, je pense que la motivation du sénateur Gold est de s’assurer que la règle est en place lorsque Pierre Poilievre deviendra premier ministre, car c’est à ce moment-là qu’il aura besoin de ce deuxième parti de l’opposition.

Le sénateur Gold a presque le même âge que moi. Il est donc probable que nous serons ailleurs qu’au Sénat à ce moment-là. Néanmoins, il prépare la voie à une opposition libérale.

Je pense que le leader du gouvernement conservateur au Sénat ne s’attribuera pas le titre de représentant du gouvernement. Il admettra qu’il est le leader du gouvernement. Par conséquent, au moins une partie de cette règle sera, pendant un certain temps, mise de côté après les prochaines élections.

L’honorable Mary Coyle : Merci à tous nos collègues pour cette intéressante conversation que vous avez entre vous. Nous vous écoutons aussi.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Coyle, avez-vous une question?

La sénatrice Coyle : Oui, j’ai une question.

Comme vous le savez, sept autres sénateurs, peut-être huit — sans parler des autres qui ne l’auraient pas annoncé — veulent prendre la parole à ce sujet ce soir. C’est indiqué à l’ordre du jour. Des représentants de votre parti ont assisté à la réunion de préparation. Vous êtes au courant. Nous le sommes tous.

Pensez-vous conclure la conversation avec votre caucus bientôt pour permettre aux autres de débattre de ce sujet très important? Après tout, nous avons tous parlé de l’importance du débat de ce soir. Pourrons-nous entendre d’autres points de vue ce soir?

Le sénateur Plett : Merci, sénatrice Coyle, de cette question très importante.

La sénatrice McPhedran ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Bellemare ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Marty Deacon ne fait pas partie de notre caucus. La sénatrice Wallin ne fait pas partie de notre caucus. Je ne suis pas d’accord : ce n’est pas un débat entre nous.

Le Sénat est un endroit où débattre. Sénatrice Coyle, après cette question, j’espère que je pourrai en parler jusqu’à minuit parce que j’ai autant le droit...

Le sénateur Housakos : Non, vous avez encore plus le droit à titre de leader.

Le sénateur Plett : ... de prendre la parole pour débattre de cette question que quiconque dans cette enceinte.

Si c’est important pour vous, sénatrice Coyle, vous devriez vouloir nous entendre tous. Vous devriez vouloir entendre les questions et les réponses. D’ailleurs, nous avons posé des questions au sénateur Gold la semaine dernière et nous n’avons pas obtenu de réponses.

Sénatrice Coyle, il y aura beaucoup de temps. Si le leader du gouvernement ne présente pas de motion de fixation de délai, vous et tous les autres sénateurs — tous les 96 — devriez avoir la possibilité de prendre la parole, ce qu’il ne permettra pas. Ce n’est pas moi qui vais présenter une motion de fixation de délai, c’est lui. Votre question devrait s’adresser à lui, pas à moi.

La sénatrice Coyle : Oui. Je suis désolée de vous avoir contrarié. Je suis désolée que nous risquions tous d’être punis ce soir à cause de mon intervention.

Je suis d’accord avec vous, sénateur Plett, pour dire que chacun devrait avoir le droit de s’exprimer sur le sujet et de participer à un débat honnête et ouvert. Oui, je veux entendre tous ceux qui veulent s’exprimer sur ce sujet. J’aimerais simplement vous demander quand nous pourrons entendre les autres personnes qui veulent participer au débat.

(2130)

Le sénateur Plett : Quand tous les sénateurs qui veulent me poser des questions n’auront plus de questions à me poser.

Je tiens à préciser que je suis prêt à répondre à des questions. Je ne pose pas de questions; je réponds aux questions, contrairement à ce qu’a fait le leader du gouvernement quand on lui a posé des questions. Il ne répond pas. De toute évidence, vous ne voulez pas qu’on parle de tous les problèmes, car c’est ce que font mes collègues et d’autres sénateurs. Ils soulignent les lacunes de cette motion. J’ai l’impression que la majorité des sénateurs qui prendront la parole après certains d’entre nous vont plutôt faire l’éloge de cette motion.

Une voix : Évidemment.

Le sénateur Plett : Nous faisons donc le contraire. Nous la soumettons à un second examen objectif, sénatrice Coyle. Même votre question m’indique ce que vous pensez de cette opposition et de notre participation au débat, car il s’agit bien d’un débat.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Batters : Sénateur Plett, la motion présentée par le sénateur Gold dit que le président et le vice-président d’un comité peuvent demander une réunion. Que se passe-t-il s’il y a plus d’un vice-président dans ce comité? La demande doit-elle être faite par le président et tous les vice-présidents, ou seulement par le président et l’un de ces vice-présidents?

Le sénateur Plett : Si j’ai bien compris — et je me permets d’être un peu facétieux —, si aucune de ces deux personnes n’est membre de l’opposition, seuls le président et un vice-président suffiront. S’il se trouve que l’un d’entre eux est membre de l’opposition, je suis sûr qu’il faudra l’accord d’un autre membre.

La sénatrice Batters : Oui. Je constate également que, selon l’une des modifications proposées, il faudrait l’accord, en réponse à une demande du président et du vice-président, de la majorité des sénateurs suivants : le leader du gouvernement, le leader de l’opposition et les leaders ou facilitateurs des trois autres partis reconnus.

Il est donc possible que l’on demande une réunion de comité avec seulement une majorité, ce qui, bien entendu, pourrait exclure totalement l’opposition. Des réunions de comité pourraient désormais avoir lieu, avec le soi-disant caucus du gouvernement et d’autres groupes affiliés au gouvernement ou appuyant le gouvernement qui votent pour, et les autres qui votent contre. Historiquement, le gouvernement et l’opposition se partagent la présidence et la vice-présidence de nombreux comités sénatoriaux. L’obligation pour les deux parties de se mettre d’accord sur une réunion constituait une garantie que le gouvernement et l’opposition soient d’accord. Mais maintenant, sept comités n’ont ni président ni vice-président issu de l’opposition.

Est-ce là ce que veut le gouvernement, à savoir organiser des réunions de comités sans que l’opposition donne son accord?

Le sénateur Plett : Sénatrice Batters, il semble effectivement que ce soit le cas. Comme je l’ai dit il y a quelques minutes, bien franchement, j’aime aussi voir le bon côté des gens. J’aime leur donner le bénéfice du doute. C’est ce que j’aimerais faire, et c’est ce que je vais faire, parce que nous découvrirons la vérité. Jusqu’à présent, la menace d’une motion de fixation de délai plane au‑dessus de nos têtes, mais il n’y a eu ni motion ni avis de motion. J’aimerais encore croire que le sénateur Gold retournera à son bureau, demandera à son personnel de relire cette motion et lui demandera : « Avons-nous commis des erreurs? »

J’aimerais croire que personne n’est malfaisant au point de vouloir carrément détruire l’opposition en un seul soir. J’aimerais croire qu’ils réexamineront la question et qu’ils reviendront peut‑être en disant : « Vous savez, nous devrions peut-être retirer cette motion et recommencer » ou, à tout le moins, « Nous sommes certainement ouverts à tous les amendements qui pourraient améliorer ce document pour en faire un document raisonnable ». Ce n’est pas ce qu’ils font en ce moment. Ils ne cessent de dire : « Nous n’enlevons rien à l’opposition. Nous ne faisons qu’accorder à d’autres certains des mêmes droits. » Ce n’est tout simplement pas vrai. Vous avez souligné, j’ai souligné et d’autres ont souligné les nombreux domaines où ce projet de loi nous coupe l’herbe sous le pied et nous empêche de faire le travail pour lequel on nous a envoyés ici.

Tous les sénateurs dans cette enceinte sont ici pour une raison précise. Oui, nous avons critiqué le processus de nomination, et nous avons critiqué beaucoup de choses. Toutefois, je crois que chaque sénateur est ici pour accomplir un travail. Nous sommes également ici pour faire un travail; pourtant, il semble que nous soyons les seuls que tout le monde critique à peu près unanimement, bien que nous soyons le ciment du Sénat. Franchement, s’il n’y avait pas le caucus conservateur et s’il y avait seulement trois, quatre ou cinq caucus indépendants, cet endroit s’écroulerait. Nous devrions tous au moins reconnaître ce fait, même si nous croyons tous en notre droit d’être indépendants. S’il n’y avait pas de groupes cohérents et cohésifs, tout s’écroulerait. C’est pourtant ce qu’on nous demande d’accepter.

Le sénateur Housakos : Sénateur Plett, il est étonnant de constater que certaines personnes croient qu’un Sénat indépendant est une chambre d’écho où les gens prennent la parole essentiellement pour applaudir et louanger le gouvernement. Certains sénateurs s’agitent lorsque l’on critique leur gouvernement bien-aimé, ce qui, bien sûr, remet en question l’indépendance de l’institution.

Je vais vous poser une question sur les choses pour lesquelles les Canadiens font la queue devant ma porte, m’envoient des courriels, m’appellent et viennent me rencontrer lors d’activités que j’organise. J’informe tout le monde que c’est de ces gens-là que nous devrions parler. Des gens font la queue devant les soupes populaires. Aujourd’hui, dans ma ville, Montréal, il y a des émeutes dans les soupes populaires et des files d’attente comme nous n’en avons jamais vu auparavant. Depuis la semaine dernière, nous dépensons 54 milliards de dollars pour payer les intérêts de la dette d’un gouvernement en faillite. Depuis la semaine dernière, chaque cent de TPS perçu au Canada sert à payer les intérêts de la dette.

Sénateur Plett, toute une génération de Canadiens est contrainte de vivre dans le sous-sol de la maison de leurs parents. Pourtant, la plus grande priorité que le leader du gouvernement a choisie pour le Sénat dans ces circonstances et dans le contexte du 30 avril 2024, qui marque la fin de la période des impôts, c’est de présenter une motion qui limite le rôle du groupe au Sénat qui demande des comptes au gouvernement.

Le sénateur MacDonald : C’est un bon petit garçon.

Le sénateur Housakos : Comment expliquer une telle folie de la part d’un gouvernement cinglé?

Le sénateur MacDonald : C’est un bon petit garçon. Il fait ce qu’on lui dit.

Le sénateur Plett : Ce qu’un premier ministre cinglé lui dit.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Sénateur Housakos, il y a quelques années, mon épouse et moi avons déménagé à Steinbach, une petite ville du Manitoba. Je ne savais pas où se trouvait la soupe populaire, parce que personne n’y allait. Tout le monde avait à manger. Toutefois, maintenant, quand j’y passe en voiture, il y a des files d’un quart de mille, dans ma petite ville. C’est une honte. Nous avons un premier ministre qui ne cesse de dire : « Oui, je sais que rien ne va plus. Tout le monde est en colère, mais ce n’est pas mon travail de faire votre bonheur. » Quel est son travail? Consiste-t-il à dépenser de l’argent de façon frivole en consultants, en arnaques, en vacances, en voyages?

Vous avez raison. Il devrait ordonner au leader du gouvernement au Sénat de présenter une motion pour que nous puissions au moins contrôler le Sénat, parce que le premier ministre ne sera plus là lui non plus. Après les prochaines élections, il ne sera plus le chef du parti. Il ne sera peut-être plus le chef du parti après le mois de juin, mais il ne le sera certainement plus après les élections.

Le sénateur Housakos : Les libéraux n’auront peut-être même plus de parti.

Le sénateur MacDonald : Il sera le concierge.

Le sénateur Plett : Il dit : « Il faut protéger les libéraux au Sénat, élaborons donc certaines règles. Laissons les gens au Canada mourir de faim. Laissons-les vivre dans le sous-sol de leurs parents, mais créons des règles pour empêcher la petite opposition qu’il y a maintenant de faire son devoir, car elle fait du trop bon travail. »

Chers collègues, si nous ne faisions pas si bien notre travail — et je pense que, collectivement, nous pouvons nous féliciter —, le gouvernement n’aurait pas besoin de présenter cette motion. Ils présentent cette motion parce que nous maintenons la pression sur eux et, de fait, nous contribuons à maintenir la pression sur le gouvernement à l’autre endroit.

(2140)

Vous avez raison, sénateur Housakos; de toutes les choses que nous devrions et pourrions faire, c’est ainsi que nous employons notre temps. Ensuite, voilà qu’une sénatrice nous dit : « Désolée, mais vous prenez trop de temps. Laissez donc le reste de cette chambre d’écho s’exprimer. »

Le sénateur MacDonald : Sénateur Plett, je suis membre du caucus national conservateur depuis 15 ans. En fait, je pense que la question que l’on m’a posée le plus souvent au cours de ces années est la suivante : « Quelle est la partie la plus gratifiante de votre fonction de sénateur? »

Je réponds toujours la même chose : que je fasse partie du gouvernement ou de l’opposition, prendre part à la réunion du caucus le mercredi matin, rencontrer mes compatriotes canadiens d’un océan à l’autre, et discuter, en tant que Canadien, de ce qui est dans l’intérêt de mon pays, c’est un grand privilège, un grand honneur et quelque chose que je chéris.

Des voix : Bravo!

Le sénateur MacDonald : Voilà qu’on nous dit que nous devrions presque avoir honte d’être membres d’un caucus national, que c’est quelque chose de péjoratif.

Sénateur Plett, j’aimerais que vous expliquiez à nos collègues du Sénat dans quelle mesure nos discussions entre sénateurs des quatre coins du pays et avec les députés élus améliorent notre travail. J’aimerais aussi entendre votre opinion sur la façon dont les sénateurs peuvent contribuer à l’intérêt supérieur du pays en collaborant avec leurs collègues du caucus au sein du caucus national pour le pays.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur MacDonald.

J’aimerais commencer en vous exprimant brièvement mon point de vue sur ma présence au Sénat.

Si ma mémoire est bonne, j’ai été nommé au Sénat quatre ou cinq mois après vous, sénateur MacDonald, alors nous avons à peu près la même ancienneté. Lorsque des gens me demandent ce que je pense de mon siège au Sénat et ce qui est important pour moi, je réponds souvent que nous nous présentons dans cette enceinte, jour après jour, pour débattre. Nous sommes même parfois un peu frustrés les uns envers les autres ou en colère. Il peut aussi nous arriver de dire des choses que nous ne devrions pas dire. Nous pensons trop souvent qu’il s’agit d’un emploi comme un autre, mais chaque fois que je franchis les portes de cette enceinte, sénateur MacDonald, je suis conscient de l’immense responsabilité qui m’a été offerte de devenir le 994e sénateur à être nommé depuis la Confédération. Ce n’est pas beaucoup, même en tenant compte des centaines qui viendront après moi. Les sénateurs ne sont pas si nombreux.

Il s’agit d’une énorme responsabilité. Nous avons été nommés au Sénat pour travailler dans l’intérêt du Canada. Je tiens à dire, premièrement, que ce soir, nous ne travaillons pas pour le Canada. Parmi les plus grandes réalisations du Sénat figure, depuis toujours, le travail des comités. Comme je l’ai déjà dit, j’ai été membre de nombreux comités et j’ai participé à la rédaction de nombreux rapports avec le Comité des transports et des communications et le Comité de l’agriculture et des forêts, et je l’ai fait avec un grand plaisir. Nous avons accompli ce travail en mettant la partisanerie de côté.

Mon ami Terry Mercer n’écoute sûrement pas notre débat de ce soir, mais s’il l’écoute, je tiens à lui dire que j’ai beaucoup aimé travailler avec lui. Le sénateur Terry Mercer était probablement le libéral le plus partisan du Sénat et moi, le conservateur le plus partisan, et nous avions une belle collaboration.

Il ne s’agit pas seulement de nos propres caucus, sénateur MacDonald. C’est aussi le cas des autres caucus, car nous faisons partie d’équipes et nous travaillons ensemble. Cela a disparu. Ce n’est pas la faute de ces collègues qui ont été nommés par Justin Trudeau dans le cadre son expérience ratée. Ce n’est pas eux qui ont eu l’idée de cette expérience. Je suis sûr qu’ils seraient probablement membres d’un caucus libéral si Justin Trudeau en avait un, et si on leur avait demandé de siéger dans un caucus libéral. Je ne leur reproche donc pas d’être ici et d’être là où ils sont.

Je vois le sénateur Gold secouer la tête pour dire qu’il ne le serait pas. En fait, il est le seul à l’être, et il dit qu’il ne le serait pas. Je trouve cela étrange. Il est membre du Cabinet et c’est lui qui ne serait pas libéral.

Vous avez toutefois raison, sénateur MacDonald : nous collaborons. Nous travaillons ensemble, mais nous travaillons ensemble au-delà des lignes de parti, comme je l’ai dit, le sénateur Wells était à mes côtés aujourd’hui lorsque nous avons serré la main de Judy Sgro et l’avons étreinte. C’est une vraie libérale. Nous savons qu’elle est libérale, mais nous travaillons ensemble. C’est ce que cette Chambre devrait être, mais elle s’est égarée.

Peut-être que je fais partie du problème. J’espère que ce n’est pas le cas, mais sait-on jamais. Je ne pense pas que mes convictions ont changé au cours de mes 15 années et demie au Sénat. Il y a du mérite dans le fait de faire partie d’une équipe, et il y a du mérite dans le fait de travailler avec l’autre équipe. En ce moment, sénateur MacDonald, je ne suis pas certain de la composition de l’autre équipe, car personne n’admet en faire partie, y compris le leader du gouvernement au Sénat, qui n’admet pas faire partie du gouvernement.

Le sénateur MacDonald : Non, il passait simplement dans le coin.

L’honorable David Richards : Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Plett : Certainement.

Le sénateur Richards : Elle nécessite un certain préambule.

Une voix : Merveilleux. Prenez votre temps.

Le sénateur Richards : Je me suis entretenu avec des policiers aujourd’hui, et ils sont peu impressionnés par le projet de loi sur les armes à feu. Ils estiment qu’il s’agit d’un tour de passe-passe, que le projet de loi n’aide pas à combattre la criminalité, et je suis d’accord avec eux. Je leur ai dit que j’ai pris la parole pour m’y opposer, et que j’ai fait de même à l’égard des projets de loi C-11 et C-69. J’ai détesté le projet de loi C-48. Selon moi, ce sont tous des tours de passe-passe. Je ne crois pas que le projet de loi C-69 portait sur l’énergie, comme on le prétendait. Il s’agissait plutôt d’un projet de loi environnemental omnibus déguisé en projet de loi sur l’énergie. Il y a beaucoup de tels tours de passe-passe et cela me dérange depuis longtemps, surtout dans le cas des projets de loi C-18 et C-11. J’ai l’impression que la même chose se produit dans le cas de cette motion. Qu’en pensez-vous?

Par ailleurs, au sujet de l’idée d’accorder 45 minutes à certaines personnes pour s’exprimer, j’admire le discours que vous avez prononcé aujourd’hui. J’ai trouvé qu’il était excellent, mais personne n’a besoin de 45 minutes. Le discours de Gettysburg a duré trois minutes, et il était plutôt bon. Lorsqu’on a demandé à Napoléon Bonaparte d’expliquer la guerre, il a déclaré : « Si vous voulez vous emparer de Vienne, emparez-vous de Vienne. » J’estime qu’il a bien réussi à expliquer la guerre en ces mots.

Je ne pense pas qu’on ait besoin de 45 minutes, mais j’estime qu’il s’agit, en quelque sorte, d’un tour de passe-passe pour réduire les pouvoirs de votre caucus. Je le crois vraiment. Je voulais simplement dire que je crois que vous avez raison. Pouvez-vous me dire pourquoi vous croyez vous aussi qu’il s’agit d’un tour de passe-passe?

Le sénateur Plett : Sénateur Richards, merci beaucoup. Je suis parfaitement d’accord avec vous.

J’ai parfois critiqué le pasteur de mon église lorsqu’il fait des sermons de 35 ou 40 minutes. Je lui dis : « Vous avez parlé un peu trop longtemps. » Toutefois, l’autre dimanche, en sortant de l’église, il m’a dit : « J’ai écouté votre discours de 80 minutes. Ne venez plus vous plaindre de mes sermons de 35 minutes. » Peut-être que je devrais m’en abstenir, en effet.

Vous avez raison. Si vous avez besoin de plus de 35 minutes pour dire ce que vous avez à dire... par contre, quand on se retrouve avec un gouvernement qui a causé autant de scandales en neuf ans et qu’on veut tous les mentionner, cela risque de prendre un peu plus de temps.

(2150)

Je tiens à ce que tout le monde sache que le discours que j’ai prononcé la semaine dernière est le tout premier de huit longs discours. Ce sera une véritable saga. Préparez-vous, sénateur Richards: vous aurez l’occasion d’y assister de nouveau. Je tiens à indiquer à tout le monde ici que je ne le fais pas pour divertir les sénateurs. C’était le cas aujourd’hui parce que je parlais d’une motion. Cependant, lorsque je parle longuement d’une mesure législative ou de l’incompétence et des scandales du gouvernement, je ne le fais pas pour renseigner tous les sénateurs. Ils sont déjà au courant. Je le fais pour la gouverne des 700 000 personnes qui écoutent ce discours, ainsi que pour les 6 millions de personnes ayant voté pour le Parti conservateur. Cela va plus loin.

S’agit-il d’un tour de passe-passe ? Sans aucun doute. S’agit-il d’une tentative de détourner l’attention de quelque chose? C’est ce que font les magiciens. Lorsqu’un magicien fait un tour, il y a généralement une explosion ou un nuage de fumée quelque part, puis quelque chose ici disparaît parce que votre attention était retenue ailleurs.

Sénateur Richards, je crois que c’est exactement ce que le gouvernement fait dans ce cas-ci. Il se dit : proposons une motion pour concentrer le débat sur celle-ci au lieu de laisser le sénateur Plett attaquer le gouvernement encore une fois; occupons-les. Je ne sais pas. Vous avez raison. Ce qui est fou, c’est que la motion accordera au sénateur Tannas et au sénateur Dalphond un temps de parole de 45 minutes alors qu’ils l’ont déjà. Elle accordera à la sénatrice Saint-Germain un temps de parole illimité. Suis-je inquiet? Je n’ai jamais entendu la sénatrice Saint-Germain prononcer un discours de 45 minutes.

La sénatrice Saint-Germain : Vous n’avez rien vu.

Le sénateur Plett : D’accord, elle s’est exercée. J’ai hâte de l’entendre.

Je suis en faveur des 45 minutes depuis des années. Vous avez raison : une période de 45 minutes est suffisante. Un temps de parole illimité est exagéré. Toutefois, je tente de l’utiliser aujourd’hui. Tant que j’aurai ce droit, je continuerai de tenter de l’utiliser.

Sénateur Richards, vous et moi avons partagé le même point de vue sur de nombreuses mesures législatives, et je vous remercie. Je vous remercie des valeurs que vous défendez, de vos votes et de votre contribution aux débats. Vos interventions sont mûrement réfléchies. Je me demande parfois si Justin Trudeau vous connaissait.

Le sénateur Richards : Non.

Le sénateur Plett : Dieu merci, il vous a nommé.

L’honorable David M. Wells : Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : Oui.

Le sénateur Wells : Je vais faire un petit préambule. Je ne veux pas m’éterniser là-dessus; ce n’est pas mon style. Au Sénat, sous l’ancien système bipartite, il y a toujours eu des règles, des conventions et des convenances non écrites. Même lorsque le gouvernement Harper a pris le pouvoir en 2006, alors que les conservateurs étaient largement minoritaires, les projets de loi du gouvernement n’ont pas été rejetés, alors qu’ils auraient facilement pu l’être. Des motions auraient facilement pu être rejetées. Je suis sûr que certains ajournements ont été rejetés, mais il y a toujours eu des conventions et des convenances qui ont permis aux gouvernements de faire adopter leurs mesures législatives ou de les corriger et de les faire adopter. Même lorsque Justin Trudeau a accédé au pouvoir en 2015 et que nous étions majoritaires, nous n’avons rejeté aucun projet de loi du gouvernement, alors que nous aurions pu le faire.

Ce qui me préoccupe dans cette motion du sénateur Gold — et je siège au Comité du Règlement depuis que j’ai été nommé —, c’est que cette motion fait basculer la convention, voire l’anéantit, parce que les choses ne seront maintenant plus basées sur les convenances ou sur l’idée de permettre aux projets de loi du gouvernement d’être adoptés, avec ou sans amendements. Lorsque cette motion sera adoptée — et il est probable qu’elle le sera —, elle fera pencher la balance au point que, lorsque le prochain gouvernement prendra le relais — en supposant que ce ne sera pas un gouvernement libéral, un gouvernement néo-démocrate ou un gouvernement libéral—néo-démocrate — et qu’il disposera de la majorité lui permettant de faire tout ce qu’il doit faire, alors il le fera. Il jettera par la fenêtre cette convention et ces convenances que le Sénat respecte depuis près de 160 ans.

Qu’en pensez-vous? Si vous vous projetez dans l’avenir, vous serez déjà à la retraite depuis longtemps. Que pensez-vous du fait de perdre ces conventions, de perdre ces convenances parlementaires que tous les partis ont observées, peut-être même ce soir?

Le sénateur Plett : Je vous remercie, sénateur Wells. Vous avez tout à fait raison. Permettez-moi également de faire un bref préambule avant de répondre.

Sénateur Wells, vous et moi avons siégé ensemble sous la direction du sénateur Smith, moi en tant que whip et vous en tant que président du caucus. Je me souviens de la belle époque où le sénateur Joseph Day était le leader du caucus libéral. Il y avait le Groupe des sénateurs indépendants, et nous avons négocié différentes choses. Tout était négocié. Tout se faisait par consensus. Il y avait des concessions à faire, et il fallait composer avec cela.

Pendant plus de huit ans, nous avons pu mener à bien l’étude des projets de loi sans recourir à la fixation de délai. Il y a de nombreuses conventions. Cette motion mettrait fin à tout cela. Encore une fois, je tente d’émettre des hypothèses. J’espère toujours qu’on reconnaîtra qu’il s’agit d’une erreur. De deux choses l’une : ou bien c’est de la jalousie, ou bien ils veulent freiner l’opposition parce qu’elle fait trop bien son travail. Vous avez raison de dire que nous avons toujours mené à bien l’étude des projets de loi. Il en a toujours été ainsi. Nous ne cherchons jamais à faire échouer les projets de loi d’initiative ministérielle.

Aujourd’hui, ils imposent quelque chose et force est de constater — et je serai un peu plus positif à propos du commentaire en évitant les hypothèses — que lors des prochaines élections, les conservateurs formeront le gouvernement. Vous, sénateur Wells, ferez probablement partie de ce gouvernement. Vous êtes encore assez jeune et de nombreux collègues le sont, de sorte que vous aurez l’occasion d’essayer d’utiliser ces modifications du Règlement à votre avantage. C’est le propre de la politique. Vous allez essayer. Notre caucus essaiera. Notre leader essaiera d’inverser la tendance. Certaines des modifications se retourneront contre ceux qui ont votées en leur faveur. Certaines d’entre elles sont très stratégiques et visent à créer des partis d’opposition supplémentaires. Mais certaines de ces règles les désavantageront, car le Parti conservateur n’aura plus l’obligation de travailler par consensus, parce que cela aura été supprimé ce soir.

L’honorable Jim Quinn : Cette discussion est intéressante. Je suis en quelque sorte coincé dans une position où nous voulons avoir un débat approfondi et apprendre par l’intermédiaire du débat. Il y a la possibilité de fixer un délai. Je n’ai pas entendu le sénateur Gold proposer la fixation de délai, mais il semble que cela soit possible. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai comparu devant le Comité du Règlement après avoir rédigé une lettre. J’ai dit ce que j’avais à dire à ce sujet la semaine dernière. J’ai comparu devant le Comité du Règlement et il m’a beaucoup impressionné. J’ai trouvé que la présidente faisait un excellent travail. Je pense que les questions étaient centrées sur la question d’un délai de 45 jours contre 60 jours pour la production d’une réponse.

Étant donné qu’il semble y avoir tellement de questions, pourquoi ne pas renvoyer le dossier au Comité du Règlement? Seriez-vous favorable à cette façon de faire?

(2200)

Le sénateur Plett : Je suis désolé. Nos nouveaux écouteurs s’emmêlent dans mes appareils auditifs. Je vous prie de m’excuser.

Oui, sénateur Quinn, je suis tout à fait d’accord. Je dis depuis le début qu’il faudrait confier ce dossier au Comité du Règlement. J’ai une confiance absolue non seulement envers les membres du caucus conservateur qui siègent au Comité du Règlement, mais aussi envers les membres des autres groupes qui siègent à ce comité.

Comme la sénatrice Batters l’a clairement souligné dans l’une de ses questions, le Comité du Règlement est arrivé à un consensus sur de nombreuse questions mais pas sur toutes, et pas sur celles que le sénateur Gold considère particulièrement importantes. En fait, il contourne quelque chose qui... Je ne sais plus comment ni pourquoi cela s’est produit. Pourquoi le Comité du Règlement n’a-t-il pas présenté un rapport, à tout le moins? Il aurait pu présenter les éléments sur lesquels le comité était arrivé à une entente, même s’ils ne représentaient que la moitié de ce qu’il aurait voulu régler. Pourquoi n’a-t-il pas présenté son rapport, pour voir s’il serait adopté par le Sénat? Ce serait la bonne façon de procéder, sénateur Quinn.

Au lieu de procéder ainsi, le sénateur Gold a déclaré : « Cela ne me convient pas, et je n’ai pas besoin d’un comité pour l’étudier, car je sais mieux que personne ce qu’il faut faire. » Pas le gouvernement. Il dit clairement que ce n’est pas le gouvernement. Il l’a dit clairement. Je pense qu’il a même utilisé l’expression « point final » à la fin de sa déclaration. Ce n’est pas Justin Trudeau. « C’est moi, le sénateur Gold. » Cela signifie donc qu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, comme je l’ai dit plus tôt, mais il l’impose tout seul.

Sénateur Quinn, vous a-t-il répondu lorsque vous lui avez demandé plus tôt aujourd’hui, pendant la période des questions, s’il envisagerait un amendement? Non. Il a dit qu’il incombait au Sénat de décider. Non, c’est votre motion, sénateur Gold.

C’est habituellement ainsi que cela fonctionne. Quand le gouvernement présente un projet de loi et que ce dernier est renvoyé à un comité, on demande habituellement au représentant du gouvernement, peu importe de qui il s’agit : « Accepteriez-vous des amendements? » En règle générale, on nous donne une réponse. Ce n’est pas toujours une réponse définitive, mais on peut nous dire : « Oui, nous pourrions envisager certains amendements. » On n’a même pas eu la courtoisie de nous donner une telle réponse aujourd’hui. Le sénateur a simplement dit : « C’est le Sénat qui décidera. Je ne vous dis pas ce que je vais faire. » Eh bien, j’ai une assez bonne idée de ce qu’il fera. Il utilisera son temps de parole illimité pour s’opposer aux amendements que nous aurons proposés et, en temps voulu, il imposera la fixation de délai. Non, ce n’est pas ce qu’il a dit aux sénateurs, mais je peux vous assurer que, pour moi, il ne fait absolument aucun doute que c’est ce qu’il entend faire dans un avenir rapproché si la motion n’est pas adoptée rapidement.

Ce n’est pas de la spéculation. C’est quelque chose que l’on m’a promis. Donc, non, ce n’est pas la bonne façon de faire les choses, en particulier dans ce cas-ci. Il ne s’agit pas d’un projet de loi du gouvernement. Des millions de gens meurent de faim, mais cette mesure n’y changera rien. Il ne s’agit pas d’un projet de loi de crédits. Cette mesure n’a aucune importance. Si cette proposition n’est pas adoptée avant le 21 juin, il n’y aura pas une personne de moins dans les files d’attente pour obtenir de la nourriture. Cela n’a aucune incidence sur le reste du Canada, et, pourtant, c’est plus important que tout le reste. Le sénateur doit réorganiser les affaires du gouvernement pour avoir la certitude de pouvoir disposer de cette question, car il est important pour tous les Canadiens que ces règles soient adoptées afin que la sénatrice Saint-Germain — que Dieu la bénisse — puisse disposer d’un temps de parole illimité.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Plett, tout à l’heure, après que vous ayez répondu à des questions pendant seulement 90 minutes, la sénatrice Coyle a contesté le temps que vous preniez, en tant que leader de l’opposition au Sénat, pour parler et répondre aux questions sur ce sujet important dont nous sommes saisis ce soir. Pourtant, à l’article 7 de la motion, le sénateur Gold accorde au leader du Groupe des sénateurs indépendants un temps de parole illimité pour chaque projet de loi et chaque motion. Je me demande si la sénatrice Coyle aurait le même problème si le chef de son Groupe des sénateurs indépendants disposait d’un temps de parole illimité à chaque question.

Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’accorder un temps illimité à un troisième leader dans cette enceinte? À la Chambre des communes, qui dispose d’un temps de parole illimité? Le chef du Bloc Québécois a-t-il présentement d’un temps de parole illimité? Pourquoi le gouvernement accorderait-il ce droit particulier uniquement au Groupe des sénateurs indépendants? Pourquoi ne l’accorderait-il pas à tous les leaders?

Le sénateur Plett : Permettez-moi de faire écho au moins à la première partie de votre intervention. Vous avez tout à fait raison. Cette motion sera fort probablement adoptée. On m’a clairement fait comprendre, ce matin, que nous sommes en minorité dans cette enceinte et que cette motion sera adoptée. Donc, vous avez raison, sénatrice Batters, cette motion donne un temps de parole illimité à un sénateur membre d’un autre groupe. Pourtant, un membre de ce caucus s’est opposé à ce que mon temps de parole soit illimité, mais va probablement voter en faveur de la motion pour que son chef ait un temps de parole illimité. C’est quelque peu ironique, à mon avis, mais, quoi qu’il en soit, c’est comme ça.

Je soupçonne, sénatrice Batters, qui si notre débat s’étire un peu trop en longueur, le gouvernement pourrait fort bien présenter un amendement à sa motion pour enlever le temps de parole illimité au leader de l’opposition afin de tout simplement le donner à un autre leader. Je pense que le gouvernement veut nous l’enlever parce que je suis sûr que tout le monde est fatigué de notre débat, à l’exception de vous et moi...

Le sénateur MacDonald : Je ne suis pas fatigué.

Le sénateur Plett : D’accord, il y en a d’autres.

Toutefois, vous avez raison, sénatrice Batters. Je ne comprends pas pourquoi nous ne donnons pas à chaque leader... On nous affirme catégoriquement que le Groupe des sénateurs indépendants ne fait pas partie du gouvernement. Il n’en fait pas partie, il est indépendant. Par conséquent, qu’est-ce qui fait que les sénateurs Tannas ou Dalphond sont plus ou moins indépendants que la sénatrice Saint-Germain? Est-ce simplement parce que ce groupe compte moins de sénateurs? Quel est le seuil? Combien de sénateurs faut-il avant... La sénatrice McPhedran a demandé si nous sommes tous égaux.

Eh bien, à mon avis, le Groupe des sénateurs canadiens et le Groupe progressiste du Sénat pourraient poser la même question. Ne sommes-nous pas tous égaux? Pourquoi ne sommes-nous pas tous traités sur un pied d’égalité? Nous sommes tous indépendants. Nous ne faisons pas partie du gouvernement, alors on devrait nous accorder la même chose. Je ne sais pas. C’est un choix sélectif. Il a seulement besoin qu’un autre groupe fasse partie du gouvernement, et c’est celui-là qu’il a choisi.

La sénatrice Batters : Je souhaite poser une question sur l’expression « sénateurs désignés » qui est utilisée dans cette motion. Nous ne jouons pas au baseball. Il ne s’agit pas d’un frappeur désigné. Il s’agit de sénateurs désignés. Cet article prévoit que chaque groupe parlementaire, et pas seulement cinq, aura un « sénateur désigné » qui pourra faire des discours de 45 minutes aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture de chaque projet de loi. Si on essaie d’éviter les tactiques qui font perdre du temps, on pourrait penser que le gouvernement ne serait pas enclin à agir de la sorte. Cependant, si l’on se fie à l’échange de questions et de réponses que les sénateurs Gold et Quinn ont eu à ce sujet la semaine dernière, il semble que le gouvernement n’ait pas l’intention d’organiser une séance d’information pour le sénateur désigné, comme il le ferait pour le parrain et le porte-parole d’un projet de loi. Par conséquent, de quoi le sénateur désigné devrait-il parler pendant 45 minutes pour ensuite tenter de répondre aux questions?

Une voix : Je ne sais pas. Ils inventent des noms.

Le sénateur Housakos : Qu’est-ce qu’un sénateur désigné?

Le sénateur Plett : Je suis d’accord. Nous ne sommes pas une équipe de baseball. Nous n’avons pas de frappeurs désignés. Nulle part dans le Règlement on n’explique ce qu’est un « sénateur désigné ». Comme je l’ai dit, à mon avis, cela fait partie de l’étalage de vertu des libéraux : « Nous voulons donner quelque chose de plus à quelqu’un d’autre. Nous ne savons pas exactement à qui nous le donnons, mais nous vous offrons à vous, les leaders, la possibilité de choisir quelqu’un parmi les vôtres et de le désigner afin qu’il puisse prononcer des discours de 45 minutes. »

Le sénateur Richards avait tout à fait raison lorsqu’il s’est interrogé sur le besoin d’avoir des discours de 45 minutes ici, mais nous voici pourtant à désigner tout un tas d’autres personnes qui pourront prononcer ces discours de 45 minutes. Comme je l’ai dit, cette motion contient tellement d’éléments que le sénateur Gold n’a jamais expliqués. La seule explication qu’on nous a fournie concernant la raison d’être de cette motion au Sénat, c’est parce que nous devons créer une Chambre moins partisane. J’essaie de comprendre comment cela nous aide à y parvenir. Je suis vraiment sincère quand je dis cela. J’essaie de comprendre comment cela va nous permettre d’en arriver à une Chambre moins partisane. C’est la seule raison qu’on nous a donnée.

(2210)

Le sénateur MacDonald : Sénateur Plett, j’aimerais vous parler du débat sur la motion de fixation de délai. Le gouvernement accorde 20 minutes de parole à cinq leaders. Cela nous laisse 50 minutes. En théorie, 100 sénateurs pourraient prendre la parole pendant 30 secondes. Dans le monde civilisé et démocratique, connaissez-vous une Chambre où les membres en sont réduits à un temps de parole de 30 secondes?

Le sénateur Plett : Eh bien, la réponse courte est « non ». Évidemment, il n’y aura pas une division égale du temps de sorte que chacun aura 30 secondes. Bien sûr, cela n’a rien à voir avec les intervenants ou avec la façon de leur donner la parole, mais on constate souvent que le sénateur Richards, parce qu’il est dans le coin de la salle, n’obtient pas la parole parce qu’il est trop loin. La sénatrice Wallin a dit qu’il lui arrivait parfois, parce qu’elle est tout au fond, qu’on ne lui donne pas la parole quand elle se lève. Alors, qu’en est-il de l’opposition? Ils sont au moins assis au milieu. Et le gouvernement? Ils sont par là. Qui peut le plus facilement attirer l’attention de la présidence? Ceux qui sont assis près du fauteuil.

Cela pourrait faire en sorte que l’opposition n’ait pas l’occasion d’intervenir du tout, pas même 30 secondes. C’est l’effet qui sera obtenu. Je ne dis pas cela pour critiquer la Présidente, parce que, quand elle lève les yeux, quelqu’un attire son attention et elle lui donne la parole. Cela se produit tout le temps. Plus un sénateur est loin du fauteuil, moins il a de chances d’obtenir la parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur MacDonald, avez-vous une question complémentaire?

Le sénateur MacDonald : Je peux en trouver une si vous voulez.

Le sénateur Housakos : Chers collègues, je l’ai dit à maintes reprises et je le répète : le gouvernement considère toujours le Parlement comme une nuisance, et c’est normal. Si nous faisons notre travail correctement, avec ouverture d’esprit, indépendance et rigueur, nous devons être une nuisance pour le gouvernement.

Lorsque je suis arrivé ici il y a de nombreuses années, beaucoup m’ont dit de ne pas trop m’emballer parce que je ne ferais pas partie indéfiniment du gouvernement. Je pense que le sénateur Percy Downe et mon bon ami le sénateur Dawson ont dit que si je restais ici assez longtemps — et j’étais assez jeune quand je suis arrivé —, j’aurais l’occasion de siéger des deux côtés du Sénat. Il est important d’être toujours conscient que les sénateurs de l’opposition sont les mieux placés pour demander des comptes au gouvernement, ce qui constitue le rôle le plus important.

Sénateur Plett, je ne comprends pas pourquoi, au cours des dernières années, les sénateurs qui ont reçu le plus grand privilège, qui demandent des comptes au gouvernement et qui parlent au nom de leurs concitoyens, ont accepté que le gouvernement les neutralise et fasse d’eux des parlementaires de seconde classe. Le gouvernement a fait cela en les expulsant de son caucus. Il a fait cela en rendant honteuse la participation au processus politique démocratique. Maintenant, il veut également limiter le rôle de l’opposition afin de diminuer une fois de plus notre rôle en tant que parlementaires.

Ma question est la suivante : le Sénat a été créé sur le modèle de la Chambre des communes à Westminster. Si on lit la Loi sur le Parlement du Canada, on voit clairement — je pense que c’est à l’article 18 — que le Sénat a été créé sur le modèle de la Chambre des communes de Westminster, avec les mêmes droits et privilèges que l’autre Chambre, mis à part le fait que le Sénat est une assemblée dont les membres sont nommés et non élus.

Pourquoi, dans cette motion, le gouvernement a-t-il délibérément eu recours à des mesures aussi extrêmes que de limiter et d’éliminer des droits et privilèges qu’ont les députés, d’éliminer les droits et privilèges des caucus et des parlementaires dans cette enceinte en ce qui concerne la fréquence des interventions, la fréquence des interventions de l’opposition, et ainsi de suite? Pourquoi le gouvernement est-il obsédé par l’idée de limiter les pouvoirs du Parlement?

Le sénateur Plett : Je vous remercie, sénateur Housakos. J’ai l’impression que, si les libéraux avaient à l’autre endroit la majorité qu’ils ont dans cette enceinte…

Le sénateur Housakos : Que Dieu nous en garde.

Le sénateur Plett : ... ils pourraient très bien tenter de faire exactement ce qu’ils essaient de faire ici. Heureusement, ils ne disposent pas d’une telle majorité à l’autre endroit.

Le sénateur Housakos : Ils ont tenté de le faire il y a quelques années.

Le sénateur Plett : Vous avez raison : ils ont essayé de le faire. Ils n’ont pas réussi, et je pense que ce sera la même chose ici à long terme. Il y aura un retour du balancier. Dans un avenir pas trop lointain, Pierre Poilievre deviendra le premier ministre de notre pays.

La sénatrice Martin : Bravo!

Le sénateur Plett : Avec vous, chers collègues — ceux d’entre vous qui sont plus jeunes que la sénatrice Seidman et moi —, il apportera des changements au Sénat. C’est une expérience ratée, et elle le restera. Pourquoi les libéraux le font-ils ici alors qu’ils ne le font pas à l’autre endroit? C’est parce qu’ils le peuvent. C’est ce que le gouvernement actuel a fait. Le premier ministre est un intimidateur. Il l’est depuis le début. Son père l’était avant lui. Il est un intimidateur.

Lorsque des manifestants pacifiques se trouvent sur la rue Wellington, il les qualifie de marginaux et refuse de leur parler. Lorsque des manifestants frappent sur le toit des voitures avec des emblèmes incitant à la haine contre les Juifs, il reste silencieux.

Le sénateur MacDonald : Exactement.

Le sénateur Plett : Voilà ce que fait le premier ministre. Voilà ce que fait le gouvernement, chers collègues, et cela s’est répercuté sur le leadership du gouvernement au Sénat. Même s’ils sont peu nombreux au bureau du représentant du gouvernement, ils sont nombreux à être dans le camp du gouvernement, et c’est pourquoi ils sont capables de le faire et le feront.

Très franchement, je suis profondément troublé par le fait que des collègues qui ont été conservateurs et qui se disent toujours conservateurs appuient cette motion. Cela me perturbe davantage que de voir les libéraux appuyer cette motion. Il s’agit d’une motion libérale. Je le comprends, mais il y a des collègues conservateurs qui essaient d’entraîner l’opposition dans leur chute. Cela me dérange beaucoup plus.

Le sénateur Housakos : Pierre Poilievre remportera un gouvernement majoritaire et il ne fait aucun doute qu’il abolira la taxe, construira des logements, redressera le budget et fera échec au crime. La question que je me pose est la suivante : va-t-il réparer les dégâts causés à cette institution? L’autre question que je me pose, c’est de savoir si un gouvernement de Pierre Poilievre — qui, selon toute vraisemblance, obtiendra un mandat très clair de la part du peuple canadien — bénéficiera du même type de soutien de la part du Sénat indépendant lorsqu’il déposera des motions visant à modifier les règles et les procédures. Le Sénat indépendant acceptera-t-il ces changements de la part d’un gouvernement dûment élu? Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Plett : Sénateur Housakos, j’aimerais croire que ce sera le cas, mais je suis désolé, je suis du Missouri. Il n’y aura pas de coopération avec Pierre Poilievre.

Le sénateur Housakos : Dites-moi que ce n’est pas vrai.

Le sénateur Plett : Toutefois, je fais entièrement confiance à Pierre Poilievre, à vous, sénateur Housakos, et aux autres jeunes parmi nous qui seront encore ici pour mener le combat. Je prie pour que vous le fassiez. Je suis persuadé que vous le ferez. Je vois des gens pleins d’énergie sur nos banquettes, même si nous sommes moins nombreux. Il n’en reste plus beaucoup de ce côté-ci.

Le sénateur Housakos : Il y en a amplement.

La sénatrice Martin : Vous faites du bon travail.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, au risque de vous décevoir, je dois admettre que mon interprétation de la motion no 165 est beaucoup moins créative et hypothétique que celle du sénateur Plett. La mienne est plutôt factuelle et objective. En vous faisant part de mon point de vue, j’ai aussi l’intention de démontrer qu’entre sénateurs, nous pouvons faire valoir des points de vue différents tout en continuant de coopérer et de travailler de façon cordiale et respectueuse.

(2220)

Sénateur Plett, vous savez que j’ai du respect pour vous et que je vous suis reconnaissante du dévouement dont vous faites preuve en assumant vos responsabilités dans cette enceinte. Voilà pour mon introduction. Le style est certes différent.

[Français]

Chers collègues, nous sommes aujourd’hui à un moment décisif de l’histoire du Sénat et j’estime que nous devons tous comprendre l’importance de ce moment et du débat qui a cours maintenant.

La motion no 165, si elle est adoptée, aura assurément un impact sur l’efficacité et sur la crédibilité de notre Chambre de second examen attentif et complémentaire à celui de la Chambre des communes, où siègent les parlementaires élus.

Lorsque la réforme du Sénat et le processus de nomination indépendant associé à cette réforme ont commencé en 2015, la Chambre haute du Parlement vivait une période difficile. L’institution était aux prises avec des problèmes éthiques et de gouvernance, une situation qui avait confirmé, auprès de nos concitoyens, une image négative associée à la Chambre rouge.

Le Sénat d’aujourd’hui a gagné en crédibilité. À petits pas, il a évolué, a trouvé une nouvelle voie, moins partisane, plus constructive et qui laisse place à une plus grande liberté d’initiative et d’expression. La population, tout en gardant certaines réserves, semble avoir apprécié le chemin parcouru. Des sondages professionnels datant de 2019 et 2021 montrent bien que ce Sénat moins partisan a certainement freiné la perte de crédibilité et de confiance des Canadiens envers cette institution, mais cette perte de confiance et de crédibilité demeure néanmoins.

[Traduction]

En fait, chers collègues, la motion no 165 n’est pas une proposition unique, radicale ou nouvelle. Elle est le fruit d’années de débats, de discussions et de rapports. Elle représente également la suite logique d’une longue série de changements. Il y a deux semaines, le sénateur Gold a évoqué cet historique dans son discours, mais permettez-moi de rappeler le chemin parcouru avant d’aborder le contenu de cette motion.

Tout d’abord, en 2016, le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat a été chargé, comme indiqué dans son tout premier rapport, de :

fournir des orientations sur la façon de transformer une institution parlementaire du XIXe siècle en une institution apte à répondre aux défis du XXIe siècle [afin d’] améliorer son fonctionnement pour mieux servir les Canadiens.

Les sénateurs conservateurs, libéraux et indépendants ont tous contribué aux travaux du comité. Il a siégé pendant trois ans et a produit 13 rapports proposant des lignes directrices et des recommandations concrètes pour moderniser le Sénat, dont certaines figurent dans la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Plus tard, en 2020, les sénateurs Tannas et Woo ont présenté au Sénat des motions proposant des améliorations à nos règles pour mieux refléter ce qui était devenu la nouvelle réalité de la composition du Sénat. Puis, en 2022, la loi qui nous gouverne, la Loi sur le Parlement du Canada, a également été modifiée pour mieux refléter cette nouvelle réalité. Cette modification a été adoptée sans difficulté par les deux Chambres. En fait, pas un seul sénateur n’a voté contre cette modernisation. Enfin, l’an dernier, à la suite des motions des sénateurs Woo et Tannas, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a étudié des modifications possibles au Règlement et a produit son cinquième rapport, intitulé Équité entre les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus.

Depuis 2016, le Comité sur la modernisation et le Comité du Règlement — un comité permanent de 15 membres — ont tenu 147 réunions sur le sujet, ce qui représente un imposant 197 heures d’étude et de délibérations. Nous parlons donc de 147 réunions et de 197 heures de séance. Voilà le fondement solide sur lequel repose cette motion.

Il est temps que le Règlement du Sénat reflète les lois du pays et qu’il soit conforme à la Loi sur le Parlement du Canada. Il est temps que le Règlement réponde aux besoins d’un Sénat diversifié et moderne.

Maintenant que nous avons vu le long chemin parcouru, jetons un coup d’œil à ce qui nous est présenté aujourd’hui.

La motion no 165 est vaste et exhaustive. Elle décrit avec précision ce qui doit changer pour que le Sénat que nous connaissons depuis huit ans fonctionne de manière équitable et efficace. Elle reflète les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, adoptées à l’unanimité par les deux Chambres du Parlement, comme je l’ai dit précédemment, et elle comble le fossé flagrant entre nos lois et notre Règlement. En réalité, elle permet à un plus grand nombre de sénateurs d’avoir leur mot à dire dans le processus décisionnel du Sénat. En veillant à ce que les facilitateurs ou les leaders de tous les caucus et groupes soient consultés, elle leur donne la possibilité de participer plus efficacement à la gouvernance du Sénat et de ses comités. Les modifications proposées dans la motion renforcent la base démocratique du Sénat, confirmant que le duopole, vestige d’un Sénat partisan, n’est plus le mantra dans cette enceinte.

Plus précisément, la motion donnera la possibilité aux leaders du Groupe des sénateurs indépendants, du Groupe des sénateurs canadiens et du Groupe progressiste du Sénat, qui représentent collectivement 72 des 96 sénateurs actuellement nommés, d’agir sur d’importantes questions stratégiques, comme le report de votes par appel nominal ou la durée de la sonnerie précédant un vote. Tous les groupes auraient également la possibilité de nommer un représentant qui pourra s’exprimer pendant 45 minutes sur chaque projet de loi. Nous pourrions ainsi représenter beaucoup mieux les différentes perspectives des régions, des Autochtones, des minorités, des populations vulnérables, agir au nom des nombreuses régions du pays, et bien plus encore.

En premier lieu, la motion assurera la complémentarité du Sénat avec la Chambre des communes, ce qui est la raison fondamentale de sa création et de son inscription dans la Constitution du Canada.

Le Groupe des sénateurs indépendants, le plus grand groupe au Sénat, ou tout futur groupe qui comptera le plus de membres, bénéficiera enfin, comme l’opposition et le gouvernement, d’un temps de parole illimité pour son facilitateur. Je sais qu’il s’agit d’un outil important. Certains s’en servent pour faire de l’obstruction, mais, tant que je serai facilitatrice, je m’engage à ne jamais faire une telle chose.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Saint-Germain : La motion mettra également à jour les titres des sénateurs qui occupent actuellement des postes de leadership. Ce faisant, la motion no 165 représentera non seulement la réalité du Sénat, mais elle reflétera également la décision de l’ancien Président Furey du 25 avril 2023, ainsi que sa décision du 19 mai 2016, ne laissant aucune place à d’autres interprétations, et encore moins à des rappels au Règlement sur cette question.

Cette motion comprend également des changements essentiels pour améliorer l’efficacité, comme la réduction de la durée de notre pause repas de deux heures à une heure, et l’établissement d’une exigence de 60 jours civils pour que le gouvernement fournisse des réponses différées aux questions écrites du Sénat. Tous ces changements nous aideront à remplir avec plus de diligence et d’efficacité notre devoir de demander des comptes au gouvernement.

En ce qui concerne les questions écrites, je parlerai plus en détail de l’amendement du sénateur Quinn.

[Français]

Pourquoi ces changements, qui peuvent sembler techniques en apparence, sont-ils si importants?

Précisément parce qu’ils assurent la légitimité et l’égalité des sénateurs non affiliés à un caucus de la Chambre des communes. Je parle ici d’environ 80 % des membres actuels de cette Chambre. Ces 79 sénatrices et sénateurs ne sont pas moins aptes que quelque autre sénateur que ce soit à demander des comptes au gouvernement et à modifier ou critiquer des projets de loi et d’autres initiatives, en vue de les voir bonifiés.

(2230)

La différence, toutefois, c’est que nous voyons notre rôle non pas comme un rôle d’obstruction, mais plutôt comme un rôle d’analyse attentive et critique, dans le but d’améliorer des projets de loi d’initiative gouvernementale, tout cela dans une perspective qui va bien au-delà de la vision d’un parti quel qu’il soit et de considérations électoralistes qui ne sont pas du ressort de notre Chambre non élue, qui est la seule de ce genre au sein du système de Westminster, si l’on exclut les crossbenchers qui, au sein de la Chambre des lords au Royaume-Uni, sont généralement non élus.

En 2024, faut-il encore voir le Sénat comme une institution dans laquelle, pour être équitablement considéré en vertu du Règlement, il faut soit appuyer totalement toutes les motions du gouvernement, soit s’y opposer obstinément et avec intransigeance?

[Traduction]

J’insiste sur le fait que je trouve fort important de définir le Groupe des sénateurs indépendants, le Groupe progressiste du Sénat et le Groupe des sénateurs canadiens comme une forme d’opposition différente, mais tout aussi pertinente. Il s’agirait d’une forme d’opposition différente, parce que constructive et complémentaire de la Chambre des Communes, plutôt que d’imiter le style d’opposition de l’autre endroit. Je dis cela avec respect pour les parlementaires élus, mais nous ne sommes pas des parlementaires élus.

Il n’y a jamais eu autant d’amendements aux projets de loi du gouvernement que dans le nouveau Sénat actuel. N’est-ce pas la preuve que les sénateurs indépendants des trois groupes indépendants tiennent le gouvernement responsable et améliorent les projets de loi dans l’intérêt des Canadiens? Nous ne sommes pas affiliés à un parti, et en aucun cas nous ne faisons passer les intérêts du parti avant ceux du pays.

[Français]

Pour ma part, j’estime que le Sénat issu de la réforme est beaucoup plus proche de son mandat constitutionnel de Chambre complémentaire à la Chambre élue.

C’est une institution démocratique de second examen attentif et ses membres doivent baser leurs propos sur des faits et des données probantes, sur l’expertise et le meilleur intérêt commun des citoyens du pays.

Les règles et pratiques ayant cours aujourd’hui font qu’une majorité de sénateurs sont des otages du militantisme partisan. Ils ne sont pas les seuls à s’y sentir inconfortables. Les sondages sur la question sont clairs. Les Canadiens souhaitent une Chambre complémentaire à la Chambre élue et, surtout, qui est au-dessus de considérations purement partisanes.

[Traduction]

Le sentiment est le même au sein de notre institution. En 2024, une vaste majorité de sénateurs sont favorables aux changements proposés dans la motion. Cela n’a jamais été aussi évident que pendant l’étude menée par le Comité du Règlement. Malheureusement, le comité a décidé qu’il faudrait l’unanimité pour avancer. Il a ainsi accordé un droit de veto à tout sénateur qui n’était pas d’accord, ce qui l’a empêché de soumettre des recommandations au Sénat.

Au sénateur Plett, qui met en cause l’étude de la motion, je rappelle respectueusement qu’il s’oppose à ces changements depuis plus de huit ans.

Il ne faudrait pas croire qu’il n’y avait pas de consensus au sein du comité. L’unanimité n’est pas synonyme de consensus. Lorsque quelques personnes bloquent systématiquement la volonté du plus grand nombre, la démocratie échoue.

Cette situation est typique des règles qui encadrent actuellement le fonctionnement du Sénat. Nous refusons des privilèges à la majorité des sénateurs et des groupes au profit d’un petit nombre de sénateurs et de groupes. Ce faisant, nous allons à l’encontre de la démocratie et de la volonté des Canadiens et nous laissons s’exercer, dans cette institution, la tyrannie de la minorité, un concept — je le souligne — qui est totalement étranger aux principes du système de Westminster.

[Français]

Pour conclure, chers collègues, après tous ces débats et toutes ces études, il est grand temps d’aller de l’avant avec la modernisation de nos règlements. Il s’agit avant tout d’une question d’équité pour les sénateurs indépendants, qui, pour la majorité depuis 2016, ont accepté cet exigeant mandat dans une telle perspective. C’est aussi une question d’équité pour les 13 sénateurs qui ont été assermentés avant 2016, qui sont déçus de leur expérience dans un système de duopole et qui ont choisi de siéger aujourd’hui comme indépendants.

En 2019 et en 2021, 77 % et 76 % des répondants au sondage sur l’avenir du Sénat souhaitaient que les futurs gouvernements poursuivent le mode de nomination non partisan. De plus, 81 % d’entre eux estimaient que la non-affiliation des sénateurs à un parti politique était une chose positive.

C’est difficile d’être plus clair. Sur ce plan, nous savons ce que ceux que nous servons et représentons ici attendent de nous. C’est pourquoi je voterai en faveur de la motion no 165, avec l’espoir que l’on continue de travailler à la modernisation de cette institution.

Il reste beaucoup à faire pour trouver un équilibre entre le temps passé à examiner la législation gouvernementale, à étudier des projets d’initiative parlementaire et à mener des études en comité avec de véritables témoins experts indépendants et non partisans, qui peuvent éclairer le gouvernement sur l’importance d’adopter de meilleures politiques publiques et de tenir le gouvernement, quel que soit le parti qui le forme, responsable de la gestion des fonds publics que nos concitoyens donnent à l’État pour qu’il les serve plus efficacement et qu’il réponde à leurs besoins contemporains.

Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.

L’honorable Clément Gignac : La sénatrice St-Germain accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain : Avec grand plaisir.

Le sénateur Gignac : Merci de votre intervention. J’appuie le principe de la modernisation. J’ai connu la politique active et la partisanerie et ce qui m’a convaincu de poser ma candidature au Sénat, c’est justement le fait que c’est une Chambre de second examen non partisan. Mes réflexions sont très proches des vôtres. Il y a toutefois un élément que je ne comprends pas vraiment dans ce qu’on nous a expliqué.

Je comprends que nous avons différents groupes de sénateurs indépendants et que le représentant du gouvernement et le leader de l’opposition ont un temps de parole illimité. Par ailleurs, pourquoi serait-ce uniquement le leader du Groupe des sénateurs indépendants, le GSI, qui aurait un temps de parole illimité, alors que les deux autres leaders ne l’auraient pas? C’est comme si on en faisait des leaders de seconde classe parmi les autres groupes d’indépendants. J’avoue que je ne comprends pas vraiment ce concept. Pourriez-vous me l’expliquer, s’il vous plaît?

La sénatrice Saint-Germain : C’est le même principe qu’à l’autre endroit et dans la majorité des gouvernements. C’est le principe qui veut que le groupe le plus nombreux, outre celui du gouvernement, devienne le groupe qui obtient des privilèges dans une démocratie, parce qu’il représente une majorité de sénateurs.

J’aimerais souligner qu’il est important de noter que cette motion n’enlève aucun des pouvoirs ou des privilèges, ni au gouvernement ni à l’opposition.

Bien que je considère comme particulier cet exemple de la dilution des pouvoirs de l’opposition en la comparant à de la glace dans un verre de whisky, ce que je trouve pour ma part plutôt impertinent, il est vraiment important de reconnaître, dans une démocratie, ce principe de la représentation de la majorité. Il s’agit d’un principe fondamental qui est lui-même reconnu comme étant un des piliers du système de Westminster.

On nomme le GSI, mais on devrait plutôt nommer le groupe le plus nombreux, qui est aujourd’hui le GSI. Ces changements, je l’espère, seront faits à plus long terme, dans le but de pérenniser la réforme d’un Sénat indépendant et complémentaire à la Chambre des communes, ce qui est vraiment la volonté que les Pères de la Confédération canadienne ont exprimée au moment de la fondation et de l’alliance conclue en vue de former la Confédération.

[Traduction]

Le sénateur Quinn : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Saint-Germain : Bien sûr.

(2240)

Le sénateur Quinn : Merci. Quand j’ai comparu devant le comité, j’ai parlé du délai de réponse de 60 ou de 45 jours. A-t-il été question de ce point pendant tout le travail qui a été fait et que vous avez mentionné ce soir? A-t-il été question du délai de 60 ou de 45 jours dans le cadre du travail qui a déjà été accompli conformément au mandat du comité?

La sénatrice Saint-Germain : En fait, la question a été examinée par le Comité du Règlement, mais elle a aussi fait l’objet de discussions dans cette enceinte à maintes reprises. Je dirais que les sénateurs de tous les groupes, pas seulement les leaders, se sont plaints du fait que les délais sont souvent très longs, que les réponses sont différées sans échéance et que, parfois, les réponses fournies ne répondent pas vraiment à la vraie question.

C’est la raison pour laquelle je suis surprise. Je donnerai plus de détails quand je parlerai de votre amendement. Cependant, je suis vraiment surprise par un amendement comme celui-ci qui ne reconnaît pas que cette motion est une grande amélioration pour ce qui est des questions écrites et des réponses différées. Au moyen de cette motion — si elle est soumise à un vote et adoptée —, le gouvernement devra non seulement respecter une échéance de 60 jours, mais aussi expliquer la raison pourquoi il y a un retard dans les cas où l’échéance n’aura pas été respectée. Par ailleurs, la motion prévoit une sanction parce que, si le gouvernement ne répond pas à certaines questions, le Sénat pourrait renvoyer le cas au Comité du Règlement et soulever une question de privilège. Quelle amélioration.

Cela explique pourquoi je crois que le représentant du gouvernement a reconnu la situation et a écouté les plaintes qui ont été soulevées à la fois devant le Comité du Règlement et dans cette enceinte par tous les groupes et — je le répète — les caucus, y compris le caucus conservateur.

Bien franchement, sénateur Gold, je vous en suis reconnaissante.

Le sénateur Quinn : Je veux juste préciser que je cherchais à savoir si le point que j’ai fait valoir au Comité du Règlement avait fait l’objet de discussions auparavant. Il me semble que la présidente du comité, quand j’ai abordé cet aspect, a dit qu’il serait utile que le comité en discute et m’a demandé de mettre tout cela par écrit pour que les membres du comité puissent se pencher là‑dessus. J’en ai déduit que cela n’avait pas été envisagé auparavant.

Si c’est bien le cas, y a-t-il d’autres éléments de la motion no 165 qui n’avaient pas été étudiés avant que la motion ne soit déposée?

La sénatrice Saint-Germain : J’espère que je vais répondre à votre question, parce que je ne suis pas certaine de bien comprendre. Ce que vous avez proposé au Comité du Règlement a été examiné, mais ce n’était pas la première fois que le comité et le Sénat étaient saisis de la question. Votre apport sur le sujet est apprécié, mais je dirais que le monde n’a pas commencé à tourner quand vous avez présenté vos arguments au comité.

La sénatrice Batters : Sénatrice Saint-Germain, je veux parler de la limite de temps imposée aux intervenants et du fait que vous, en tant que leader du Groupe des sénateurs indépendants, auriez un temps de parole illimité pour intervenir et répondre aux questions au sujet des projets de loi et des motions.

Ma question porte sur le fait que, à l’heure actuelle, vous avez un groupe assez important au Sénat, 40 sénateurs ou à peu près. Cependant, en vertu de cette motion et parce qu’il s’agirait d’une règle du Sénat et non d’un simple ordre sessionnel qui ne couvrirait qu’un certain laps de temps pendant lequel cette situation existe, vous avez actuellement un groupe très important, beaucoup plus nombreux que les deux autres groupes qui ne bénéficieraient pas de ce temps illimité, mais il pourrait arriver un moment — peut-être dans un avenir proche — où les sénateurs du gouvernement et de l’opposition deviendraient beaucoup plus nombreux et où le troisième parti serait très petit. Que se passerait-il si le groupe que vous dirigez actuellement en venait à compter peut-être 16 sénateurs, que le groupe après le vôtre en comptait 15 et que le groupe suivant en comptait 14? Votre groupe bénéficierait d’un temps de parole illimité, alors que les deux autres n’auraient que 45 minutes. En quoi est-ce juste et en quoi est-ce équitable entre les groupes?

La sénatrice Saint-Germain : Je ne répondrai pas à une question ainsi basée sur des chiffres fictifs. Je me contenterai de dire que ce qui est injuste — ou qui serait injuste — serait, pour le troisième groupe en importance après le gouvernement et l’opposition, de ne pas se voir accorder cette possibilité.

Je le répète, nous ne devons pas tenir compte de qui est actuellement leader du gouvernement, l’opposition, le groupe le plus important ou les deux autres groupes. Nous ne proposons pas ces modifications pour un an ou deux. L’idée est d’assurer la survie de cette réforme, car elle est démocratique. Les Canadiens l’appuient, et elle respecte les principes du système Westminster. Elle respecte également l’autre endroit sans toutefois l’imiter.

Cette réforme est pertinente, et à cette étape-ci, il n’est pas pertinent de répondre aux questions fondées sur des scénarios fictifs ou des hypothèses. Au besoin, le Sénat aura toujours la possibilité de modifier de nouveau le Règlement ou d’adopter un ordre sessionnel reflétant des choix différents, mais il n’est pas de notre devoir d’avancer des hypothèses concernant ce qui se passera dans 20 ou 25 ans. Faisons ce que nous pouvons maintenant pour améliorer notre institution et faire en sorte qu’elle respecte davantage notre système démocratique.

La sénatrice Batters : Sénatrice Saint-Germain, plus tôt, dans votre discours, vous avez dit que vous n’utiliseriez jamais votre temps de parole illimité, notamment lorsque vous répondez à des questions, pour faire de l’obstruction. Vous avez affirmé que c’était votre promesse, votre serment solennel à ce sujet.

Cela dit, à quelles fins auriez-vous l’intention d’utiliser ce temps de parole illimité? Un jour viendra peut-être où vous vous opposerez vivement à un projet de loi ou à une motion d’initiative ministérielle ou à quelque chose du genre, où vous serez confrontée à une situation dans laquelle vous aurez le sentiment profond que quelque chose est peut-être inconstitutionnel, antinomique à votre région, nuisible pour le Canada, et où ce sera le meilleur instrument à votre disposition pour porter cette question à l’attention de la population canadienne et de tous les parlementaires. À quelles fins utiliseriez-vous votre temps de parole illimité, et pourquoi excluriez-vous cette possibilité? Si vous avez une telle conviction à cet égard, accepteriez-vous une modification visant à éliminer cette capacité?

La sénatrice Saint-Germain : Non, je n’accepterais pas d’amendement. Je suis persuadée que je n’aurais jamais à faire de l’obstruction, car je crois fermement en notre démocratie et je pense que lorsque les Canadiens élisent un gouvernement avec une plateforme, ils souscrivent à cette plateforme. Le rôle du Sénat n’est pas de renverser le gouvernement, mais de s’assurer qu’il n’y a pas de violations constitutionnelles.

Encore une fois, nous sommes tous ici pour demander des comptes au gouvernement lorsque nous le jugeons approprié, pour commenter de manière constructive un projet de loi, pour proposer des amendements et pour améliorer les projets de loi. Ce privilège de temps illimité qui serait également accordé au groupe le plus important n’est qu’une garantie au cas où le gouvernement — et cela pourrait être le cas avec un gouvernement majoritaire — violerait les droits constitutionnels des Canadiens.

Dans ce cas, il ne s’agira pas d’obstruction. Il s’agirait simplement d’avoir suffisamment de temps pour examiner tous les aspects d’un comportement, d’un projet de loi ou d’un geste du gouvernement que je qualifierais d’antidémocratique et d’accorder suffisamment de temps à l’opposition officielle et au groupe le plus nombreux pour en parler et pour essayer de l’améliorer et de le modifier. À mon avis, ce n’est pas de l’obstruction. Je pense cependant qu’il n’est pas judicieux de l’utiliser régulièrement et trop souvent, lorsque nous sommes mécontents de quelque chose de démocratique.

(2250)

Je pense également qu’avec un gouvernement démocratiquement élu, le Sénat doit faire preuve de retenue. Je ne citerai pas le regretté sénateur Shugart, mais je suis entièrement d’accord avec lui. C’est pourquoi la convention de Salisbury est si importante. Je nous invite tous à lire et à relire cette convention, car nous devons être conscients que c’est de cette façon que nous devons servir de complément à Chambre élue du Parlement.

Le sénateur Housakos : Sénatrice Saint-Germain, votre évaluation de ce qui est démocratique et de ce qui ne l’est pas manque un peu de cohérence. Je veux revenir à la question du sénateur Gignac qui se demandait pourquoi vous avez droit à un temps de parole illimité que d’autres groupes n’ont pas.

Dans votre réponse au sénateur Gignac, vous avez dit que ce changement est justifié parce que vous êtes le groupe le plus nombreux au Sénat outre celui du gouvernement. Vous avez précisé que c’est le même principe qu’à l’autre endroit. En tout respect, sénatrice Saint-Germain, le deuxième groupe en importance à l’autre endroit n’est pas nommé par le premier ministre. Le deuxième groupe en importance à l’autre endroit est dûment élu pour s’opposer au premier groupe, qui est le parti au pouvoir.

Le gouvernement actuel semble avoir décidé de détruire tout le processus du système parlementaire. S’il y a un leader du gouvernement qui ne représente personne, le plus grand groupe au Sénat, nommé par le premier ministre dûment élu, devrait avoir les droits et les privilèges du leader du gouvernement. Cependant, on ne peut pas avoir un leader du gouvernement disposant de tous les droits et privilèges du gouvernement et le plus important caucus doté des mêmes privilèges que l’opposition. C’est un monstre à trois têtes.

Lorsque vous dites que vous avez le droit parce que vous êtes le deuxième groupe en importance après le gouvernement, c’est faux. Le groupe le plus important ici, ce n’est pas le gouvernement, c’est votre groupe. Vous gouvernez parce que vous êtes le groupe le plus important, et nous avons un mandat parce que nous représentons l’opposition officielle. J’aimerais que nous ressemblions davantage à la Chambre des communes, où le groupe le plus important dûment élu gouverne et où le deuxième groupe en importance représente l’opposition officielle.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Saint-Germain : Vous me donnez raison. Vous êtes affilié à un caucus partisan. Vous n’êtes pas élu. Cette motion est généreuse parce qu’elle tient encore compte de l’existence d’une opposition et d’un gouvernement, mais aussi du fait que la majorité n’est pas affiliée à un caucus partisan, sénateur. C’est le style du Sénat. C’est ce qu’il faut retenir.

Savez-vous quel est mon modèle? Vous parlez très souvent du système de Westminster. Vous savez combien j’apprécie votre, je dirais...

Le sénateur Housakos : Sagesse.

La sénatrice Saint-Germain : Non, pas votre sagesse : votre capacité à parler des heures durant. C’est facile pour vous. Vous êtes un bon orateur.

Mon modèle, dans le système de Westminster, c’est la Chambre des Lords. La majorité n’y est généralement pas élue. Elle a un rôle et un statut. C’est là mon modèle. Permettez-moi de vous dire ceci : vous savez que je vous aime beaucoup, mais parfois, lorsque vous parlez, c’est comme si le Sénat du Canada n’était pas la seule chambre haute du système de Westminster à être formée de parlementaires non élus. La distinction est importante. Je suis heureuse que votre question me donne l’occasion d’apporter cette nuance. Nous ne sommes pas une chambre élue. Nous devons tout de même respecter les principes démocratiques et la volonté de la majorité, mais le seul exemple pertinent dans le système de Westminster, c’est celui des pairs non inscrits, à la Chambre des Lords. Je vous remercie de votre attention.

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Sénatrice Saint-Germain, accepteriez-vous de répondre à une question de ma part?

La sénatrice Saint-Germain : Certainement.

La sénatrice Audette : Je dois commencer par un commentaire. Je vous remercie d’avoir livré votre discours dans le respect. Je suis une personne qui aime tout le monde, mais parfois, cela m’arrive de penser que le respect n’est pas toujours évident — je l’éprouve chez nous aussi, cette émotion. Cela a beaucoup brassé ce soir, mais vous m’avez ramenée dans un espace où c’est important de rester au niveau des aînés. Souvenez-vous, je vous avais dit qu’il fallait faire comme des aînés, et notre collègue l’honorable Murray Sinclair le disait aussi, qu’il fallait faire « comme les sages ». Donc, merci beaucoup.

En même temps, dans ma culture, on écoute les sages, on ne les interrompt pas et on ne leur coupe pas la parole. Cependant, c’est peut-être mon côté québécois qui me fait dire que le temps est souvent important, parce qu’on n’a pas beaucoup de temps au Sénat. J’ai vu les mots « temps de parole illimité », et j’ai compris grâce à votre explication, mais en même temps, les autres groupes, comme celui dont je fais partie, représentent des minorités, des groupes vulnérables qui n’ont pas la chance d’avoir une place imposante dans cette belle assemblée.

Vous nous avez parlé d’une sauvegarde; pourriez-vous nous en dire plus? Je ne suis pas à l’aise... Je le suis avec vous comme leader d’un plus grand groupe, oui, mais dans trois ou quatre générations, ce sera peut-être quelqu’un qui n’aura pas la même attitude que vous. Comment puis-je être rassurée sur le fait qu’au‑delà de tout cela, la personnalité du prochain leader fera qu’il respectera le Règlement et qu’il n’abusera pas de ce privilège? Cela m’inquiète, mais peut-être avez-vous déjà réfléchi à cela?

La sénatrice Saint-Germain : Meegwetch pour vos bons mots.

Je vais vous faire une confidence, mais là-dessus, il faut respecter la volonté de la majorité. Personnellement, et je n’étais pas la seule — et les séances du Comité du Règlement sont publiques —, j’aurais souhaité que le temps de parole illimité ne soit accordé à personne. On a tenu plusieurs débats et on a dit que, selon la formule actuelle du gouvernement, un bureau du gouvernement formé de trois sénateurs qui n’ont pas de place réservée en comité... Le sénateur Gold a un statut de membre ex officio qui lui donne un droit de vote, mais le leader de l’opposition a aussi ce statut; autrement, il n’a pas de place réservée en comité.

C’était une question assez particulière et on reconnaissait que oui, actuellement, cette formule était quand même importante pour le gouvernement — et le sénateur n’en a pas abusé, d’ailleurs. On a reconnu aussi le principe selon lequel il ne fallait pas enlever de privilèges à l’opposition pour les donner au gouvernement. On a tous souscrit à cela.

En même temps, on a dit qu’il existe cette notion du groupe qui représente une majorité, et c’est un principe en démocratie. Cela dit, — et je ne peux pas parler pour mes successeurs; personne ne peut faire cela —, à mes yeux, dans un Sénat moins partisan, il est clair qu’il s’agit simplement d’une garantie de plus dans les cas où il y aurait un véritable abus qui irait à l’encontre de la volonté des Canadiens.

Je pense que s’il y avait de l’abus, on pourrait dire que c’est le gouvernement de l’époque qui l’aurait commis, quel que soit ce gouvernement. Si un abus se produit, on pourra toujours compter sur l’opposition, qui aura ce statut sur le plus grand groupe, et sur les groupes moins nombreux qui pourront quand même poser des questions. Je pense que j’aime bien cette notion qui est de dire que le mot « opposition » doit être conservé, car il fait partie de la Loi sur le Parlement du Canada.

La question qui se pose est la suivante : quel genre d’opposition les groupes indépendants veulent-ils devenir? Est-ce qu’on veut être une opposition constructive ou obstructive? Est-ce que s’opposer doit être systématique? J’ai examiné quelques projets de loi et j’ai écouté les comités objectivement. Au début, j’étais contre le projet de loi décriminalisant la consommation du cannabis, mais je me suis documentée et j’ai vu que c’était un moindre mal. J’ai donc appuyé des amendements, y compris des amendements des conservateurs.

(2300)

Je prends cet exemple pour dire que ce n’est pas parce qu’on appuie éventuellement des projets de loi du gouvernement qu’on est associé à ce gouvernement et à ce parti. Ce serait terrible. Qu’est-ce qu’on aurait comme services publics si on avait systématiquement des lois ou des projets de loi pourris, présentés par le gouvernement, adoptés par la Chambre des communes et pour lesquels on aurait systématiquement besoin du Sénat pour modifier ces projets de loi parce qu’ils sont mauvais? Je n’aime pas ce lien que l’on fait entre des projets de loi qui sont examinés et finalement adoptés sans amendement et le fait que cela se fait par la majorité des sénateurs, parce que ce serait des sénateurs libéraux, donc des amis du parti du jour.

À mon avis, cela fait partie de la désinformation, et c’est ce que je crois qu’on devrait corriger. J’espère répondre à votre question en disant qu’il faut avoir cette barrière, au moins pour le groupe le plus nombreux qui n’est pas du gouvernement ou de l’opposition, mais qu’il faut aussi avoir ensemble cette vision de tous les groupes indépendants formant une opposition constructive qui sert bien les Canadiens, mais qui ne confond pas les intérêts du parti avec ceux de la patrie.

[Traduction]

L’honorable Percy E. Downe : Des membres du Groupe des sénateurs indépendants ou de son personnel ont-ils participé à la rédaction de cette motion?

La sénatrice Saint-Germain : Pas à ma connaissance. Je crois que cette motion a été rédigée par le bureau du représentant du gouvernement.

La sénatrice Lankin est actuellement membre du bureau du représentant du gouvernement. Pour ce qui est des membres du personnel, aucun membre du personnel du Groupe des sénateurs indépendants n’a participé à la rédaction de cette motion.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Plett, avez-vous une question?

Le sénateur Plett : Oui, si la sénatrice accepte d’y répondre, j’aurais une autre question par rapport à ce que le sénateur Downe vient de demander.

Sénatrice Saint-Germain, n’est-il pas vrai que la sénatrice Lankin était membre du Groupe des sénateurs indépendants, mais qu’elle a très ouvertement décidé de le quitter? D’ailleurs, selon le Hill Times, elle est allée au bureau du représentant du gouvernement seulement pour participer à la rédaction de cette motion et pour veiller à son adoption, et elle devrait retourner au Groupe des sénateurs indépendants dans un avenir assez rapproché.

La sénatrice Saint-Germain : La sénatrice Lankin n’est pas membre du personnel du Groupe des sénateurs indépendants.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Chers collègues, je n’avais pas vraiment l’intention de parler et la sénatrice Bellemare, qui est notre experte en matière de Règlement, allait commenter et commentera plus à fond, peut-être pas aujourd’hui, mais demain ou jeudi, le contenu technique de la motion.

Cependant, je ne peux rester silencieux après certains commentaires que j’ai entendus aujourd’hui à la suite d’un échange très productif entre les membres du groupe conservateur qui, pendant les deux heures de pause, n’ont pas eu le temps de discuter entre eux de ces questions importantes, et qui nous ont fait bénéficier de leurs discussions ouvertes auxquelles nous avons pu tous participer. D’ailleurs, je les en remercie.

Cela dit, chers collègues, j’aimerais plutôt apporter quelques nuances à certaines choses qui ont été dites.

[Traduction]

Chers collègues, lorsque nous aurons adopté cette motion, les pouvoirs en matière de procédure seront répartis plus équitablement entre tous les partis et les groupes parlementaires au Sénat. Il restera tout de même quelques différences, comme le droit de vote des membres d’office des comités.

En soi, cette motion est un pas dans la bonne direction en vue de permettre à des groupes de participer à l’organisation des travaux du Sénat, comme avoir le pouvoir de reporter des votes et de tenir des séances de comité en dehors des plages normales sans que deux sénateurs puissent imposer leur veto.

Cette motion est fermement enracinée dans la tradition de Westminster qui reconnaît la liberté des parlementaires de former des groupes et de participer au processus législatif pour demander des comptes au gouvernement en place.

Cette motion renforce la capacité de sénateurs d’exercer leurs fonctions constitutionnelles sans devoir nécessairement être membres d’un caucus du gouvernement ou de l’opposition.

Le sénateur Plett a présenté cette motion pour modifier le Règlement comme une motion du gouvernement sans précédent qui aurait été rédigé par le Cabinet d’un premier ministre sortant qui essaie de miner le terrain en prévision d’une éventuelle forte majorité du Parti conservateur.

Ce discours peut plaire aux personnes qui voient des conspirations partout : aux Nations unies, à l’Organisation mondiale de la santé, à Davos, etc.

N’empêche que nous devrions nous concentrer sur les faits. Pour ceux qui accordent une importance aux faits, les changements proposés s'inscrivent dans la même foulée que certaines discussions que nous avons eues depuis que je suis arrivé au Sénat il y a six ans. Je pense notamment au Comité sur la modernisation et au Comité du Règlement.

En effet, ces changements permettront d’harmoniser le Règlement avec les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, modifications que nous avons réussi à adopter en 2022 après plusieurs tentatives depuis 2020. Il nous en a fallu du temps pour y arriver. Il aura fallu que ce soit inclus dans un budget dans le cadre d’un projet de loi omnibus. Je n’affectionne pas ce type de projet de loi, mais j’ai bien aimé cette partie de ce projet de loi omnibus.

Cette motion n’est par ailleurs pas une première dans l’histoire du Canada. Permettez-moi de citer deux extraits de la Procédure du Sénat en pratique. Je cite en premier un extrait de la page iii sur la question du Règlement :

Au cours des années suivantes, des modifications mineures ont été effectuées, mais les plus profondes demeurent sans conteste celles apportées en 1991. Ces modifications survenaient après que la rancœur partisane, provoquée par le débat sur l’introduction de la taxe sur les produits et services (TPS), eut atteint un niveau sans précédent. Parmi les changements apportés figurait l’imposition d’une limite de temps à des travaux précis, dont les Déclarations de sénateurs, les Affaires courantes et la Période des questions. Des délais étaient aussi imposés à la plupart des discours, ainsi qu’à la durée de la sonnerie pour les votes par appel nominal. Une heure normale d’ajournement — minuit la plupart du temps, 16 heures le vendredi — était aussi fixée. En outre, la priorité était accordée aux Affaires du gouvernement, qui seraient désormais appelées selon l’ordre établi par le leader ou le leader adjoint du gouvernement. Des dispositions étaient également ajoutées pour permettre au gouvernement de fixer un délai pour la durée de ses travaux, et de nouvelles procédures visant les questions de privilège étaient établies.

Un deuxième passage intéressant se trouve à la page 73 toujours de la Procédure du Sénat en pratique :

Il […] se divise en deux grandes catégories : les Affaires du gouvernement et les Autres affaires. Cette distinction existe depuis 1991, date à laquelle le Règlement du Sénat a été modifié afin de donner la priorité à l’étude des affaires présentées par le gouvernement. Avant ce changement, cette distinction n’existait pas.

Chers collègues, je retiens deux points importants à la lecture de ces passages. Premièrement, il n’y avait aucune distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait aucune imposition d’une limite de temps avant 1991.

D’abord, il n’y avait pas de distinction entre les affaires du gouvernement et les autres affaires avant 1991. Deuxièmement, il n’y avait pas de règle de fixation de délai avant 1991.

(2310)

En cherchant à savoir comment ces changements avaient été apportés, j’ai constaté que, sur le plan de la procédure, ces changements majeurs faisaient partie d’un ensemble volumineux de modifications au Règlement adoptées le 18 juin 1991, à l’initiative du gouvernement conservateur du premier ministre de l’époque, le très honorable Brian Mulroney. Elles ont été adoptées à la suite d’un vote par appel nominal de 40 contre 30.

Une voix : Bravo.

Le sénateur Dalphond : C’était loin de faire consensus. De plus, ces changements ont été apportés après la nomination par le premier ministre Mulroney de huit autres sénateurs en 1990 au titre d’un article de la Constitution qui n’avait jamais été utilisé dans l’histoire du Canada.

Des voix : Oh.

Le sénateur Dalphond : Par conséquent, nous n’écrivons pas une grande page d’histoire ce soir : elle a été écrite en 1991.

On peut difficilement parler de modifications au Règlement par consensus. En fait, l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que le Sénat prenne ses décisions à la majorité des voix. La Constitution ne nous permet pas d’établir des règles qui requièrent une supermajorité, comme au Sénat américain, parce que cela ne serait pas constitutionnel, ni, implicitement, d’accorder un droit de veto à un groupe de 13 sénateurs, par exemple. En outre, comme l’a dit le sénateur Sinclair en 2020 en parlant des modifications potentielles au Règlement que nous proposions, lui et moi, comme vous vous en souvenez peut-être, car il s’agissait d’un gros document : « [...] le consensus ne devrait pas être une condition préalable pour faire ce qui est juste [...] » C’est ce que je crois.

Bref, honorables sénateurs, les arguments de l’opposition contre la motion reposent sur des propositions inexactes ainsi que sur une vision du Sénat qui n’existe plus. En réalité, il y a maintenant quatre groupes au Sénat, et aucun ne détient la majorité. Espérons que cela va durer.

Nous ne devrions pas avoir honte de ce que nous sommes en train de faire. Nous ne faisons que suivre l’évolution du modèle de Westminster, en fait. Comme vous le savez, notre institution a été établie il y a de nombreuses décennies à partir du modèle de la Chambre des lords, la Chambre haute du Parlement de Westminster. La Chambre des lords est composée de divers groupes, les quatre plus importants étant le groupe des conservateurs, qui compte 277 pairs; celui des travaillistes, avec 172 pairs; les libéraux‑démocrates, avec 80 pairs; et le groupe des indépendants, qui compte 181 pairs. Comme vous pouvez le constater, aucun groupe n’est majoritaire. Malgré la grande impopularité du gouvernement conservateur qui dirige actuellement l’Angleterre, ses projets de loi sont adoptés à la Chambre des lords.

Grâce aux règles que propose la motion à l’étude, les quatre groupes que nous avons ici jouiront d’un statut équivalent à bien des égards. Au bout du compte, ces nouvelles règles iront dans le sens de l’égalité que nous cherchons à créer entre les groupes. Ce principe d’égalité est important pour nous tous, en tant que personnes et en tant que membres de groupes. De plus, elles garantiront l’existence de quatre groupes au Sénat ainsi que la possibilité, pour chacun d’entre nous, de nous affilier à l’un de ces groupes et de changer d’affiliation au fil du temps. Elles nous rendent plus indépendants et elles font en sorte qu’un sénateur n’a pas, par exemple, à traverser le parquet quand il est en désaccord avec son groupe.

En ce qui concerne le modèle de Westminster, je pense que nous devrions aller plus loin que ce que nous faisons à l’heure actuelle. Nous devrions suivre ce qui se fait déjà à la Chambre des lords. Par exemple, nous pourrions élire notre Président. Ils ont enlevé ce pouvoir à la Couronne. Le Président est maintenant élu par scrutin secret à la Chambre des lords.

Votre Honneur, ce n’est pas une critique à votre endroit. Je suis sûr que vous remporteriez le vote. L’enjeu, c’est que c’est ce modèle qui est utilisé à la Chambre des lords. C’est la direction vers laquelle évolue le modèle de Westminster. En outre, les présidents des comités sont choisis par l’ensemble de la Chambre. Il s’agit d’un comité de présidents qui président toutes les réunions des comités. Ce sont les lords permanents qui ont été choisis par toute la Chambre et non par deux ou trois membres d’un comité, pour assurer la présidence de ce comité.

Chers collègues, je terminerai en disant ceci : certaines personnes sont préoccupées par le fait que, si ces modifications sont adoptées, je n’aurai peut-être pas un temps de parole illimité quand je ferai mon prochain discours. Je comprends la théorie. Toutefois, dans la pratique, je n’ai personnellement jamais eu besoin d’un temps de parole illimité. Je n’utilise même pas les 45 minutes dont je dispose aujourd’hui. Habituellement, je n’ai pas besoin d’autant de temps de parole parce que, à mon avis, si le message est clair, il peut être transmis aux collègues en 15 minutes, voire 30 minutes ou tout au plus 45 minutes. Si vous avez besoin de plus de temps, c’est que quelque chose cloche dans votre message.

Chers collègues, je vous remercie beaucoup de votre attention.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Je vous remercie, sénateur Dalphond, de ces éclaircissements. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Je me sens plein d’énergie et prêt à répondre à des questions. Je ne pense pas toutefois pouvoir vous battre, car je ne dispose que de 45 minutes.

Le sénateur Plett : Merci. Tout d’abord, Votre Honneur, permettez-moi de dire que le Parti conservateur soutient pleinement la présidente du Sénat, même ce n’est pas le cas des membres du Groupe progressiste du Sénat.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Plett : Sénateur Dalphond, pouvez-vous nous expliquer comment le Règlement a été modifié en 1991? Quel processus a été employé en 1991?

Le sénateur Housakos : Il n’était pas là. Il ne le sait pas.

Le sénateur Dalphond : Le sénateur Housakos a raison. Je n’étais pas là, il n’était pas là et le sénateur Plett non plus n’était pas là. Cela dit, j’étais né.

Je n’étais pas là, sénateur Plett, mais je peux vous dire que c’était un vote par appel nominal. Je peux vous dire que le débat avait été long et que la décision avait été imposée à la minorité libérale.

Le sénateur Plett : La vérité, sénateur Dalphond, c’est que la modification du Règlement survenue en 1991 était fondée sur le rapport d’un comité. Elle a été apportée sur la recommandation d’un comité.

Le sénateur Housakos : Après qu’il eut mené une étude.

Le sénateur Plett : Après qu’il eut mené une étude. Cette fois, la modification est proposée par un dictateur à la Chambre et par un dictateur au Sénat, pas par un comité. Nous avons soutenu la sénatrice Bellemare.

Dites-vous qu’il faudrait carrément contourner le comité? L’opposition a boycotté le Comité du Règlement. Le comité voulait qu’il y ait un vote sans qu’on débatte des modifications. Sénateur Dalphond, vous comparez des pommes avec des oranges. Vous dites que, en 1991, c’était une solution merveilleuse, et nous sommes d’accord. Qu’on soumette quelque chose au comité et qu’on le laisse proposer les modifications au Règlement. Ne diriez‑vous pas que c’est ainsi que les choses se sont passées en 1991? C’est ce qui s’était passé à l’époque, alors ce qui était bon en 1991, selon vous, est assez bon en 2024?

Le sénateur Dalphond : Merci, sénateur Plett, de votre question. Pouvez-vous nous dire si le rapport en question était un rapport unanime?

[Français]

Le sénateur Gignac : Est-ce que mon collègue accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Avec plaisir, cher collègue.

Le sénateur Gignac : Merci pour l’historique que vous nous avez fait. J’étais bien prêt à vous écouter plus longtemps, mais vous avez été efficace et vous vous êtes exprimé de façon concise.

J’aimerais vous poser la même question que j’ai posée à la sénatrice Saint-Germain, car le sujet me trotte dans la tête. Je comprends que le représentant du gouvernement dispose d’un temps de parole illimité. Ce sont tout de même les Canadiens qui élisent le gouvernement et l’opposition est déterminée par ce qui se passe à l’autre endroit. Forcément, l’opposition est donc le deuxième groupe le plus important qui a été choisi. Toutefois, pourquoi le représentant du Groupe des sénateurs indépendants, dont le nombre de membres est le plus important, aurait-il les mêmes pouvoirs et privilèges que le leader de l’opposition ou le représentant du gouvernement?

(2320)

Comme la sénatrice Audette l’a mentionné, on représente les minorités et on doit les protéger. Quelles seraient les conséquences inattendues d’un tel changement? Je m’explique. Si dans sept, huit ou dix ans, puisque le Québec aura toujours 24 sénateurs dans cette Chambre, il y avait tout à coup un groupe qui serait les sénateurs du Québec et qui deviendrait le groupe le plus important, est-ce que vous seriez à l’aise que ce groupe ait les mêmes pouvoirs que l’opposition officielle et le gouvernement? C’est une question hypothétique.

Le sénateur Dalphond : Merci, cher collègue. Vous posez toujours de bonnes questions. Quand un ministre pose une question à quelqu’un qui était juge, c’est un peu difficile. D’habitude, c’est le contraire.

Je comprends que, théoriquement, un groupe possède peut-être un droit de parole un peu plus long, mais je dois dire qu’il y a une certaine logique dans la proposition du gouvernement et du bureau du représentant du gouvernement. Lorsqu’on a présenté les amendements en 2020, amendements qui ont été finalisés en 2022, on a prévu que la personne qui occuperait le poste de leader ou de facilitateur du plus grand groupe et qui n’était pas de l’opposition ni du gouvernement aurait le même salaire que le leader de l’opposition. On a voulu faire une espèce de pont entre le plus grand groupe, peu importe qui l’était à ce moment-là, et le poste de leader de l’opposition. C’est en ce sens qu’on ajoute au salaire équivalent un temps de parole équivalent. Cela respecte la logique de l’approche qu’on avait soutenue à l’époque. Je comprends qu’on peut avoir une autre logique, mais cela respecte la logique qu’on a adoptée dans le projet de loi en matière de rémunération pour les postes des leaders des différents groupes.

Le sénateur Gignac : Je ne veux pas prolonger inutilement le débat, mais si c’est la véritable raison, je ne suis pas très impressionné par l’argument selon lequel il a été décidé il y a deux ans que le représentant du groupe le plus important des indépendants aurait un salaire plus élevé que les autres, et que maintenant il faut lui donner des privilèges supplémentaires.

On va se le dire, cher collègue, on représente la diversité dans notre groupe. Nos collègues du côté des communautés autochtones sont beaucoup mieux représentés. C’est une bonne chose si on regarde ce qui se passe à l’autre endroit. C’est notre devoir, car le Sénat est une Chambre de second examen attentif qui représente aussi les intérêts des provinces et des minorités.

Je suis nouveau, donc je ne connais pas trop les tenants et les aboutissants, mais cette partie me rend inconfortable en raison de conséquences potentiellement inattendues, comme ce que j’ai mentionné. Si on tenait un référendum au Québec dans huit ou dix ans pour une raison quelconque, que le Québec décidait démocratiquement de voter pour l’indépendance et qu’il se formait un groupe de sénateurs indépendants du Québec, avant que le Québec se sépare, vous savez quelles seraient les implications. Je m’attendais à d’autres raisons. Si vous en avez d’autres, je serai heureux de les entendre.

Le sénateur Dalphond : Les choses ne sont pas toujours parfaites. Prenons le concept de l’opposition au Sénat. Lorsque le Bloc québécois a été l’opposition officielle à la Chambre des communes, il n’y avait pas de membre du Bloc au Sénat, parce qu’ils ne veulent pas, ils ne croient pas... Ils sont pour l’abolition du Sénat. Il n’y aura jamais de sénateur bloquiste, sauf peut-être pendant la période de transition théorique à laquelle vous faites référence. Les libéraux étaient le troisième groupe à la Chambre des communes, mais l’opposition au Sénat était l’opposition libérale.

Il n’y a pas toujours eu une corrélation parfaite entre la Chambre des communes et le Sénat. S’il y avait une élection qui, si l’on se fie aux sondages, pourrait amener des changements, et si après 10 ans les changements sont toujours bienvenus, on verrait un Sénat où il y aurait un groupe qui serait de ce côté, qui s’appellerait le groupe du gouvernement, qui serait formé des conservateurs. Il y aurait peut‑être un ministre ou deux dans ce groupe, peut-être un nouveau Président du Sénat, et cetera. Il y aurait un groupe qui s’opposerait à ces conservateurs et qui jouerait le rôle d’opposition. Ce sera peut-être les progressistes, car s’ils sont conservateurs, ce sera peut‑être les progressistes qui s’opposeront. Il y aurait aussi des crossbenchers qui vont jouer dans cette dynamique pour dire : « Nous, on n’appuie pas le gouvernement, mais on n’est pas contre, on va y aller cas par cas. »

Il y a quand même un rôle à jouer pour une opposition dans une Chambre de débat. J’ai eu cette conviction pendant la pandémie, ce que je n’avais pas au début, mais j’ai dit au sénateur Plett que je trouvais qu’il y avait tout de même une valeur à ce qu’un groupe joue un rôle d’opposition. Dans la démocratie parlementaire, il y a parfois des gens qui doivent dire que notre rôle est de mettre le pied sur le frein. Pendant la pandémie, l’opposition avait fait une partie de ce travail. Je lui avais dit que je comprenais l’idée qu’un groupe peut-être moins important que le Groupe des sénateurs indépendants ait un budget de recherche aussi élevé, parce qu’il a un rôle particulier à jouer, celui de tout analyser et d’être plus critique qu’autrement. Cela peut être une opposition plus productive ou constructive que ce que l’on voit parfois, mais il y a encore une place au Sénat pour un groupe qui se définit comme s’opposant à de grands principes généraux au gouvernement du jour.

Je n’ai pas honte de dire que les conservateurs s’opposent au gouvernement, qui est plutôt progressiste et qui est formé d’une coalition entre les libéraux et le NPD. Idéologiquement, ils ne partagent pas ces idées. Si jamais ils devaient être assis de l’autre côté de la Chambre, je ne pense pas que je partagerais plusieurs de leurs idées, mais je respecterais leur mandat. La Convention de Salisbury s’appliquera. Il y aura de la place ici pour plusieurs groupes, certains se définissant plutôt comme jouant un rôle d’opposition et d’autres qui décideront au cas par cas.

La sénatrice Saint-Germain : Sénateur Dalphond, je vous remercie de votre intervention. Ma question porte sur la référence que vous avez faite dans votre réponse sur la Loi sur le Parlement du Canada. Serez-vous d’accord avec moi pour dire que les modifications apportées à la Loi sur le Parlement du Canada, la politique étant l’art du possible, ont été un compromis, sachant qu’il existait au Sénat trois groupes indépendants en plus du gouvernement et de l’opposition, et que ce compromis reconnaissait donc le principe fondamental de la majorité, principe fondamental dans le système de Westminster et dans toute démocratie? Peut-on dire que c’est dans ce contexte qu’au-delà même des allocations financières, la notion de groupe majoritaire autre que le gouvernement et l’opposition a été retenue et qu’il y a donc une cohérence des pouvoirs traduits dans les règlements pour ce groupe majoritaire?

Deuxièmement, est-ce qu’on reconnaît que tous les groupes, soit l’opposition, le gouvernement et les trois autres groupes, ont tous le mandat de défendre et de représenter les minorités, les régions et les provinces?

Considérez-vous qu’éventuellement, si l’on parle d’un pays formé de dix provinces et de trois territoires, il serait sage d’avoir un des trois groupes indépendants comme groupe qui représenterait une seule des provinces, les plus grandes provinces ayant plus de sénateurs et ayant plus de chance d’être privilégiées, de toute évidence? Merci.

Le sénateur Dalphond : Il y a trois questions. Je commencerai par la dernière, qui m’apparaît plutôt hypothétique. Comme on le disait à la cour, tenons-nous-en aux faits qui sont devant nous. On verra plus tard si la question se pose, et on y répondra. J’éviterai d’y répondre.

Il est important qu’un groupe qui représente une pluralité, mais sans être une majorité, n’ait pas de majorité au Sénat, afin qu’un groupe ne soit jamais capable d’imposer sa volonté à trois autres groupes en utilisant son pouvoir de dire : « J’ai deux votes de plus que vous; j’impose la guillotine et je vous imposerai ensuite le reste. » Je n’aimerais pas cela, personnellement. Lors des discussions qui se sont tenues entre 2020 et 2022, j’ai appuyé ce projet de loi. C’est Peter Harder, membre de notre groupe, qui était le parrain du projet de loi. Il en avait discuté avec le sénateur Plett. Cette loi est le reflet de longues discussions entre tous les groupes lors desquelles on a reconnu qu’un groupe qui représentait, comme le Groupe des sénateurs indépendants, 41 sénateurs maintenant — et peut-être que le nombre était différent à l’époque, mais c’était une pluralité, à tout le moins —, qui était en plus grand nombre que les autres groupes, mais on a reconnu, par rapport à la fonction des leaders de ces groupes, que cela impliquait plus de travail que le leadership des autres groupes. Il n’y a pas moins de réunions, parce qu’on est tous pris dans des réunions qui n’en finissent plus, mais on a reconnu qu’il y avait plus de membres dans le groupe et, par conséquent, que les postes de leadership viennent avec plus de... Je ne dirais pas de difficultés, parce que je suis certain que vous n’avez pas de difficultés, comme je n’en ai pas dans mon groupe, mais tout cela vient avec plus de conciliation, d’écoute, et cetera, et cela prend plus de temps. Il faut qu’il y ait plus de dialogue. Je reconnais cela et j’ai vécu avec cela. Je n’étais pas contre. C’est le compromis que les groupes ont fait ensemble à l’époque. Est-ce le bon compromis? Il y en a peut-être de meilleurs, mais j’étais à l’aise avec celui-là, et je le suis encore aujourd’hui.

(2330)

Sur la deuxième question, je pense que le rôle de chacun d’entre nous est d’être à l’écoute. Comme la sénatrice Pate nous le dit souvent, et je suis d’accord avec elle — je ne suis pas toujours d’accord avec ses projets de loi, mais je suis d’accord avec beaucoup de ses idées —, on est là pour écouter et surtout pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas. Quand elle le fait, elle le fait très bien. C’est notre rôle, parce que les gens qui sont élus ne cherchent pas à avoir le vote des gens qui n’ont pas de voix. Ils veulent avoir le vote de ceux qui sont la majorité, de ceux qui vont voter. Ceux qui n’ont pas de voix sont souvent ceux qui articulent le moins bien leurs idées, les moins économiquement éduqués et les moins économiquement nantis, et ils ne vont pas voter, malheureusement. Ces voix sont des voix qui sont souvent oubliées et qui n’ont pas d’intérêt.

Je vais encore parler de la sénatrice Pate, qui m’a emmené visiter une prison à Joliette, mon fief natal. Il n’y a pas un député qui va visiter des prisons parce que cela donne des votes. Je ne vois pas un seul député conservateur actuel, même s’ils sentent qu’ils ont le vent dans les voiles, qui va visiter une prison pour dire qu’il faut faire des améliorations. Non, non, non. C’est plutôt :« Mettez-en plus en prison, et on ne veut pas savoir comment cela se passe à l’intérieur. » Ces voix ne sont pas entendues parce que cela ne rapporte rien du point de vue électoral. Nous, on peut donner une voix. C’est le rôle de chacun d’entre nous d’être à l’écoute, des communautés autochtones, par exemple. La sénatrice Audette vient d’une région du Québec qui est particulière et que je ne connaissais pas avant de la connaître. J’ai hâte d’aller la visiter dans son coin de pays. Il y a plein d’autres collègues ici qui m’ont fait connaître des réalités dont je n’étais pas conscient. Je parlais avec la sénatrice Anderson qui me parle à l’occasion des gens souffrant de problèmes de santé dans les Territoires du Nord-Ouest; ils appellent et on leur donne le numéro à Ottawa, et la personne qui répond ne parle que l’anglais ou le français; personne ne parle l’inuktitut. C’est là qu’il y a des difficultés que je ne connaissais pas avant de venir ici.

Chacun est un porteur de voix, et c’est ce qui fait la beauté du Sénat. J’espère que chaque groupe fait en sorte que ces voix sont aussi portées. On n’est pas là pour tuer les voix, on est là pour les porter. S’affilier à un groupe ne veut pas dire qu’on devient silencieux. C’est partager les idées avec d’autres collègues pour porter des voix en avant. C’est pour cette raison que l’on s’affilie.

Son Honneur la Présidente : Vous avez une question, sénateur Housakos?

Le sénateur Housakos : Oui, j’ai une question.

Son Honneur la Présidente : Sénateur Dalphond, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Oui. Il me reste encore 14 minutes et 30 secondes.

Le sénateur Housakos : Sénateur Dalphond, comme plusieurs de vos collègues, à plusieurs reprises dans votre discours vous avez fait la comparaison entre le Sénat et la Chambre des lords. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, c’est tout à fait faux, ce n’est pas le cas. J’invite tous nos collègues à aller consulter la Loi sur le Parlement. Il est clair que le Sénat a été construit pour faire un parallèle avec la Chambre des communes de Westminster, et non pas la Chambre des lords, mais c’est un autre débat.

À plusieurs reprises pendant votre discours, vous avez affirmé que les règles et les procédures au Sénat ont été modifiées. Vous avez raison. Nous sommes une Chambre indépendante, avec nos privilèges et nos capacités de créer nos propres règles et nos procédures, et de changer ces règles et ces procédures de façon démocratique. Cependant, il y a quelque chose qui n’est jamais arrivé auparavant. On n’a jamais eu de gouvernement qui a utilisé l’attribution de temps pour tenter de changer les procédures et les règles sans renvoyer la question au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, sans tenir débat prudent et diligent, sans consulter les experts de tous les côtés de la Chambre et sans arriver ici avec un rapport. Vous avez raison de dire qu’à la fin de la consultation, il est fort probable qu’on ne soit pas tous d’accord avec tous les éléments, mais c’est la procédure la plus convenable pour faire des changements fondamentaux.

Pourquoi le gouvernement — ce gouvernement — est-il décidé à ne pas passer par toutes ces étapes avant de faire ce changement important? Pourquoi sommes-nous si pressés? Quelle est l’urgence? Pourquoi ce gouvernement n’est-il pas prêt à respecter la procédure historique et traditionnelle de cette institution?

Le sénateur Dalphond : Merci de votre question, sénateur Housakos. J’aime échanger avec vous, parce que je sais que vous aimez le modèle de Westminster, tout comme moi. Chaque fois que je vais à Londres, je m’assois dans la galerie de la Chambre des lords, pas à la Chambre des communes. J’ai rencontré le facilitateur des crossbenchers dans son bureau. Il n’a pas un gros budget — il n’a même pas d’adjointe parlementaire. Vous auriez dû voir son bureau; il est très modeste.

Je discute avec des lords anglais, des conservateurs, des gens du Parti travailliste. Je tente de comprendre leur système. Parce que ma compréhension, lorsque j’ai étudié la question, lorsque j’ai écrit la décision de la Cour d’appel sur le renvoi au sujet du Sénat, autour de 2013 ou 2014, juste avant que la question soit renvoyée à la Cour suprême... J’ai beaucoup lu sur le Sénat. J’ai noté que pour ce qui était de l’organisation de la Chambre des communes, la représentation basée sur la population avait été très peu débattue. Tout le monde était d’accord; ce fut un sujet réglé en moins d’une demi-journée. Pour le Sénat, cela a pris deux jours de débat, et on n’a pas été en mesure d’obtenir un consensus.

Il y a eu un débat sur deux options : des sénateurs élus ou des sénateurs nommés. John A. Macdonald et George-Étienne Cartier étaient très opposés à l’idée des sénateurs élus. Ce que les gens oublient, je l’ai déjà dit dans un vieux discours, il y a cinq ou six ans, c’est qu’en 1867, les premiers sénateurs, par exemple ceux du Québec, parmi les 24 sénateurs, il y en a 18 ou 19 qui étaient des membres du Conseil législatif du Parlement de l’union, où il y avait 24 membres du conseil qui venaient du Québec et 24 de l’Ontario. Ce que les gens ignorent, c’est qu’à partir de 1862, ils étaient élus. Tous les deux ans, un tiers des membres du Conseil législatif étaient élus. Macdonald n’a pas du tout aimé cela, parce qu’il a eu peur que ces gens volent la légitimité de la Chambre des communes. Il voulait que les sénateurs soient nommés. Donc, pour éviter que ces gens soient trop résistants, on les a presque tous nommés sénateurs, si bien que les premiers sénateurs étaient en majorité des sénateurs élus. N’oubliez pas qu’aujourd’hui, on a le sénateur Tannas qui est un sénateur quasiment élu. Cependant, à l’époque, il y avait beaucoup de sénateurs qui étaient élus.

On a donc choisi le modèle de la Chambre des lords. On n’avait pas d’aristocratie, alors on a trouvé cette idée selon laquelle il fallait avoir 30 ans, être propriétaire foncier et avoir 4 000 $ de valeur nette. Si on lit les débats, il est clair qu’on voulait suivre le modèle de la Chambre des lords et que la convention serait le respect pour les élus. On ne voulait pas une Chambre qui serait en compétition, on voulait une Chambre complémentaire.

La deuxième question était la suivante : ne devrait-on pas renvoyer tout cela au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement? Je pense que la présidente du comité parlera de cette question dans son discours et va expliquer tout le travail qui a été fait par ce comité depuis des années, tous les rapports qui ont été rédigés, auxquels je peux ajouter le rapport du sénateur Greene, qui avait travaillé sur la question de la réforme, avec le sénateur Massicotte, la sénatrice Busson et la sénatrice Cordy qui siégeaient à ce comité. Toutes ces questions et beaucoup d’autres ont été explorées. Ce qui nous a été proposé, on l’a accepté; c’est moins que tout ce qui a été discuté, mais c’est un pas dans la bonne direction. Si on fait un voyage, il faut faire le premier pas, sinon, on ne va nulle part. Donc, au moins, on commence. J’ai dit que ce n’était pas assez. Je l’ai dit au sénateur Gold lorsqu’il a discuté du premier projet. Il y a eu des discussions entre tous les groupes. D’ailleurs, il y a eu des amendements au texte. Ce n’est pas le premier texte que l’on a vu; ils ont été réceptifs. J’espère qu’il y aura d’autres amendements à l’avenir, mais je crois que c’est un bon départ et que l’on n’a pas besoin de retourner en comité. Comme on dit en anglais, send it to committee if you want to kill it. Je crois que l’on a suffisamment discuté et qu’il y a eu assez de rapports. Il est temps de passer à l’action.

(2340)

Le sénateur Housakos : Si je comprends bien votre réponse, vous êtes ouvert à étudier des amendements sur cette motion?

Le sénateur Dalphond : Je dirais que le principe qui devrait nous guider, y compris vous tous, serait celui que nous avons privilégié pour les amendements à la Loi sur le Parlement du Canada. Vous ne vouliez pas aller très loin et vous avez accepté que l’on fasse quelque chose qui était minimal. Aujourd’hui, c’est quelque chose de minimal. Allons-y donc pour le minimum et on débattra plus tard pour ce qui est de faire d’autres changements.

[Traduction]

Il y a bien des façons de faire les choses. Si vous souhaitez emprunter la voie des amendements et des sous-amendements, nous savons où elle mène.

Notre groupe a discuté de ces choses. D’autres l’ont fait également. Nous avons proposé quelques amendements. Certains étaient présents à l’heure du souper, par exemple, et d’autres dispositions ont été amendées. Je crois que nous sommes à l’aise avec ce qui a été proposé. Ce n’est pas parfait, mais allons de l’avant.

[Français]

L’honorable Réjean Aucoin : Je prends la parole en faveur de la motion no 165, qui représente une étape cruciale dans l’adaptation du Règlement du Sénat à la réalité d’aujourd’hui. Le Sénat canadien, en tant que Chambre législative, doit évoluer pour mieux répondre aux défis et aux attentes des Canadiens et Canadiennes.

Le gouvernement a entrepris une démarche ambitieuse visant à transformer le Sénat en une assemblée plus indépendante et moins partisane, alignée sur son rôle constitutionnel de second examen objectif des projets de loi.

Cette évolution est essentielle pour maintenir la pertinence et l’efficacité de notre institution démocratique dans un monde en constante évolution.

La nomination des sénateurs selon un processus ouvert et fondé sur le mérite a contribué à créer l’une des Chambres parlementaires les plus diversifiées au monde, reflétant la richesse et la diversité de la société canadienne d’un océan à l’autre.

Cependant, pour que cette transformation soit pleinement efficace, il est impératif que le Règlement du Sénat soit révisé pour s’aligner sur les nouvelles réalités et les nouveaux défis auxquels font face les Canadiens et les Canadiennes.

La motion no 165 offre cette occasion en proposant des modifications qui reconnaissent et définissent clairement les rôles des différents groupes parlementaires qui se sont formés au Sénat, à la suite de la nomination de sénateurs et sénatrices non affiliés.

Ces changements permettront au Sénat de mieux fonctionner en favorisant un débat plus ouvert, plus inclusif et plus efficace.

Cette initiative n’est pas une démarche isolée.

Elle s’inscrit dans un processus plus large de modernisation du Sénat, lancé par de nombreux rapports et études de comités, dont le Comité spécial sénatorial sur la modernisation du Sénat il y a plusieurs années.

La motion no 165 représente une dernière étape dans le processus de réforme et n’enlève rien aux groupes existants. Pour moi qui ai été nommé en novembre 2023, cette motion me semble tout à fait logique, puisqu’elle formalise l’état des choses et la façon dont le Sénat fonctionne actuellement.

En conclusion, je vous encourage à appuyer cette motion, car elle est essentielle pour assurer la pertinence et l’efficacité du Sénat dans le contexte actuel.

En adaptant notre Règlement à la réalité du Sénat d’aujourd’hui, nous renforçons notre capacité à remplir notre mandat constitutionnel avec intégrité et impartialité. Cela ne veut pas dire qu’elle est parfaite, mais même les projets de loi ne sont pas toujours parfaits. Merci, et bonne nuit.

[Traduction]

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Gold d’avoir présenté cette motion ainsi que la sénatrice Lankin d’avoir pris l’initiative de consulter les sénateurs au sujet de ces modifications, puis de les avoir défendues.

Comme le dirait Rohinton Mistry, ce fut « un si long voyage ». S’il devait écrire la suite des deux premières heures du débat de ce soir, il l’aurait peut-être intitulée « Un voyage si fastidieux, en plus ».

Depuis le Comité spécial sur la modernisation du Sénat jusqu’aux travaux du sénateur Massicotte et du sénateur Greene, en passant par les motions proposées au Sénat par le sénateur Tannas et moi-même et les rapports du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, le voyage a effectivement été très long.

Selon moi, la boussole de ce long voyage a été et demeure le renvoi à la Cour suprême du Canada relatif au Sénat du Canada en 2014, à la demande du premier ministre de l’époque, Stephen Harper. Dans la décision qui s’en est suivie, les juges ont réaffirmé que le Sénat ne doit pas être une copie conforme de la Chambre des communes, mais doit plutôt être « [...] un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes ».

Les juges ont poursuivi en disant :

Les rédacteurs ont cherché à soustraire le Sénat au processus électoral auquel participaient les députés de la Chambre des communes, afin d’écarter les sénateurs d’une arène politique partisane toujours soumise aux impératifs des objectifs politiques à court terme.

Le renvoi à la Cour suprême du Canada constitue le fondement essentiel de la décision du premier ministre Trudeau d’affranchir les sénateurs libéraux de son parti à la Chambre des communes et de nommer des sénateurs qui ne sont liés à aucun caucus politique. Il est important de s’en souvenir, car le Sénat, vers 2015, devait faire quelque chose de fondamentalement différent s’il voulait essayer de regagner un peu de crédibilité et de légitimité auprès des Canadiens après les années sordides du scandale des dépenses au Sénat.

La Cour suprême avait déjà expliqué pourquoi un Sénat triple-E ne pouvait pas être réalisé uniquement par les actions du Parlement fédéral, ce qui était la question posée aux juges par M. Harper. C’est pourquoi le passage à un Sénat plus indépendant et moins partisan en 2016 a été, à mon avis, la réforme la plus profonde de l’histoire de notre institution. Qu’on ne s’y trompe pas : la motion à l’étude vise à protéger cette réforme historique. À cet égard, il est paradoxal que les personnes qui s’opposent à la motion appartiennent au parti qui a le plus défendu la réforme du Sénat. Quelle que soit la motivation de M. Trudeau pour proposer ce changement, celui-ci doit être considéré comme une bouée de sauvetage pour notre institution afin de rétablir sa crédibilité et sa légitimité auprès du public canadien.

Les sondages parlent d’eux-mêmes : un sondage Nanos commandé par notre collègue la sénatrice Dasko il y a quelques années a montré que 76 % des Canadiens étaient en faveur du nouveau processus de nomination fondé sur le mérite, et que seuls 3 % souhaitaient revenir à l’ancien modèle de nominations partisanes. En effet, le sondage a révélé que :

[...] 80 % des Canadiens pensent qu’il s’agit d’un changement positif [...] que les nouveaux sénateurs siègent en tant que membres indépendants du Sénat et qu’ils ne prennent pas part aux activités d’un parti politique.

Malgré cela, chers collègues, le même sondage a montré que près d’un quart des personnes interrogées estiment que le Sénat est inefficace ou inutile. Il n’y a pas de quoi être fier de cette statistique. Même si nous pouvons nous consoler en nous disant que le Sénat n’est pas près d’être aboli, vous pouvez être sûrs que si ce chiffre devait augmenter, les appels à l’abolition se feraient de plus en plus pressants.

(2350)

C’est le contexte plus large dans lequel s’inscrit la discussion que nous avons sur les modifications au Règlement aujourd’hui. La motion indique aux Canadiens que nous travaillons activement à améliorer notre institution en la rendant moins partisane et plus distincte de la Chambre des communes, conformément à l’intention des rédacteurs de la Constitution.

En revanche, les collègues qui s’opposent à la motion veulent revenir en arrière. Nous savons que c’est le cas des sénateurs conservateurs, mais je peux vous dire qu’il y a des libéraux revanchards et des libéraux en puissance qui se languissent aussi du « bon vieux temps » où régnait un duopole partisan, où chacun était lié à la fortune et aux diktats du caucus politique correspondant à la Chambre des communes. Ils considèrent que le rôle d’un sénateur est de promouvoir les objectifs du parti tels que définis par le premier ministre ou le chef du parti à la Chambre. Ils passeront volontiers du gouvernement à l’opposition et vice-versa, élection après élection : un jour, ils vanteront l’importance de s’opposer à tout ce que fait le gouvernement, et le lendemain, ils décrieront les tentatives de la nouvelle opposition de contrer tout ce qu’ils font.

Il s’agit bien sûr de l’argument éculé que nous avons entendu la semaine dernière de la part de nos collègues conservateurs concernant le caractère sacré de l’« opposition » et la raison pour laquelle ils sont les seuls à mériter cette appellation. Cela revient à supposer que les sénateurs affiliés à un parti politique sont les seuls capables de critiquer les projets de loi du gouvernement. Il s’agit non seulement d’un argument farfelu, mais aussi d’une insulte pour le reste d’entre nous qui, chaque jour de la semaine, examinons les projets de loi que nous recevons de la Chambre des communes et essayons de faire notre devoir de sénateurs en examinant ces projets de loi pour les améliorer. Il s’agit de chacun d’entre nous et pas seulement de la poignée de personnes qui se sont proclamées plus bénies que les autres.

Si vous pensez que c’est un peu dur, jetez un coup d’œil au cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. On y apprend que les sénateurs conservateurs estiment que leur groupe est plus égal, plus digne et plus méritant que d’autres groupes parlementaires reconnus. Sur cette base, les membres conservateurs du Comité du Règlement ont refusé d’accepter des changements de règles que la majorité écrasante des membres de ce comité soutenait. Les propositions de modification des règles discutées pendant de nombreux mois au sein du Comité du Règlement sont, dans l’ensemble, les mêmes que celles contenues dans la motion dont nous sommes saisis.

Les conservateurs entretiennent le mythe selon lequel ils sont « l’opposition officielle au Sénat », même si ce concept n’existe ni dans notre Règlement ni dans la Loi sur le Parlement du Canada. Pourtant, on entend les sénateurs conservateurs utiliser cette expression dans le débat sur cette motion, ces mêmes sénateurs qui se posent en grands défenseurs des pratiques et des traditions parlementaires.

Cette distorsion délibérée de la nomenclature dénote un certain désarroi, exacerbé par l’idée fausse selon laquelle la manière dont les conservateurs jouent le rôle d’« opposition » au Sénat est meilleure que celle des sénateurs non partisans. En quoi consiste ce style d’opposition supposément supérieur? Je vais citer le sénateur Plett, qui essaie de parler plus fort que moi en ce moment. En réponse à une question venant de moi après un discours qu’il avait fait sur la Loi de l’impôt sur le revenu, il a dit :

Je prononce un discours qui est en opposition avec ce que fait le gouvernement, et je n’ai pas à défendre cela.

Eh bien, le sénateur Plett a raison de dire qu’il n’a pas besoin de défendre un discours qui était rempli de contradictions et de sophismes. Il a certainement le droit de contester juste pour le plaisir de contester. Par contre, chers collègues, ce n’est pas compatible avec un second examen objectif et ce n’est certainement pas le genre d’opposition que nous voulons montrer aux Canadiens.

Les partisans des conservateurs vont évidemment applaudir le sénateur Plett pour son inflexibilité, et les partisans des libéraux feront de même pour tout éventuel sénateur libéral qui ferait la même chose de l’autre côté du débat. Mais est-ce la bonne façon de faire à la Chambre haute? Si vous pensez que ce l’est, vous êtes du côté de ceux qui affirment que le Sénat est inutile ou inefficace.

Un des arguments favoris des tenants du duopole au Sénat est que c’est d’après les votes sur les projets de loi du gouvernement qu’on détermine qui est un vrai sénateur de l’opposition. Selon ce principe, les sénateurs qui votent pour un projet de loi du gouvernement, même ceux qui ont été amendés, ne peuvent pas faire partie de l’opposition. C’est aussi un argument farfelu, mais il semble séduire même certains sénateurs indépendants.

Pensez-y. Lorsque nous procédons à des votes oraux et que les sénateurs de l’opposition crient « avec dissidence », pensez-vous que cela signifie qu’ils s’opposent au projet de loi? Si c’est le cas, pourquoi ne demandent-ils pas chaque fois un vote par appel nominal? La raison en est que se contenter de répondre « avec dissidence » leur permet de nier qu’ils n’appuient pas un projet de loi et qu’ils ne s’y opposent pas. Ils veulent avoir le beurre et l’argent du beurre. En fait, nous avons même vu des sénateurs conservateurs voter pour un projet de loi du gouvernement après s’y être vigoureusement opposés, parce qu’ils se sont soudainement rendu compte que le projet de loi risquait d’être rejeté par une pluralité de sénateurs indépendants. Il s’agit du fameux vote sur le projet de loi C-83 concernant les unités d’intervention structurées en 2019. Faites des recherches. La vidéo est, disons, instructive.

Sinon, prenez le temps de réfléchir à ceci : supposons que la majorité des sénateurs indépendants votent systématiquement contre les projets de loi du gouvernement. Cela devrait d’ailleurs terroriser les collègues conservateurs qui espèrent un changement de gouvernement, mais si cela se produisait, ils crieraient certainement à l’injustice, car — et c’est là l’essentiel — ils ont permis l’adoption de projets de loi du gouvernement lorsqu’ils étaient dans l’opposition. De toute manière, imaginez qu’un Sénat composé de membres indépendants rejette systématiquement les projets de loi du gouvernement. Quel effet cela aurait-il sur notre légitimité? Les Canadiens se montreraient-ils bien disposés envers le Sénat et nous encourageraient-ils à continuer à faire de même? C’est loufoque, n’est-ce pas?

Les conservateurs prétendent être la véritable opposition au Sénat, leur but étant cependant de former le gouvernement après les prochaines élections. C’est la prérogative des partisans d’un parti politique, mais cela ne reflète pas le Sénat du Canada d’aujourd’hui, qui est composé, en grande majorité, de sénateurs non partisans. Les sénateurs conservateurs formeront l’opposition aussi longtemps que leur parti ne sera pas au pouvoir, tandis que nous, les sénateurs restants, demeurerons indépendants du gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir. Comment pouvons-nous prendre au sérieux l’affirmation selon laquelle la « véritable » opposition au Sénat est le groupe qui abandonnera ce titre dès qu’il en aura l’occasion? C’est ridicule.

Permettez-moi de répondre à un autre argument usé qui a été repris dans le débat de la semaine dernière par la sénatrice Martin et à plusieurs reprises ce soir par le sénateur Plett et d’autres, à savoir que les choses sont correctes telles qu’elles sont; que même sans modification au Règlement, le Sénat peut accueillir des sénateurs qui n’appartiennent pas à un caucus partisan; que les conservateurs sont prêts à accorder du temps de parole, des sièges de comité et des privilèges de déplacement à des sénateurs non partisans et que, bonté divine, les leaders et facilitateurs des groupes parlementaires reconnus sont même consultés sur certaines décisions importantes concernant le Sénat. Voilà, chers collègues, l’argument de l’arrogance et de la noblesse oblige. C’est l’argument « qu’ils mangent de la brioche ».

Je concède aux conservateurs ceci : si leur idée de la Chambre haute est qu’elle doit être aristocratique, comme la Chambre des lords, où il y a différentes classes de députés, et qu’ils appartiennent à la classe privilégiée, alors ils sont effectivement fidèles à une idée fixe du modèle de Westminster.

Mais ce n’est pas le genre de modèle de Westminster que je veux pour le Canada. Les sénateurs non partisans n’ont pas l’intention de manger de la brioche ni de laisser leurs droits et privilèges au bon vouloir de 13 sénateurs. S’il y a une chose dont on peut être certain, c’est que l’opposition des conservateurs à cette motion ne s’arrêtera pas là. Leur leader a dit clairement qu’il souhaite que le Sénat redevienne une Chambre partisane, et je suis sûr que certains libéraux rêvent de retourner au bon vieux temps du duopole. Il y en a certains au sein des deux partis qui souhaiteront revenir en arrière, déconstruire le Sénat plus indépendant que nous avons aujourd’hui, marginaliser le rôle des groupes parlementaires qui ne sont pas rattachés à un parti politique et revenir au système pépère d’alternance entre gouvernement et opposition où les sénateurs se contentent tout au plus de singer leurs homologues de l’autre endroit.

De l’extérieur, les modifications du Règlement proposées dans cette motion peuvent sembler insignifiantes, et il est vrai qu’une grande partie de cette motion ne fait que codifier la pratique actuelle. Pourtant, les implications d’un rejet de la motion sont très sérieuses. Si nous consolidons la position privilégiée d’un caucus politique — quel qu’il soit — qui se présente comme l’opposition, nous permettrons l’érosion des droits des autres groupes parlementaires et de leurs membres, ce qui pourrait mettre fin à l’expérience d’un Sénat indépendant. En l’état, cette motion ne va pas assez loin. Elle ne va pas assez loin...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Woo...

Des voix : Bravo!

(À minuit, conformément à l’article 3-4 du Règlement, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures, plus tard aujourd’hui.)

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